C'est en tout cas la titre donné à un rapport édité hier par l'Observatoire Volcanologique du Sud (OVI), un service péruvien de l'INGEMMET (Instituto Geologico Minero y Metalurgico), l'un des organismes en charge de la surveillance des volcans du pays via son service de l'OVI (Observatorio Vulcanologico del INGEMMET). L'autre est l'IGP (Instituto Geofisico del Peru) et son service OVS (Observatorio Vulcanologico del Sur, annoté ci-dessous en OVS-IGP)
Rien dans les rapports normaux de l'OVS-IGP, édités chaque semaine, n'indique qu'une activité
éruptive quelconque a débuté sur cet édifice, l'un des plus actifs du pays. La sismicité reste globalement modérée bien qu'elle reste supérieure à la normale, et ce depuis février 2013. Elle connait quelques fluctuations mais rien qui s'écarte vraiment de ce qui se passe depuis plus de 2 ans déjà. A dire vrai il semble que le seul moment où il se soit passé quelque chose de significatif ait été août 2014, lorsque deux explosion phréatiques plutôt faibles avaient été détectées, les 09 et 25 de ce mois.
Du côté de l'espace aucun signal thermique n'est relevé : le MIROVA reste absolument "silencieux" sur la zone du Sabancaya.
Pas de signal thermique particulier émis par le Sabancaya. Image : MIROVA |
Le volcan reste le siège d'un dégazage important (le panache peut faire jusqu'à 1800m de haut), et visiblement assez concentré en gaz magmatiques. Il est interessant de noter toutefois que, dans le dernier rapport (14 juillet), les volcanologues de l'OVS-IGP indiquaient que la hauteur du panache avait augmenté par rapport à la semaine précédente et qu'il était plus concentré en gaz magmatiques. On peut aussi noter que lors de la semaine précédente, autour du 30 juin, les secousses dites "hybrides", liées à la fracturation des roches sous la pression des fluides et à la migration de ces derniers dans lesdites fissures, avaient aussi connu un pic important.
On peut donc supposer que la migration des fluides à l'origine de ce pic sismique s'est exprimé la semaine suivante par une augmentation de l'importance du panache, au moment où les fluides sont parvenus en surface (ça ne reste qu'une possibilité).
Le panache est bien visible sur la webcam de l'Observatoire Volcanologique de l'INGEMMET (OVI).
Le panache de gaz du volcan Sabancaya aujourd'hui. image: Observatoire Volcanologique de l'INGEMMET |
Mais alors:
- s'il n'y a aucune activité explosive ou effusive visible
- s'il n'y a aucun signal thermique de détectable
- si la sismicité reste supérieure à la normale mais rien de particulier par rapport aux semaines précédentes...
...comment l'OVI en arrive-t-il à la conclusion qu'une éruption a débuté?
Parce qu'une équipe a trouvé des cendres au sommet de l'édifice lors d'une ascension de contrôle faite les 09 et 10 juillet, et que leur analyse pétrographique (description des caractères des échantillons) semble indiquer qu'elles contiennent une part non négligeable de magma neuf (juvénil) sous la forme d'un mélange:
* de cristaux d'origine magmatique: feldspath, amphiboles bien préservées et des biotites décrites comme légèrement altérées)
* et de lave non cristallisée (amorphe, dans le jargon) qui englobe certains des cristaux sus-cités.
Les cendres ont, à l'oeil nu, une teinte grise sombre et les fragments de cette teinte, considérés comme les particules de magma neuf ("liticos juveniles" ci-dessous), sont accompagnés de fragments de roches très altérées ("liticos oxidados").
Les cendres du Sabancaya observées à la loupe. Image : OVS/IPG |
C'est cette observation, uniquement pétrographique, qui, pour l'OVI, implique qu'un processus éruptif a débuté sur le volcan. De fait il s'agirait d'une activité toute en douceur, avec des émissions de cendres extrêmement ténues. Impossible de dire à quel moment ces cendres ont été émises: soit il s'agit de dépôts liés à un événement unique (ce pourrit être suite au pic 30 juin par exemple), soit il s'agit d'émission extrêmement faibles, trop faibles pour êtres vues via la webcam, mais récurrentes.
Pour le moment l'Observatoire de l'IGP (OVS) n'a pas réagit.
Cette situation pour le moins floue a le mérite de montrer que tout n'est pas toujours simple car les volcanologues sont à peu près convaincus qu'une masse de magma a migré à une profondeur plutôt faible sous le Sabancaya, peut-être vers 06 km sous le sommet. Qui sait comment elle peut s'exprimer en surface?
Il faudra tout de même, pour avoir une vue plus claire, des analyses
plus approfondies (pétrologie) afin de déterminer l'origine (profondeur,
par exemple) et le type de magma impliqué (composition). Et en
attendant ces analyses plus poussées et complètes, et l'analyse de leurs résultats, je garderais le point
d'interrogation volontairement mis dans le titre.
Sources : OVI; OVS-IPG; Merci à Shérine France pour le lien.
Salut Fabrice, J'étais avec l'équipe de l'OVI qui a fait l'ascension du Sabancaya la semaine passée. Ca dégaze vraiment tres fort, et on entend désormais des bruits de dégazage dans le cratere, une autre observation nouvelle dans le processus de réactivation du volcan. Apres, éruption ou pas c'est difficile a trancher, et aussi question de sémantique...
RépondreSupprimerSalut Robin. Ah la sémantique...c'est vrai que les choses ne sont pas toujours faciles à caractériser. C'est pourquoi j'ai préféré placer le point d'interrogation car, comme le dit la célèbre pièce d'Alfred de Musset: il ne faut jurer de rien.
SupprimerEn tout cas je te remercie d'avoir partagé cette info supplémentaire: voilà effectivement qui indique que l'activité interne de l'édifice n'est vraiment pas tranquille.
Le processus en cours au Sabancaya n'est pas très clair ou, du moins, il est difficile de savoir comment cela va se terminer: voilà un point commun avec la situation au Turrialba par exemple.
A bientôt!
Salut Fabrice, J'étais avec l'équipe de l'OVI qui a fait l'ascension du Sabancaya la semaine passée. Ca dégaze vraiment tres fort, et on entend désormais des bruits de dégazage dans le cratere, une autre observation nouvelle dans le processus de réactivation du volcan. Apres, éruption ou pas c'est difficile a trancher, et aussi question de sémantique...
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