Vous n'êtes peut-être pas sans savoir que le 13 février, un petit buzz a eu lieu concernant ce volcan, suite à la mise en place de quelques écoulements pyroclastiques qui ont affecté le flanc sud-est. Dans la foulée on a vu fleurir sur les réseaux sociaux et dans la presse Indonésienne la conclusion que le volcan
connaissait une augmentation de son activité éruptive. Allons voir cela de plus près.
Mais avant tout je crois nécessaire de préciser qu'en ce qui me
concerne, je considère une activité comme étant "en hausse" lorsque les
signaux, géophysiques (sismicité, déformation) ou géochimiques
(composition du dégazage, des sources proches, émission de CO2 diffuses
etc), sont en hausse.
Lors de ces "vraies hausses", on peut soupçonner que le système
d'alimentation du volcan accueil du magma neuf et que ce dernier peut arriver
à la surface en donnant un pic d'activité. La cause de l’augmentation est alors profonde et, généralement, elle dure un certain temps, celui nécessaire à ce que le déséquilibre apporté par la nouvelle masse de magma (+ de pression, + de lave, etc) soit évacuée. Lors de ces crises le risque peut être fortement accru car "plus de gaz" peut signifier "plus d'explosions", ou "explosions plus puissantes". Cela peut aussi donner des écoulements pyroclastiques plus mobiles, plus longs, plus rapides aussi, etc.
Or
il se trouve aussi que, fréquemment, ce qui est décrit comme une hausse
d'activité n'est en fait qu'un événement dont
l'origine est superficielle, et non pas profonde. Dans ce cas de figure, la lave qui est impliquée dans la crise est, pour ainsi dire, la même que celle des jours/semaines précédents avec, par exemple:
* pas forcément plus de gaz
* une viscosité qui est sensiblement la même, etc
Et dans ce cas de figure, la crise est très souvent courte et d'ampleur modeste. L'expression "augmentation de l'activité" traduit alors plus, au fond, la surprise (éventuellement la crainte) que le changement d'activité constaté inspire par rapport à ce qui est habituellement observé, qu'une réelle hausse.
J'accorde d'autant plus d’importance à cette distinction qu'un volcan
présente une activité longue, car toute éruption de ce type connait des hauts et des bas et qu'il est assez facile de confondre une vraie hausse d'une activité plus superficielle. C'est le cas pour le Semeru, réputé en
éruption permanente depuis les années 60, même si elle a connu des phases de pause.
1- Les faits
Il est vrai que, clairement, l'ampleur des événements de samedi fut plus importante que ce qui est habituellement vu sur ce volcan. L'écoulement qui s'est mis en place, à priori vers 06h15 (heure locale), s'est déplacé sur une distance d'environ 4.5 km, ce qui n'est pas négligeable du tout, sans être extraordinaire non plus.
Écoulement pyroclastique du 13 février 2016 au matin, vue de l'observatoire du Gunung Sawur. Image: PVMBG/Gunung Sawur |
C'est à confirmer (sources pas très claires) mais d'autres écoulements semblent avoir eu lieu plus tard: l'un est décrit dans la presse à 17h30 (heure locale), long de 2500 m. Depuis lors, plus rien, comme l'indiquait un rapport d'observation transmis avant-hier par le PVMBG, mais une autre information, transmise le jour même par le BNPB (organisme en charge de la gestion des crises), indiquait que la situation semblait calmée dès 13h00.
Ces observations semblent donc indiquer que la crise a été en réalité courte et modeste, une caractéristique qu'on rattache moins à une origine profonde que superficielle.
Parmi les faits qu'il faut aussi mettre sur le tapis de la réflexion, je rappel qu'en novembre 2015 il y avait des soupons concernant une possible vraie hausse de l'activité (cause profonde), basée sur la hausse des signaux thermiques détectés depuis l'espace, et le soupçon que certaines images satellites concernant la formation d'une nouvelle coulée de lave. Cette dernière était une indication d'une possible hausse du débit, généralement associée à une hausse de la pression.
Ce qui n'était alors qu'un soupçon argumenté s'est révélé renforcé par la suite dans les rapports du PVMBG, qui ont noté entre novembre et décembre, une hausse marquée du trémor, couplé à une hausse des séismes liés aux avalanches de blocs. Eux-même pouvant être une conséquence de la présence d'une coulée de lave qui, instable dans la pente, s’effriterait. Par la suite toutefois ces signaux se sont apaisés mais semblent être restés au-dessus de la normale.
Cette "crise" de novembre-décembre trouve par ailleurs son écho du côté des données thermiques partagées par le MIROVA, qui montent elles-aussi un "pic d'activité thermique" au même moment. Vous noterez en regardant le graphique ci-dessous qu'après le pic en question, l'activité thermique est restée plus soutenue que la normale: l'intensité du rayonnement détecté est restée forte, comme la fréquence de détection des signaux. Ceci est aussi conforme avec la sismicité supérieure à la normale décrite ci-dessus pour le mois de janvier. Par ailleurs c'est à partir du 04 janvier, apprend-on dans la presse Indonésienne, que l'accès au sommet a été fermé à cause de l'activité.
Concernant le pic d'activité thermique, il se trouve qu'une image satellite (ASTER), produite courant décembre, semble bien confirmer qu'une nouvelle coulée a progressé dans la profonde ravine qui éventre le haut versant sud-est du stratovolcan: voilà un début d'explication possible pour le pic enregistré par le MIROVA car, avec une coulée, c'est une surface plus importante qui rayonne les infrarouges détectés depuis l'espace.
La présence de cette coulée reste, pour être franc, à confirmer mais elle n'aurait rien d'étrange ou d'anormal: c'est un phénomène récurent sur le volcan (voire ce post).
Évolution de la sismicité au cours de l'année 2015. Image: PVMBG |
Cette "crise" de novembre-décembre trouve par ailleurs son écho du côté des données thermiques partagées par le MIROVA, qui montent elles-aussi un "pic d'activité thermique" au même moment. Vous noterez en regardant le graphique ci-dessous qu'après le pic en question, l'activité thermique est restée plus soutenue que la normale: l'intensité du rayonnement détecté est restée forte, comme la fréquence de détection des signaux. Ceci est aussi conforme avec la sismicité supérieure à la normale décrite ci-dessus pour le mois de janvier. Par ailleurs c'est à partir du 04 janvier, apprend-on dans la presse Indonésienne, que l'accès au sommet a été fermé à cause de l'activité.
Pic d'activité thermique sur le volcan Semeru, 2015-2016. Image: MIROVA |
La présence de cette coulée reste, pour être franc, à confirmer mais elle n'aurait rien d'étrange ou d'anormal: c'est un phénomène récurent sur le volcan (voire ce post).
Comparaison d'images ASTER prises en octobre et décembre: l'allongement du signal thermique depuis le sommet du Semeru permet de supposer la présence d'une coulée de lave. Images: ASTER/JPL/NASA |
2- qu'en penser?
Il semble maintenant acquis que depuis le mois de novembre 2015 le volcan se trouve dans une phase de son éruption un peu plus importante que l'habituelle, même si un pic a été passé dès décembre. Les différents jeux de données (ASTER, MIROVA) et les informations du PVMBG, du BNPB et de la presse (qui relaie en gros les deux précédents, plus quelques détails) permettent de fortement soupçonner la présence d'une nouvelle coulée de lave sur le haut versant sud-est du volcan: elle descend depuis le Jonggring Seloko (nom du cratère actif du Semeru) sur près de 2 km de long ce qui laisse supposer une débit de lave un peu supérieur à l'habituel. Cette nouvelle phase est donc avant tout effusive, bien que l'on puisse supposer la présence d'explosion au Jonggring Seloko, activité habituelle sur ce volcan.
La phase d'écoulements pyroclastiques n'a pas duré longtemps et aucun d'entre eux n'a été d'une très grande ampleur, même si au moins un a été assez impressionnant.
L'origine de cet écoulement peut être soit:
- le sommet : un bout de lave qui s'est décroché depuis le bord du Jonggring Seloko
- le flanc : c'est un (gros) bout du front de la nouvelle coulée qui aurait pu se détacher
Il semble maintenant acquis que depuis le mois de novembre 2015 le volcan se trouve dans une phase de son éruption un peu plus importante que l'habituelle, même si un pic a été passé dès décembre. Les différents jeux de données (ASTER, MIROVA) et les informations du PVMBG, du BNPB et de la presse (qui relaie en gros les deux précédents, plus quelques détails) permettent de fortement soupçonner la présence d'une nouvelle coulée de lave sur le haut versant sud-est du volcan: elle descend depuis le Jonggring Seloko (nom du cratère actif du Semeru) sur près de 2 km de long ce qui laisse supposer une débit de lave un peu supérieur à l'habituel. Cette nouvelle phase est donc avant tout effusive, bien que l'on puisse supposer la présence d'explosion au Jonggring Seloko, activité habituelle sur ce volcan.
La phase d'écoulements pyroclastiques n'a pas duré longtemps et aucun d'entre eux n'a été d'une très grande ampleur, même si au moins un a été assez impressionnant.
L'origine de cet écoulement peut être soit:
- le sommet : un bout de lave qui s'est décroché depuis le bord du Jonggring Seloko
- le flanc : c'est un (gros) bout du front de la nouvelle coulée qui aurait pu se détacher
Sur ce point les quelques photos de l'événement trouvées sur le net ne m'ont pas permis de me faire une opinion assez sûre pour la partager ici. L'une d'entre elle suggère un écoulement partir du front de la coulée, mais cette image n'est pas horodatée et je ne peux être sûr qu'elle a bien été prise samedi.
En tout cas rien n'indique qu' une activité explosive plus importante aurait donné naissance à ces écoulements.
Il semble donc que leur origine soit "accidentelle", plus superficielle que profonde, pour reprendre les termes du début de ce post, car c'est vraisemblablement la topographie qui a provoqué l'instabilité de la coulée de lave du flanc sud-est, ou de la galette de lave qui occupe désormais le plancher du Jonggring Seloko, plus qu'un changement dans la lave émise.
De cela il découle malgré tout que tant que l'effusion se poursuivra, même à un débit faible, ce type d'écoulement d'ampleur faible à modérée est susceptible de se former. Tant qu'ils ont ces dimensions ils ne font courir un risque immédiat que sur la pente sud-est du Semeru, qui n'est pas habitée. Ils ne sont en effet pas assez volumineux et mobiles pour parcourir de grandes distances, et les premières habitations sont à environ 8 km en face de la ravine où ils ont dévalé samedi.
Plus que les écoulements pyroclastiques, plus grande crainte concernant l'activité du Semeru reste la formation des lahars (coulées de boue), qui peuvent dévaler les pentes rapidement et porter la destruction assez loin en suivant les cours d'eau.
L'affaire est donc à suivre, bien entendu, car il n'y a pas assez d'information précises et en temps réèl quand à l'évolution de la sismicité notamment, pour savoir vraiment ce qu'il se passe.
Il semble donc que leur origine soit "accidentelle", plus superficielle que profonde, pour reprendre les termes du début de ce post, car c'est vraisemblablement la topographie qui a provoqué l'instabilité de la coulée de lave du flanc sud-est, ou de la galette de lave qui occupe désormais le plancher du Jonggring Seloko, plus qu'un changement dans la lave émise.
De cela il découle malgré tout que tant que l'effusion se poursuivra, même à un débit faible, ce type d'écoulement d'ampleur faible à modérée est susceptible de se former. Tant qu'ils ont ces dimensions ils ne font courir un risque immédiat que sur la pente sud-est du Semeru, qui n'est pas habitée. Ils ne sont en effet pas assez volumineux et mobiles pour parcourir de grandes distances, et les premières habitations sont à environ 8 km en face de la ravine où ils ont dévalé samedi.
Plus que les écoulements pyroclastiques, plus grande crainte concernant l'activité du Semeru reste la formation des lahars (coulées de boue), qui peuvent dévaler les pentes rapidement et porter la destruction assez loin en suivant les cours d'eau.
L'affaire est donc à suivre, bien entendu, car il n'y a pas assez d'information précises et en temps réèl quand à l'évolution de la sismicité notamment, pour savoir vraiment ce qu'il se passe.
Sources: MIROVA; ASTER/PJL/NASA; PBMBG; BNPB; Presse Indonésienne (Tempco; Zogaw; LinesIndonesia)
Salut !
RépondreSupprimerN'y a t-il pas d'informations sur l'activité explosive (fréquence, intensité...) ? Car l'activité effusive actuelle argue certes en faveur d'une légère hausse du débit, mais des changements de l'activité explosive permettrait plus facilement de conclure quand à une "hausse de l'activité".
Bonne journée,
Ludovic Leduc
Salut. Je plussoie. Pas d'informations particulières sur ce point, et je n'ai pas trouvé d'images non plus, sinon c'est un point que j'aurais mis en avant pour argumenter en faveur ou défaveur d'une hausse de l'activité. Mais il n'y a rien au VAAC de Darwin concernant des émissions de cendres et il n'y a rien non plus qui indique un changement sur ce point dans les données du PVMBG, pas plus que sur les réseaux sociaux.
SupprimerLa webcam manque ici cruellement...
Pour moi le point central c'est toutefois qu'il n'y a eu d'écoulements que samedi, sur un temps très court: ça ressemble plus à un effondrement soit de la coulée soit de la galette. Un magma plus riche en gaz aurait produit peut être les mêmes phénomènes, mais au moins sur une plus longue durée, pas 4-5 heures.
Bonne journée à toi :)
CV
Quel dommage ! Kisskissbankbank pour une webcam au Semeru !!!
SupprimerBonjour, quelqu'un sait il si l'accès à la zone sommitale est autorisée ? Je planifie un voyage sur Java et si c'est le cas et que l'activité est intéressante (sans être trop dangereuse), j’inclurai l'ascension dans les congés (comme ça il y'aura quelques photos !!!). De ce que je lis, il y'a une extrusion de magma visqueux ? Mais plus d'explosions en choux fleurs ? Pardonnez mes questions bêtes mais il est tellement facile de trouver des réponses sur ce super forum que j'en profite !
RépondreSupprimerBonjour MR Blanchard. D'après la presse Indonésienne le sommet serait fermé depuis le 04 janvier. Il ne serait pas étonnant que la fermeture se poursuive quelques semaines.
SupprimerPour les explosions il serait étonnant qu'il n'y en ait plus mais il n'y a pas d'infos précisent là-dessus malheureusement, encore moins sur la morphologie des panaches (choux-fleur ou autres) malheureusement. Si vous allez sur place, vous pouvez vous renseigner plus précisément sur l'activité en cours à l'observatoire du Gunung Sawur, ou aller jeter un oeil du côté de la caldera du Tengger et en profiter pour observer l'activité explosive et voir si elle est toujours présente, fréquente, faible ou forte etc. 2 explosions par jour, c'est faible et ça ne vaut pas le coup de monter (sauf pour le panorama), mais 1 par heure ou toutes les 2 heures, ça vaut le coup, si l'accès est autorisé.
Quand au magma émis sur le Semeru il est habituellement, je dirais, d'une viscosité modérée+. Mais "haute viscosité" n'implique pas du tout "fortes explosions": l'extrusion en dos de baleine du St Helens (fantastique éruption de 2004-2008; https://www.youtube.com/watch?v=5t_B3H3Bx_Q) était d'une viscosité extrême, mais avec très très peu d'explosions, et je pourrais citer bien d'autres cas de figures.
Enfin: il n'y a aucune question bête, pour peu qu'elle soit importante pour celui ou celle qui la pose :-)
Bonne journée
CV