Pour mémoire, ce volcan est situé au nord de la côte nord-est de l'île de Sumbawa, en Indonésie. C'est un imposant stratovolcan qui sort des flots, constitué de deux massifs distincts formant deux sommets principaux: le Doro Mantoi (1795m) et le Doro Api (1949m). Ce dernier est le cône actif actuel de l'édifice. C'est lui qui, le 30 mai 2014, fut le siège d'une puissante activité explosive, qui forçat l'évacuation des
insulaires, point de départ de problèmes humanitaires relativement importants pour ces personnes.
insulaires, point de départ de problèmes humanitaires relativement importants pour ces personnes.
Quelques temps après cette phase éruptive intense, j'avais attiré votre attention sur le fait qu'après cette puissante série d'explosions le volcan avait commencé à produire une coulée de lave (activité dite "effusive"), à partir vraisemblablement du 07 juin 2014.
"Et depuis?": voilà la question à laquelle je souhaite donner des éléments de réponse.
Observations
Mon dernier bulletin concernant ce volcan et son éruption remonte à août 2014. Or, souvenez-vous, ce fut aussi un mois intense en émotions: sur une période d'une quinzaine de jours, les volcans Stromboli et Bardarbunga, entre autres, faisaient parler d'eux. Mon attention s'en fut logiquement détournée vers ces destinations plus européennes, d'autant qu'il y avait beaucoup de choses à dire. De fait, et parce que rien ne semblait plus se passer du côté du Sangeang Api, cette éruption est sortie de l'actualité.
Manifestement tord, car si l'on fait un point sur l'activité thermique de ce volcan, grâce au très bel outil italien MIROVA (Middle InfraRed Observation of Volcanic Activity), créé par les universités de Florence et Turin, le volcan est resté la source de signaux intenses au moins jusque fin novembre 2014.
Manifestement tord, car si l'on fait un point sur l'activité thermique de ce volcan, grâce au très bel outil italien MIROVA (Middle InfraRed Observation of Volcanic Activity), créé par les universités de Florence et Turin, le volcan est resté la source de signaux intenses au moins jusque fin novembre 2014.
D'importants signaux thermiques ont été relevés entre juillet et novembre 2014. Image : MIROVA |
Si intenses et constants en vérité qu'ils ne peuvent trouver une explication que dans la présence d'une coulée de lave toujours alimentée. Constatant cela, il faut évidemment trouver quelque chose de plus concret pour visualiser si oui ou non il y avait une coulée de lave au moment de l'émission de ces signaux. Or le volcan est plutôt isolé et il est donc difficile, sans aller voir soi-même régulièrement ce qui se passe, de savoir comment les choses évoluent. Il faut donc se contenter de "pointillés" dans le temps, à relier ensuite dans une chronologie logique (oula, c'est pas très joli cette tournure de phrase...).
Si l'on ne peut avoir de photos de l'événement, il faut donc aller chercher des données plus lointaines, prises à des centaines de kilomètres au-dessus de nos tête: les satellites, bien entendu. Je ne le répèterai jamais assez mais, vraiment, je trouve que ce sont des outils simplement merveilleux, indispensables.
J'ai donc regardé plusieurs jeux de données afin de pouvoir me faire une idée de ce qui s'est passé ces derniers mois. Chez ASTER* (issu de la collaboration entre Jet Propulsion Laboratory et la NASA) j'ai rapidement trouvé l'origine de ces signaux: il s'agissait bel et bien d'une coulée de lave encore active. Sur une image prise le 24 octobre 2014 en effet, on voit nettement cette dernière, brillant dans l'infrarouge. Du moins dans sa partie la plus amont car toute la partie située en contrebas, tout au pied du cône, produisait alors un signal plus faible, comme atténué. Cette zone semblait donc devenue inactive, en cours de refroidissement. C'est en tout cas une interprétation possible.
En regardant sur le document MIROVA on constate aisément qu'après novembre 2014 l'activité thermique diminue drastiquement ce qui laisse supposer que l'activité éruptive a alors pris fin. Cependant cela pourrait ne pas être le cas car dans un article publié le 01 février, un membre du BNPB (agence de gestion des crises) indique que la sismicité sur le volcan est encore supérieure à la normale et que des données satellites acquises par les volcanologues indonésiens suggèrent que des coulées plutôt courtes sont toujours alimentées.
La présence de signaux irréguliers, et pas toujours très importants (quoique...), semble donc être le résultat d'une activité éruptive réduite, mais toujours présente. Au même moment les diverses images satellites prise par le MODIS montrent, outre que le sommet est souvent dans les nuages, un panache bleuté, donc d’origine volcanique, qui s'étend sur plusieurs dizaines de kilomètres de long. Ses dimensions impliquent qu'il est bien alimenté et assez concentré en gaz , ce qui est compatible avec une activité éruptive en cours.
Si l'on ne peut avoir de photos de l'événement, il faut donc aller chercher des données plus lointaines, prises à des centaines de kilomètres au-dessus de nos tête: les satellites, bien entendu. Je ne le répèterai jamais assez mais, vraiment, je trouve que ce sont des outils simplement merveilleux, indispensables.
J'ai donc regardé plusieurs jeux de données afin de pouvoir me faire une idée de ce qui s'est passé ces derniers mois. Chez ASTER* (issu de la collaboration entre Jet Propulsion Laboratory et la NASA) j'ai rapidement trouvé l'origine de ces signaux: il s'agissait bel et bien d'une coulée de lave encore active. Sur une image prise le 24 octobre 2014 en effet, on voit nettement cette dernière, brillant dans l'infrarouge. Du moins dans sa partie la plus amont car toute la partie située en contrebas, tout au pied du cône, produisait alors un signal plus faible, comme atténué. Cette zone semblait donc devenue inactive, en cours de refroidissement. C'est en tout cas une interprétation possible.
Coulée de lave le 24 octobre 2015. Image :ASTER-JPL/NASA |
En regardant sur le document MIROVA on constate aisément qu'après novembre 2014 l'activité thermique diminue drastiquement ce qui laisse supposer que l'activité éruptive a alors pris fin. Cependant cela pourrait ne pas être le cas car dans un article publié le 01 février, un membre du BNPB (agence de gestion des crises) indique que la sismicité sur le volcan est encore supérieure à la normale et que des données satellites acquises par les volcanologues indonésiens suggèrent que des coulées plutôt courtes sont toujours alimentées.
La présence de signaux irréguliers, et pas toujours très importants (quoique...), semble donc être le résultat d'une activité éruptive réduite, mais toujours présente. Au même moment les diverses images satellites prise par le MODIS montrent, outre que le sommet est souvent dans les nuages, un panache bleuté, donc d’origine volcanique, qui s'étend sur plusieurs dizaines de kilomètres de long. Ses dimensions impliquent qu'il est bien alimenté et assez concentré en gaz , ce qui est compatible avec une activité éruptive en cours.
Cette éruption est visible au moment du "pic" entre mi-mars et mi-avril 2015 du document MIROVA: une nouvelle image ASTER, fait le 17 mars, suggère fortement qu'une coulée de lave progresse effectivement dans la ravine ouverte dans le versant est-sud-est du Doro Api à ce moment-là.
Suite à ce pic il y a un bon mois sans activité thermique particulière et là, pour le coup, on pense d'abord a un arrêt de l'éruption.
Oui, mais dès mi mai, les capteurs satellites sensibles aux infrarouges thermiques réagissent à nouveau à l'arrivée de rayonnements en provenance du Sangeang Api. Sur le graphique du MIROVA on voit nettement cette nouvelle phase, marquée par des signaux plus nombreux et plus intenses: cela suggère que l'activité éruptive a repris du poil de la bête depuis fin avril-début mai! Le VAAC de Darwin n'a émis aucun bulletin ce qui implique qu'il n'y a pas ou très peu de cendres émises.
L'algorithme MODVOLC montre toute une série de signaux thermiques qui ont été repérés dès le 29 avril. Accumulés sur plus d'un mois et demi, ils dessinent une tâche colorée allongée vers l'est.
C'est une autre image ASTER (encore...) prise début mai qui permet de relier cette activité thermique avec...une nouvelle coulée de lave bien entendu. Au moment de la création de cette image, elle mesure environ 1500 m de long. Pour bien la visualiser je l'ai mappée sur Google Earth (image ci-dessous à gauche). Cette nouvelle coulée de lave s'aperçoit aussi, de façon plus discrète, sur une composition colorée réalisée le 27 mai 2015 à partir des données du satellite LANDSAT 8. On voit, outre les traces (zones grises) de la zone détruite par la série d'explosions du 30 mai, quelques spots rouges qui sont les signaux thermiques libérés par lave.
Possible nouvelle coulée de lave, le 17 mars 2015. Image : ASTER-JPL/NASA |
Suite à ce pic il y a un bon mois sans activité thermique particulière et là, pour le coup, on pense d'abord a un arrêt de l'éruption.
Oui, mais dès mi mai, les capteurs satellites sensibles aux infrarouges thermiques réagissent à nouveau à l'arrivée de rayonnements en provenance du Sangeang Api. Sur le graphique du MIROVA on voit nettement cette nouvelle phase, marquée par des signaux plus nombreux et plus intenses: cela suggère que l'activité éruptive a repris du poil de la bête depuis fin avril-début mai! Le VAAC de Darwin n'a émis aucun bulletin ce qui implique qu'il n'y a pas ou très peu de cendres émises.
L'algorithme MODVOLC montre toute une série de signaux thermiques qui ont été repérés dès le 29 avril. Accumulés sur plus d'un mois et demi, ils dessinent une tâche colorée allongée vers l'est.
Les signaux thermiques repérés par le MODVOLC entre les 29 avril et 27 juin 2015. Image: MODVOLC/HIGP |
C'est une autre image ASTER (encore...) prise début mai qui permet de relier cette activité thermique avec...une nouvelle coulée de lave bien entendu. Au moment de la création de cette image, elle mesure environ 1500 m de long. Pour bien la visualiser je l'ai mappée sur Google Earth (image ci-dessous à gauche). Cette nouvelle coulée de lave s'aperçoit aussi, de façon plus discrète, sur une composition colorée réalisée le 27 mai 2015 à partir des données du satellite LANDSAT 8. On voit, outre les traces (zones grises) de la zone détruite par la série d'explosions du 30 mai, quelques spots rouges qui sont les signaux thermiques libérés par lave.
Cette effusion s'est faite plus discrète entre décembre et fin avril 2015 puis a repris de la vigueur en alimentant de nouveau une coulée de lave assez importante, dont la longueur est vraisemblablement supérieure à 1500 m maintenant.
Les éventuelles périodes d'interruption n'ont
pas été suffisantes pour que l'on puisse parler de plusieurs éruptions
effusives successives et, pour moi, il est clair que l'éruption entamée en mai 2014 se poursuit aujourd'hui.
Conséquences
Je n'ai trouvé aucune trace de conséquences particulières de cette activité effusive si ce n'est le maintient du niveau d'alerte volcanique à 2 et l'interdiction à toute personne, résidente ou étrangère, d'aller à moins de 5 km du sommet.
* dont l'un des collaborateurs, qui extrait la substantifique moelle des données concernant le SO2, est le volcanologue Robin Campion, actuellement au Mexique et dont j'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de relayer le blog. Et hop, une fois de plus.
Sources : MODIS; ASTER; MODVOLC; Presse indonésienne
Sur Google Earth il existe des images du 13 octobre 2014 qui montre à haute résolution le front de la coulée s'avançant sur les dépôts pyroclastiques sur les basses pentes SE.
RépondreSupprimerBonsoir. Très très bien vu! Dommage que l'image ne soit que partielle, mais on voit déjà des détails. Google Earth est vraiment un outil extraordinaire . Merci d'avoir partagé l'info
SupprimerLes dépôts sont assez complexes d'ailleurs, le front de la coulée est lui même recouvert de dépôts pyroclastiques, qui sont eux mêmes recouverts par de nouvelles unités laviques. Les dépôts pyroclastiques semblent avoir édifié un delta qui a progradé de 200 mètres en mer
RépondreSupprimerJ'ai une lecture différente: pour moi il n'y a que des unités laviques qui se superposent, sans écoulements pyroclastiques intermédiaires. Par contre je me demande si il n'y a pas des lahars qui ont recouvert une partie des coulées. En aval en particulier.
SupprimerJe suis d'accord avec la progradation du delta, d'autant plus que l'écoulement pyroclastique principal a parcouru une grande distance en mer le 30 mai 2014, mais en comparant avec les images d'archives, j'arrive tout au plus à 30m de différence: je serais curieux de comprendre une telle différence de valeur.
En tout cas bonne soirée :-)
Vous avez raison ! ces dépôts tardis qui recouvrent la coulée semblent être des dépôts lahariques :) pensez vous qu'ils aient pu être assez chaud au moment de leur mise en place pour laisser des signatures thermiques similaires à celles des coulées en cours de refroidissement ?
SupprimerBonne soirée également !
Honnêtement je ne pense pas que le rayonnement thermique d'un lahar chaud soit assez important pour franchir la barrière atmosphérique et titiller les capteurs spatiaux, mais il faudrait une réponse d'un(e) spécialiste de ce type de technologie pour être absolument sûr :).
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