8 mars 2016

Un nouvel évent sur le volcan Nyiragongo (mis à jour, 09 mars)

Et je tiens avant tout à remercier très chaleureusement "vdmmic" qui, dans son commentaire m'a fait parvenir cette nouvelle exceptionnelle: une seconde zone éruptive est apparu récemment au fond de l'immense cratère du Nyiragongo.

Il semble en effet que depuis fin février, plus précisément le 29 d'après
l'Observatoire Volcanologique de Goma (OVG), le volcan soit le siège d'une activité
éruptive particulièrement intense. D'après les données et témoignages récoltés, les habitants ont entendu une série de grondements, à un rythme d'un toutes les minutes environ, à partir d 04 heure du matin (heure locale).

Immédiatement une équipe de volcanologues de l'OVG s'est rendue au sommet, et s'y est maintenue au moins jusqu'au 02 mars, afin de pouvoir faire des observations sur l'évolution de la situation.

C'est cette équipe qui a pu constater l'ouverture d'une nouvelle bouche effusive au pied de la paroi Est de l’immense cratère, qu'occupe le célèbre lac de lave. L'image ci-dessous, prise le 02 ou 03 mars, montre ce qui ressemble à un joli Spatter Cone, ou "cône d'éclaboussures", caractéristique de l'émission de lave fluide par une faible activité explosive entouré des coulées de lave récentes qui s'en sont échappées. D'après le rapport l'évent est situé sur une série de fractures qui relie le cratère principal du Nyiragongo à son imposant cône actif Baruta, situé sur le versant Nord-Est.

La nouvelle bouche éruptive du Nyiragongo, le 02 ou 03 mars 2016. Image: Observatoire Volcanologique de Goma.

Mais le rapport, publié le 02 mars, parle bien d'un nouveau lac de lave. Et il est vrai qu sur les images prises le 01 mars la zone où se trouve le spatter cone ci-dessus ressemble à un petit lac de lave secondaire.
Alors: cette nouvelle bouche effusive a-t-elle été brièvement un petit lac de lave dont la surface s'est figée et sur laquelle se serait construit le saptter cone?

Les deux évents du Nyiragongo, le 01 mars 2016. Le nouvel évent ressemble effectivement à un petit lac de lave. Image: OVG

Pour quelle raison cette nouvelle est très importante? Pourquoi l'équipe de volcanologues de l'OVG s'est-elle précipitée au sommet pour observer le phénomène?
Pour le comprendre il faut remonter aux deux dernières éruption de ce volcan, dont le cratère contient le plus grand volume de lave au monde. L’édifice tout entier est traversé d'un réseau important de fissures susceptible, si les conditions se réunissent,de provoquer la vidange du lac de lave directement sur les pentes, voire sur les basses-pentes. Dans ce cas de figure, qui s'est produit en 2002*, la ville de Goma est directement menacée. Le moindre changement dans le comportement du lac de lave, dans l’écartement des fissures, est ainsi scruté afin de tenter de percevoir d'éventuels signes avant-coureurs d'une telle vidange.

Et l'apparition d'un nouvel évent au fond d'un cratère d'abord connu pour n'en accueillir qu'un seul, est un changement qui peut-être riche d’informations pour la prévision et la prévention des risques volcaniques liés à l'activité éruptive permanente de ce volcan.

Mise à jour, 20h35

Un autre grand merci, à Shérine France cette fois, pour m'avoir fait passer ce lien via tweeter, qui montre  que l'activité reste intense pour le moment, avec une belle coulée qui est émise depuis le spatter-cone.


Ces images semblent plutôt aller dans le sens d'une activité sans second lac de lave.

Mise à jour 09 mars, 08h57

La presse Locale rapporte que suite aux annonces d'une hausse d'activité, une partie de la population de Goma a été prise d'un début de panique le 7 mars. La destruction d'une partie de la ville en un temps record lors de l'éruption effusive de 2002 reste plus que vive dans les mémoires: le traumatisme est profond, la résilience sera longue. L'OVG a indiqué qu'il n'y avait pour l'heure pas de raisons de s'inquiéter mais des commerçants ont tout de même fermé leur boutique, tandis que des habitants ont spontanément évacué la ville pour aller se réfugier sur les hauteurs, à l'ouest, en direction de la ville de Kitshanga (100 km de Goma) d'après la presse.

Sources: vdmmic, que je remercie encore énormément; OVG; Shérine France; Presse locale

8 commentaires:

  1. C'est intéressant car cette rift-zone est un modèle du genre. J'aimerai beaucoup savoir si l'apparition de cet évent est liée à une inflation et/ou à une sismicité. En tout cas, l'évolution de la situation va être intéressante et est à mon avis suivie de très près par l'OVG.
    En tout cas, l’absence de nouvelles fraîches et l’évolution du lac en spatter ne vont pas dans le sens d’une forte évolution du phénomène.

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    1. Ah ben j'aimerais bien aussi :-) Quand à l'éventuelle évolution du lac en spatter, c'est une supposition de ma part, rien de plus. J'auris du mal à croire qu'il n'y ait jamais eu de 2nd lac et qu'il se soit agit d'une erreurs d'observation. Ou alors le second lac était minuscule, quelques mètres de diamètre, et le spatter s'est construit par dessus en le refermant....Bref, il manque quand me quelques détails.

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    2. Je pense aussi qu’il faut différencier les grands lacs de lave type Nyiragongo des mares de lave contenus dans les spatter. Certes ces deux manifestations correspondent chacune à la terminaison en surface du conduit volcanique mais je trouve que les dissemblances sont trop importantes pour les définir du même terme.
      Les grands lacs de lave comme ceux du Nyiragongo, de l’Erta Ale, ou de l’Halema’uma’u sont tout d’abord d’une taille importante incomparable à celles des mares de spatter . Cela pose déjà la question de la géométrie du conduit sous ces manifestations de surface. Car relier une mare à un dyke, cela ne pose pas de problèmes d’imagination mais concevoir un conduit comme un grand puits de parfois plusieurs centaines de diamètre (ce qui doit néanmoins être le cas), cela est légèrement plus compliqué.
      D’autre part, les mares de lave sont associées à un spatter très souvent de nature monogénique, c’est-à-dire qu’elle disparaît avec la fin de l’éruption. A l’inverse, les lacs se mettent en place dans des structures communes qui se réactivent à chaque éruption.
      Par ailleurs, les grands lacs de lave sont des phénomènes stables dans le temps avec des éruptions qui durent fréquemment plusieurs dizaines d’années. Ce système est donc à l’équilibre, ce qui requiert un apport de chaleur par le système magmatique équivalent à la déperdition de chaleur en surface du lac, ce qui est d’ailleurs considérable et d’un autre ordre de grandeur en comparaison des petites mares de lave.
      Enfin, les lacs sont souvent régis par une activité de surface exclusivement effusive avec de rares projections, là où les mares de lave sont souvent brassées par les gaz, ce qui définit plutôt une manifestation faiblement explosive (elle construit tout de même le spatter qui le contient). Cet argument est toutefois à nuancer si on prend en compte le lac du Bembow ou la mare active dans la Plaine d’ Holuhraun entre septembre 2014 et février 2015. De par leurs caractéristiques, le premier pourrait être défini comme un lac très actif et le second comme une grande mare de lave.

      Cela fait donc quelques différences. Pour le cas actuel du Nyiragongo, il est clair qu’il manque quelques détails mais je pense aussi qu’une clarification de la terminologie pourrait (là aussi) être utile.
      Bonne journée,

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    3. Je plussoie. La terminologie n'est pas optimisée.

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  2. Enfin fraîches, façon de dire... ;)

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  3. C'est certainement un évènement intéressant, mais ca s'est déja produit dans l'histoire récente du volcan. Haroun Tazieff mentionne dans "Niragongo ou le volcan interdit" la présence d'un deuxième lac en 1972, plus petit et situé au sud du premier. Et quand on remonte plus loin dans le temps, lors de la premiere ascension du volcan par von Götzen en 1894, il y avait même deux puits séparés a l'intérieur du cratère. Donc ce n'est pas nécessairement synonyme d'une augmentation du risque de fissuration et vidange du lac.
    Un élément de réponse à la question "pourquoi ce nouvel évent?" se trouve probablement dans la fissure circulaire concentrique apparue sur le plancher du cratère. Cette fissure s'est tres certainement formée par un début d'effondrement de la terrasse de lave solidifiée qui occupe le fond du puit. Et du magma aura profité de cette fissure pour s'y injecter en son point le plus large et atteindre la surface.

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    1. Je partage complètement ta remarque concernant l'éventuel risque de vidange. Il y a certes eu du spattering peu avant l'éruption de 77, mais rien ne dit que les deux situations soient similaires: pour preuve il n'y a pas eu de spattering avant l'éruption de 2002.
      Ma remarque concernant la vidange n'était pas à associer directement au risque: elle justifiait la réaction des volcanologues de l'OVG, qui sont montés rapidement pour évaluer la "situation géologique". Je ne suis pas allé plus loin que ça, et je n'ai pas voulu mettre en avant ce risque particulier pour cette situation particulière. En tout cas je n'ai jamais voulu dire que je pensais qu'il s'agissait du risque majeur à court terme (après, j'ai peut-être manqué de clarté :-) ).
      En l’occurrence il manque les données de la sismicité régionale pour évaluer ce risque, qui peut jouer un rôle majeure dans l'apparition des fissures sur le massif et les phases de vidanges du lac (éruption de 2002 par exemple).
      - Si rien de particulier ne se passe sur le Rift, il y a moins de risques que les réseaux de fissures qui coupent l'édifice s'ouvrent et vidangent le lac .
      - Si au contraire on apprend que depuis 6 mois le rift est tectoniquement très actif, l'ouverture de ce nouvel évent prend une autre dimension en terme de risques potentiels. Car les réseaux de fissures qui coupent le volcan ont pu bouger, et le risque de vidange serait accru.

      Le problème (à mon niveau de relai d'information) est donc que cette nouvelle bouche:
      * peut n'être qu'un simple évent secondaire directement alimenté par un dyke monté depuis le réservoir qui alimente le lac. Un peu à la manière des situations que tu décrits dans ton commentaire en l’occurrence, bref, une situation normale.
      * peut-être l'expression d'une fragilité du massif tout entier

      et qu'il manque des informations pour y voir plus clair, en particulier les données de la sismicité, locale et régionale.

      Merci de nous avoir fait partager les détails historiques: j'en suis friand :)

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  4. Décidemment c'est la "fête" des lacs de lave en ce début d'année 2016 avec l ERTA ALE qui a eu une forte activité du lac et le MASAYA et ce nouvel évent en RDC

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