21 septembre 2015

Volcan Nishino-Shima: la surface de l'île a diminué


Mon précédent post, édité début août, indiquait que l'activité se poursuivait, même si le rythme global semblait avoir ralentit, avec une activité explosive sur le cône devenue moins fréquente et des coulées alimentées par un faible débit.
La situation depuis lors n'a fondamentalement pas changé, même si le dernier survol des gardes-côtes
Japonais, et les données satellites, révèlent quelques détails.

Les phénomènes (aléas)

Concernant l'activité explosive, j'avais un doute début août quand au fait qu'elle se poursuivait, car aucune image faites lors des derniers survols ne montrait de projections. Il en va de même pour les dernières images produites mais, cette fois, il y a une preuve tangible que des explosions ont eu lieu depuis le 19 août: un petit cône est apparu dans le cratère du cône principal, formant ce que l'on appèle des cratères emboités. Or les cônes se forment par accumulation de projections, qui elles-mêmes sont le résultat d'une fragmentation due à des explosions.
J'ai accolé à une des images des gardes-côtes Japonais une infographie sur la quelle ce nouveau cône apparait en rouge.

Le nouveau cône du volcan Nishino-Shima, 16 septembre 2015
Le nouveau cône, édifié entre les 19 août et le 16 septembre dans le cratère du cône principal. Image: gardes-côtes Japonais

Le volume de ce nouveau cône est modeste, ce qui est cohérent avec une activité explosive elle-aussi modérée.

Concernant les coulées de lave, il est clair qu'elles sont toujours alimentées. Leur source demeure située au pied du versant nord-est du cône principal et elles s'étalaient, fin août, essentiellement vers le nord et le sud. Un front se dirigeant vers l'est était toujours actif.

Les coulées de lave du volcan Nishino-Shima, juillet-août 2015
Évolution du champ de coulées entre fin juillet et fin août. Images : GSI/LANDSAT 8-USGS


Mais la petite nouveauté concernant l'évolution de cette île c'est que, pour la première fois depuis que l'éruption a débuté, en novembre 2013, sa surface a diminué entre deux passages des Gardes-Côtes! Elle avait en effet été estimée à 2.71 km² le 19 août et fait maintenant 2.67 km², soit une perte d'environ 1.5%.

Evolution de la surface de l'île volcanique Nishino-Shima entre 2013 et 2015
Evolution de la surface de la nouvelle île depuis le départ de l'éruption. Image: Culture Volcan

Pourquoi une diminution, même faible, de la surface? Celle-ci est le résultat d'une opposition entre l'action constructrice de l'éruption, qui ne cesse d'ajouter de la matière à la surface pour édifier l'île, et celle, destructrice, de l'érosion mécanique des vagues, dont l'action tend à niveler tout relief, même le plus modeste, qui sort de l'eau.

Toute diminution de la surface sera donc le résultat d'une action destructice plus importante. Et cela peut se faire de trois manières:
- avec une intensité de l'érosion accrue, même si l'intensité de l'éruption ne change pas
- avec une intensité de l'érosion stable, mais avec une baisse de l'intensité de l'éruption
- avec une intensité de l'érosion accrue couplée d'une baisse de l'intensité de l'éruption
Il semble clair que l'éruption n'est plus très intense depuis plusieurs mais, pour autant, la surface de l'île stagnait malgré tout. Il se pourrait donc que ce soit l'action de l'érosion qui ait été accrue entre les 19 août et 16 septembre. Cela est d'autant plus vraisemblable que si l'on regarde les images satellites sur le mois écoulée on se rend compte qu'en l'espace de deux semaines, deux dépressions tropicales sont passées non loin de l'île:
- l'ouragan KILO, dont l'oeil est passé à un peu moins de 400 km à l'est de l'île le 22 août.

Le volcan Nishino-Shima et l'ouragan Kilo, 22 août 2015
La tempête tropicale KILO passe à quelques centaines de kilomètres du Nishino-Shima le 22 août. Image: MODIS/NASA

- la tempête tropicale ETAU, le 08 septembre.

Le volcan Nishino-Shima et la tempête Etau, 08 septembre 2015
La tempête tropicale ETAU passe non loin du Nishino-Shima le 08 septembre. Image: MODIS/NASA
Certes, entre 300 et 400 kilomètres séparent chaque fois l'île du coeur de ces dépressions. Mais les vagues que ces dernières produisent parcourent des centaines de kilomètres et ont pu venir frapper les côtes de Nishino-Shima, accélérant sont érosion à un moment où l'éruption est devenue trop peu intense pour la contrebalancer. Nous verrons dans les mois qui viennent comment la surface de l'île évolue.

Sources: gardes-cotes Japonais; MODIS/NASA

6 commentaires:

  1. Magnifique graphe, merci pour ce post très instructif !
    Cependant 1.5%... n'est-on pas là dans les marges d'erreur de mesure de la superficie de l'île ?

    Il y a quelques facteurs qui pourraient aussi être pris en considération pour expliquer cette absence de croissance:
    -d'après les données bathymétriques, le sommet du seamount sur lequel l'île repose est tronqué par une vaste plateforme d'abrasion peu profonde. L'île semble s'être formée dans l'angle SW de cette plateforme, et devrait en occuper les deux tiers aujourd'hui. Au sud et à l'est, elle semble avoir atteint le bord de cette plateforme. Tout croissance supplémentaire dans ces directions devraient amener les coulées à dévaler les grandes pentes sous marines du seamount sans plus contribuer à l'agrandissement de la superficie de l'île, ce quelque soit le débit des coulées.
    - en plus de l'action des vagues, le fait que les coulées s'avance sur des sédiments marins provoque leur mise en charge, et donc peut entraîner leur fluage latéral, leur compaction, leur glissement, et donc dans tous les cas provoquer l'effondrement de pans de coulées émergées. D'autres processus, tels que la formation de vapeur dans les sédiments sous les coulées, peut aussi augmenter la pression de fluide intersticielle et augmenter le risque de glissement et de fluage.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour myristica fragans. Remarques pertinentes: la stagnation de l'extension de l'île pourrait s'expliquer par la topographie sous-marine. Mais la diminution de sa surface en l'espace de moins d'un mois...l'érosion me semble être un facteur plus cohérent. Je trouve vos idées intéressantes mais, avec le temps, la charge des coulées s'est répartie sur la plate-forme: les sédiments peuvent-ils toujours fluer latéralement maintenant que presque toute la plate-forme est occupée? Et puis cela fait déjà quelques mois que les coulées qui se forment depuis la base du cône progressent sur des coulées plus anciennes, probablement stabilisées. Qu'en pensez-vous?

      Quand aux 1.5% : je fais totalement confiance aux chiffres donnés par les gardes-côtes (mais ais-je le choix?) :-)

      Supprimer
    2. Bonjour, et merci de vos commentaires. Je ne sais pas si l'île est suffisamment bien géolocalisée sur la carte bathymétrique de la NOAA pour avoir une idée exacte du pourcentage l'occupation de la plate-forme, surtout vers le N et le NE, ou il semble rester un peu de place ... Il y a apparemment pas mal de sédiment disponible sur cette plate-forme, vu que l'ancienne île était déjà sédimentaire sur 70% de sa surface, et que les nouvelles coulées semblent s'être fragmentées beaucoup au contact de l'eau (je le suppose du fait que les anses entre les coulées se remplissent très vite de sédiment, l'autre option étant que la mer les 'remonte' depuis la plate-forme environnante). Les sédiments peuvent aussi napper les pentes extérieures. En l’occurrence, plutôt qu'à un affaissement généralisé de l'île, je pensais plutôt à de petits glissements au niveau de certains caps où les coulées s'avancent en mer, qui semblent disparaître très vite d'une image à l'autre. La houle telle que celle produite par les cyclones que vous évoquez pourrait d'ailleurs y contribuer, les creux potentiellement plus que les vagues notamment, en augmentant la traction sur la base submergée. L'empilement successif de coulées n'est pas un gage de stabilisation (cf entre autres le 'radial spreading' de stratovolcans entiers sur les sédiments marins ou lacustres). Il n'existe probablement pas de document sur la nature des sédiments de la plate-forme (galets, sable ou argiles) pour savoir si l'île 'a des pieds d'argile'. La mise en évidence de pans de coulées importants disparaissant du jour au lendemain pourrait être un élément diagnostique, si les japonais disposent d'observations temporellement très rapprochées.

      Supprimer
  2. si moins d'alimentation n'y a t il pas un dégonflement qui expliquerait aussi cette diminution par une enfoncement de l'édifice ?

    RépondreSupprimer