Depuis la fin de son éruption, le 04 décembre dernier, le volcan n'a connu qu'une activité explosive avérée le 07 décembre (une autre a été soupçonnée le 25 décembre mais les images des webcams n'ont rien montré de particulier), suite à la mise en place d'un petit bouchon ("dôme") de lave dans le cratère sommital*.
Depuis lors l'activité s'est restreinte à un dégazage à haute température, visible au sommet du volcan sur les images prises de nuit par une webcam installée dans la zone d'El Papalonal, plus précisément sur la zone d'El Candon, au pied du flanc sud-est du volcan.
Le spot lumineux au sommet n'est pas de l’incandescence mais une source de fort rayonnement infrarouge, qui traduit une haute température. Image: INETER |
Cette "lueur infrarouge", donc invisible à l'oeil nu, est restée en permanence allumée, nuit après nuit, variant parfois seulement en intensité.
C'est depuis hier matin que les choses semblent changer et, pour l'heure, ni l'INETER (organisme Nicaraguayen responsable de l’analyse des phénomènes naturels) ni le SINAPRED (organisme chargé de la gestion des crises dues aux phénomènes naturels ou non) n'ont mis en ligne d'analyse factuelle de la situation: pas mal de détails sur les précurseurs nous échappent donc pour l'heure. Mais en tout cas tout semble avoir redémarré au levé du jour le 02 décembre lorsqu'une petite émission de cendres brunes, la première depuis début décembre, a fait une brève apparition sur la webcam d'El Candon.
Faible émission de cendres au levé du jour. La teinte brune laisse penser qu'il s'agit de lave ancienne pulvérisée et non de lave nouvelle (juvénile). Image: INETER |
S'en sont suivies plusieurs heures de calme, dominées par l'unique dégazage. Jusqu'en tout début d'après lorsqu'à 13h34 (heure locale) une seconde petite émission de cendres se produise: rien de méchant, mais deux manifestations espacées de quelques heures après plusieurs semaines de calme ont déjà de quoi éveiller les soupçons. Mais un poil moins d'une heure plus tard, une troisième puis une quatrième émission de cendres se produisent, coup sur coup.
Il se passe donc sans nul doute quelque chose pour que cette activité explosive, aussi modeste soit-elle, fasse sa réapparition.
Le calme revient toutefois après ces quelques bouffées cendreuses: la fin du jour et la plus grande partie de la nuit se déroulent dans le calme. Ce n'est qu'à 04h22 ce matin (heure locale) qu'une puissante explosion démarre brusquement, arrosant de fragments (blocs et bombes) à très haute température l'ensemble des flancs du volcan. La conséquence immédiate est la mise en place, sur tous les versants, d'incendies dans la couverture végétale, heureusement peu dense.
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Mais c'est le déroulement même de l'explosion qu'il convient de décortiquer. Car juste après que l'explosion ait démarré les images de la webcam d'El Candon montrent ce qui ressemble à un écoulement pyroclastique partir du sommet, et suivre une trajectoire correspondant à la ravine ouverte dans le flanc nord-est, celle qui avait déjà canalisé auparavant la coulée de lave de 1905 et celle de 2015.
C'est cet écoulement qui a laissé, sur l'image où l'on voit les incendies, le dépôt à haute température qui souligne la présence de la ravine (et qui n'est donc pas une coulée de lave même si, sur l'image, ça y ressemble) et permet d'estimer la longueur de l'écoulement présumé à environ 1700 m.
Ce qui ressemble à un écoulement pyroclastique. Image: INETER |
La chronologie est donc la suivante: explosion en premier, mise en place de l'écoulement en second. Cela suggère que l'écoulement pyroclastique est la conséquence de l'explosion. On peut imaginer que le petit dôme de lave signalé début décembre s'est trouvé déstabilisé par l'explosion et s'est effrité dans la ravine pour former l'écoulement pyroclastique. Il ne s'agit là que d'une possibilité pour laquelle je n'ai, en fait, pas trouvé d'argument probant. Ainsi par exemple la comparaison d'images webcams prises avant et après l'explosion (l'une en décembre, l'autre ce matin) ne montrent aucune différence notable de la morphologie du sommet du Momotombo. Il est possible que le dôme ait été de trop petites dimensions pour être visible sur la webcam**, mais pour l'heure, l'idée que la disparition du dôme soit à l'origine de l'écoulement n'est qu'une spéculation de ma part.
L'explosion de cette nuit est plus forte que celles d'hier. Mais la question importante est: quelle est l'origine de ces explosions? Sont-elles déjà magmatiques, au moins partiellement? Auquel cas le volcan peut être considéré comme "en éruption". Où ne s'agit-il que de l'émission de laves anciennes, maintenues à haute température? Auquel cas plusieurs possibilités s'ouvrent:
- soit ces manifestations ont une origine superficielle: on sait par exemple que la cristallisation du magma dans les conduitss’accompagne d'une libération d'un peu de chaleur (de quoi maintenir des température élevées dans les gaz, responsable de la lueur visible courant décembre) et de gaz, susceptible de produire des surpressions, qui peuvent donner lieu à une activité explosive faible à modérée. Surtout si le sommet est colmaté d'un bouchon de lave...
- soit leur origine est plus profonde: elles pourraient alors être les signes précurseurs de l'arrivée de magma neuf et donc éventuellement, d'une nouvelle phase éruptive. Dans ce cas de figure l'explosion de cette nuit pourrait s'avérer être une très bonne chose, en ayant débarrassé le conduit d'au moins une partie du bouchon qui l'obstruait.
Voyez que les données techniques récoltées par l'INETER (sismicité, déformation, mesures de SO2***) seraient importantes pour privilégier l'une ou l'autre des possibilités, voire d'en soupçonner d'autres. INETER qui, en outre, n'a cessé de répéter qu'une nouvelle phase éruptive à court ou moyen terme était tout à fait envisageable.
Pour l'heure rien dans la presse n'indique qu'il y ait eu des conséquences à cette activité, autre que les quelques incendies décrits ci-dessus.
Source: INETER (images webcams)
** ce qui pourrait expliquer que je ne puisse détecter aucune modification dans la forme du sommet même si le dome a disparu
*** une station de mesures a été installée à Puerto Momotombo
Ca fait plus "effondrement de panache" qu'"écroulement de dôme".... et est-ce qu'un résidu de pression résultant du refroidissement de magma peut suffire pour produire une explosion pareille?
RépondreSupprimerEn partant d'une simple observation superficielle de l'activité de décembre avec les photos, l'éruption présentait un aspect strombolien, basaltique, fontaines de lave et magma fluide. Déjà la présence d'un dôme est très surprenante dans ce cas, une éruption vulcanienne comme cette nuit pourrait-elle indiquer que la composition du magma aurait changé? (activité initiale basaltique lors de la réalimentation, qui commencerait à mobiliser un magma plus andésitique présent dans les conduits?)
C'est bien parce que je n'ai rien trouvé de probant, et que malheureusement l'image de nuit n'est pas d'assez bonne qualité, qu'il ne m'a pas été possible d'éliminer ou d'argumenter pour l'idée du dôme qui est effrité dans la pente. Ce "dôme" résultait, très vraisemblablement de la mise en place d'un peu de magma dégazé en fin d'éruption, poussé par une peu de pression résiduelle. Il n'a jamais été question d'un dôme au sens "Unzenien" du terme par exemple, bien entendu: le mot "dôme" décrit juste une structure, une morphologie, pas une composition. (il y a eu un dôme endogène dans la Bocca Nuova en 1999 (Benhcke et al, JVGR, 2003).
SupprimerDu coup, un petit bouchon, une source productrice d'un peu de gaz...rien n'empêche d'imaginer une surpression apte à faire l'explosion de cette nuit,qui, tout de même, a été forte, mais pas d'une très grande violence non plus.
Il y aurait de l’échantillonnage à faire pour comprendre ce qu'il s'est réèllement passé.
Quand à un éventuel changement de composition, sur la seule base de quelques explosions (dont on ne sais pas si du magma juvénil est en cause) et d'un (minuscule et résiduel) dôme... ça me parait prématuré d'y songer.
Concernant l'explosion:
- soit elle est superficielle, et dans ce cas il faut chercher la cause soit dans le système hydrothermale soit dans l'évolution du magma dans les conduits pendant son refroidissement (idée présentée dans le post)
- soit elle a une cause plus profonde comme une arrivée de magma: dans ce cas là elle peut acquérir le statut de "débourrage" par exemple. Et il faudra attendre l'éruption et l'échantillonage avant de savoir quelle est la composition du magma en question
Pour nous ça ne change rien: il suffit d'attendre et voir si une nouvelle éruption débute bientôt (pas dans un an ou deux) ou si tout finit par se calmer
Moi j'ai hâte qu'on sache de quoi sont faits les dépôts, mais je ne suis pas sûr qu'on aura accès à la réponse un jour, en tout cas pas rapidement.
Et je viens de me rendre compte que pendant les 3 heures qui ont précédé l'explosion, la lueur au sommet s'est fortement atténuée (ciel dégagé)... Donc soit autant de gaz sortait mais moins chaud, soit le dégazage a diminué peu avant l'explosion.....
SupprimerMystérieux...et de fait interessant.
En effet, si moins de gaz est sorti les heures avant que ça explose, ce gaz a du aller quelque part.... et peut avoir été la cause de l'explosion. Maintenant, que se passe t-il? Affaire à suivre....
RépondreSupprimerPour ce qui concerne les dômes et le magma basaltique, je suis assez halluciné qu'un dôme ait pu se mettre en place à l'Etna, parce que la nature du magma ne s'y prête *vraiment* pas (si un dôme se forme au Kilauea ou à la Fournaise, là, je mange mon guide des volcans d'Europe;) c'est comme un lac de lave au Krakatoa ou à la Montagne Pelée)... Bon enfin si le grand chef devant l'Eternel de l'INGV Catania le dit, ça doit être vrai!!!
Je m'était quand même laissé dire ,dans le même guide des volcans d'Europe,( écrit par Maurice Krafft donc par une grosse pointure aussi) que le Vésuve (qui lui est un volcan "bizarroidique" avec un magma basaltique à l'origine mais saturé de CO2 et d'eau en raison du terrain calcaire environnant, ce qui fournit de la pression et rend des éruptions façon Pompéi possibles)... bon bref ce Vésuve avait eu lui aussi un court épisode péléen, exceptionnel, à la fin du XIXème siècle, qui avait formé sur ses flancs (pas dans le cratère central) une série de dômes, les collines Umberto.
La température joue probablement un rôle ainsi que le taux de gaz et de cristallisation (en toute logique plus un magma est "frais" plus il est fluide pour une même composition chimique), donc, qu'un basalte forme un dôme ou qu'une andésite ou une dacite s'écoule sur des kilomètres à la mode hawaïenne, pourquoi pas, mais je pensais qu'il y avait des limites infranchissables...
Pour le Vésuve, attention au terme "dôme" concernant le Colle Umberto: il pourrait s'agir plutôt d'un dôme exogène (accumulation de coulées courtes à très faible débit, lave généralement dégazée), qu'un dôme endogène (type Unze, Soufriere Hills etc). Je ne suis sûr de rien mais ce que j'ai pu lire concernant cette éruption le suggère par certains côtés (éruption avec une composante latérale, effusive, longue en durée). Je pense savoir où trouver l'info mais je ne suis pas encore parvenu à en trouver l'accès. Peut-être un jour...
SupprimerQuand cette éruption, elle n'a pas eu de point commun avec celle de la Montagne Pelée: Il s'est agit d'une éruption essentiellement effusive, sur une fracture ouverte du sommet jusqu'au pied du versant ouest-nord-ouest. C'est d'ailleurs une des (sinon la) plus longues effusions continues du cycle 1631-1944. Dans une these publiée en 2013, le Colle Umberto est décrit en ces termes: "Compound flow-fields were the thickest produced, building up to 160m" (champ de lave composite où la plus grande épaisseur atteint 160m): c'est le Colle Umberto, qui est donc un champ de lave très épais au niveau de l'évent principal, et a donc une forme générale de dôme.