18 juin 2015

Volcan Wolf : l'éruption a changé de site

Il semble y avoir un changement que je ne pense pas pouvoir qualifier de léger.
Je m'explique.
Comme tous les jours, en faisant un peu le tour de ce qui se passe à droite à gauche, je jette un oeil au Wolf, sur lequel je n'avais pas eu le temps de faire un suivi depuis une semaine environ. Du côté des signaux thermiques on peu constater que depuis quelques jours le MIROVA détecte des signaux qui sont
plus intenses depuis le 12-13 juin, alors qu'après les très fortes anomalies enregistrées au début de l'éruption, ce paramètre avait diminué puis stagné. Simple fait d'une atmosphère moins chargée de nuages (qui absorbent l'infrarouge dont le thermique) ou réèlle signe d'une recrudescence d'activité? Un rapide coup d'oeil sur les images faites quotidiennement par le MODIS a tôt fait de mettre à mal la première hypothèse : même les jours nuageux le signal reste élevé. Voilà une information déjà intéressante en soit car, étrangement, il n'y a aucun suivi régulier de cette activité par les autorités du Parc National.

L'éruption aurait donc repris du poil de la bête :  je suis obligé de ne pas mettre d'affirmative puisque les seules données accessibles sont indirectes.

Evolution du signal thermique du à l'éruption du volcan Wolf, mai-juin 2015
Hausse de l'intensité du signal thermique à partir du 12-13 juin environ. Image : MIROVA
Or il se trouve que c'est au même moment (j'oserais presque dire à la même date) que sur le graphique MIROVA que les compositions colorées ("images satellites" si vous préférez) proposées par le MODIS, en particulier celles qui intègrent le rayonnement thermique, montrent un changement d'importance: ce rayonnement est émis depuis un endroit différent de celui des trois premières semaines de l'éruption! 

En effet ces images satellites sont géoréférencées c'est à dire que chacun de leurs angles correspond à des coordonnées précises (latitude/longitude par exemple). De fait chaque pixel de l'image est lui aussi parfaitement localisé et peut donc être plaqué sur un modèle en 3D du volcan. Ce plaquage (mappage) sur Google Earth fonctionne parfaitement  bien et permet donc d'observer ce changement dans l'éruption.

Vous savez que cette dernière a démarré sur un jeu de fissures ouvert à quelques centaines de mètres sous le rebords est-sud-est de la caldera, libérant un flot de lave qui a produit d'abord un champ de lave en direction du sud-est, puis un autre en direction de l'est-nord-est. Cette position, grâce au géoréférencement des images MODIS, est facile à suivre sur Google Earth.

L'image prise le 11 juin montre que, ce jour-là, la source des rayonnements thermiques se situe toujours sous le rebord est-sud-est, comme à l'accoutumée. Cette source est peu étendue mais sa surface est alors stable depuis plusieurs jours, ce qui correspond, sur le graphique MIROVA, à la période comprise entre début juin et le 12-13 juin.

Signal thermique du à l'éruption du volcan Wolf, 11 juin 2015
Localisation du rayonnement thermique, donc du site de l'éruption, le 11 juin 2015 . Image :MODIS/NASA, mappée sur Google Earth

L'image prise le 12 juin n'est pas de très bonne qualité mais permet malgré tout de distinguer une vague tâche bleutée à la même position que celle du 11 juin: pas de changement au moment où les MODIS sont passés au-dessus du volcan donc.

Signal thermique du à l'éruption du volcan Wolf, 12 juin 2015
Localisation du rayonnement thermique, donc du site de l'éruption, le 12 juin 2015 . Image :MODIS/NASA, mappée sur Google Earth
Par contre l'image prise le 13 juin est très différente: ce jour-là les MODIS relèvent un très fort signal thermique non plus sur le haut versant est-sud-est, mais bien à l'intérieur de la caldera, à plus de 3 km à l'ouest du précédent site éruptif qui, lui, ne montre qu'un très très faible signal, plutôt compatible avec de la lave en cours de refroidissement qu'avec une lave en cours d'éruption.
J'ajoute que ce jour-là:
* la tâche était circulaire, ce que l'on peu attendre sur un terrain plutôt plat
*  mesurait quelques 2300 m de diamètre, ce qui à priori est plus grand que les dimensions réèlles de la zone qui émet le rayonnement
* et se localisait au pied de sa paroi sud le 13 juin.

Sur l'image prise le 16 juin, cette tâche circulaire était toujours très intense et semblait plus étendue vers le nord: la lave occupe donc une surface plus vaste au fond de la caldera.

Signal thermique du à l'éruption du volcan Wolf, 13 juin 2015
Nouvelle localisation de l'éruption observée le 13 juin. Image : MODIS/NASA mappée sur Google Earth

Reste à savoir maintenant quelle sont les modalités de cette nouvelle phase de l'éruption. Il serait interessant que des volcanologues se rendent sur place pour tenter, en premier lieu, de comprendre pourquoi l'éruption a changé brusquement d'endroit, se déplaçant en moins de 24 heures d'environ 3 km. La fracturation du 25 mai s'est-elle brusquement propagée vers l'ouest, coupant net l'alimentation sur le haut versant est-sud-est pour ouvrir de nouvelles bouches dans la caldera? Où ce changement de lieu est-il corrélé avec d'autres changements, dans la géochimie du magma même, ce qui pourrait signifier qu'une autre source participe maintenant à l'éruption? Des questions se posent donc face à ce constat: l'éruption est passée dans une seconde phase, et reste intense (vue l'importance du signal thermique).
Il serait aussi interessant que les volcanologues observent l'activité simplement pour en donner les caractéristiques: quel est le débit des coulées? Sont-elles émises par des fractures ou par un évent unique? De quel type de coulées s'agit-il? Quelle est la composition chimique de la lave qui les constituent etc,etc.

Toutes choses qui permettraient de comprendre un peu mieux l'archipel des Galapagos lui-même, chaque éruption étant un peu comme un mot du récit de son évolution.

Sources : MODIS/NASA ; MIROVA

2 commentaires:

  1. Salut Ludovic. Ils sont sur le continent, à Quito: difficile pour eux de se rendre sur place régulièrement. Ce que je ne comprend pas, c'est que les gardes du parc ne fassent pas des survols plus réguliers. Le dernier en date remonte au 12 juin, et ils ont juste vérifié que les Iguanes Roses se portaient bien. Je sais que c'est important, mais cela n'empêchait pas de voir si la situation au niveau de l'éruption était toujours la même et ne posait pas de danger pour la population d'Iguanes. Or je n'ai vu passer aucune photo de l'activité.
    C'est comme ça: ce qui est biologique a plus la cote que ce qui est minéral :)

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