24 juin 2015

Brèves de volcans: Sinabung et Wolf

Sinabung, Indonésie, 2460m

L'activité extrusive se poursuit et continue d’alimenter essentiellement des avalanches de blocs et de petits écoulements pyroclastiques sur le versant sud-est, le lobe de lave occupe le haut d'une ravine, et des écoulements pyroclastiques plus importants sur le versant est, où l'un des bords du dôme cascade depuis le cratère sur la pente. Certains semblent avoir atteint une distance de 4 km ces deux derniers
jours.
Le gouvernement provincial, qui normalement doit supporter le budget des gestions de crises, ne peux plus faire face seul aux conséquences de cette éruption. Sans être d'une extrême violence (la zone fortement impactée vaut 2/3 du versant est, sur une distance de 6-7 km tout au plus), elle dure dans le temps et dégrade progressivement, et pour une longue durée, la vie quotidienne de dizaines de milliers de personnes. A ce titre d'ailleurs, elle est aussi très pédagogique : avec celle du Kilauea et son développement du second semestre 2014, elles montrent toutes les deux que les éruptions volcaniques n'ont besoin d'être ni puissantes, ni brutales pour poser des problèmes importants voire graves.
Ce gouvernement a donc demandé au gouvernement central de déclarer l'état d'urgence afin de recevoir une aide budgétaire conséquente qui permettrait de mener à bien l'ensemble des actions en cours pour aider les populations déplacées (plus de 10 000 personnes pour mémoire). Le président a d'ores et déjà accepté de fournir 6 milliards de Roupies, soit l'équivalent de 420 000€, mais c'est visiblement aux députés de voter l'état d'urgence.

Écoulement pyroclastique modéré aujourd'hui, sur le versant est. Image: Beidar Sinabung

Pour le moment le PVMBG n'a pas, à ma connaissance,  publié de détails techniques concernant les paramètres géophysiques récents de cette éruption. Il faudrait savoir si cette activité superficielle (avalanches de blocs, écoulements pyroclastiques), plus intense depuis que le dôme lave déborde sur le haut versant est, est liée ou non à une augmentation de l'activité interne du volcan (+ de débit, + de gaz etc.). Ce n'était visiblement pas le cas il y a encore 10-15 jours lors du précédent rapport du PVMBG, mais aucun phénomène naturel ne reste vraiment statique et immuable bien évidemment.

Affaire à suivre...comme tous les jours depuis septembre 2013 :-)

Sources : PVMBG; BNPB; Twitter (@Beidar Sinabung et @LeopoldAdam)

Wolf, Equateur, 1710 m

Le signal thermique produit par l'éruption reste très important et toujours localisé dans la caldera. Celles et ceux qui, parmi vous, me suivent sur twitter, savent depuis quelques jours déjà que ce qui n'était qu'une idée, certes argumentée mais rien qu'une idée, a été confirmée par quelques photos faites récemment par les touristes qui continuent d'aller à proximité du volcan, sans jamais y mettre les pieds (interdit) : une très forte incandescence est bien visible à l'intérieur de la caldera.
Elle est bien due à une importante effusion qui a été observée par le satellite Landsat 8. La source se localise au pied du rempart sud-ouest de la calera et la lave, depuis le 12-13 juin, date du départ de cette nouvelle phase de l'éruption, a envahit une partie de la moitié est du plancher de cette dernière. Le front le plus avancé, sur l'image satellite ci-dessous, qui date du 19 juin, se trouve à environ 3500 m de la source. On voit nettement que les coulées ont longé le rempart de la caldera, mais à une certaine distance: elle ont évité un important talus d’éboulis rocheux qui marque le paysage du quart sud-est de la caldera.

La coulée de lave du volcan Wolf, le 19 juin 2015. Image : Landsat 8/USGS-NASA, mappée sur Google Earth; Annotations Culture Volcan
Avec la confirmation de cette nouvelle étape dans l'activité, cette éruption, tant dans la chronologie des événements que dans la localisation des zones éruptives, est assez semblable à celle de 1982. Les coulées de lave qui, actuellement, ennoient la caldera, recouvrent d'ailleurs celles d'il y a 33 ans.

Source: Landsat8/NASA-USGS

3 commentaires:

  1. Bonjour,
    Nous avons été habitués à attribuer l’origine du volcanisme indonésien au phénomène de subduction des plaques indo-australiennes et eurasienne. Les méga-séismes ravageurs de 2004 (20 mètres de décrochement) et plus atténué en 2012 dans l’océan indien, ont apparemment montrés que leur origine était quelque peu différente et relative à la cission de ces deux plaques dont la contrainte de cisaillement était devenue « insoutenable ». L’entrée en éruption du volcan Sinabung en septembre 2010 pourrait-elle en être une conséquence directe ? Le plan de Bénioff à l’aplomb de Sumatra nord aurait-il changé au point de se rapproché de l’horizontalité et d’inciter la chambre magmatique de ce volcan à expurger son surcroit de pression ? Je n’ai pas d’information concernant ce phénomène qui, souvenons-nous, il y a quelques 70 000 ans à produit suffisamment de magma et de gaz pour produire au Toba la plus grosses explosion volcanique de tous les temps historiques. Ne pensez-vous pas qu’en supposant ces hypothèses plausibles, nous puissions redouter le réveille des voisins nordiques du Sinabung : le « Bur ni Telong » et le « Peuet Sague », qui semblent avoir déjà eut une puissance de «tir » également très impressionnante.
    Bien cordialement
    Pierre Chabat

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    1. Bonsoir Mr Chabat.
      D'un point de vue global, le volcanisme indonésien est toujours le résultat d'une subduction nord-sud globalement, simplement il se trouve que cet axe nord-sud ne correspond pas, au niveau de Sumatra, à la direction de la côte, qui est plutôt nord-ouest sud-est. Il en résulte un mouvement de coulissage non pas strictement inverse, mais plutôt une collision oblique (vu depuis la côte, la plaque plonge en se dirigeant vers la droite et non pas de face), qui donne en surface un réseau de failles dont le mouvement a une composante transformante. La plus spectaculaire manifestation de ce mouvement est la faille transformante de Sumatra, longue de 1500 km et visible depuis l'espace.

      La géomètrie du plan de Bénioff va organiser, sur le très long terme, l'organisation du volcanisme à la surface sur une grande échelle. On est là dans une relation tectonique-volcanisme dont la dimension spatiale se compte en centaines ou milliers de kilomètres, et la dimension temporelle est géologique. Or l'éruption du volcan Sinabung est un phénomène local, et sa dimension temporelle est humaine (jour-mois-années): l'éruption du Sinabung est une conséquence de la subduction, peut-être des seismes dont vous parlez, mais la relation avec une modification de géomètrie du plan de Bénioff n'est pas cohérent. La relation, si elle existe, est donc à rechercher plus localement. Par exemple: un changement de contraintes dans la croûte sous le Sinabung, qui aura eu pour conséquence de permettre au magma de mieux remonter,mais ce sont les analyses des roches qui donneront des informations.
      Par exemple je serais curieux de connaitre le parcours du magma émis par le Sinabung : le manteau a-t-il directement participé ou s'agit-il de la vidange progressive d'un réservoir déjà présent?

      Si on a un réservoir déjà présent, alors on peu supposer que les changements de contraintes dans la croûte suite au seismes ont pu le fragiliser et ainsi permettre au magma de s'en échapper, par exemple.

      Pour revenir sur Toba: les situations ne sont pas du tout comparables. Le volume de magma libéré par cette éruption s'est lentement accumulé pendant une durée extrêmement longue, probablement des dizaines ou des centaines de milliers d'années avant que toute la surpression ne soit libérée d'un coup. Le système volcanique lui-même n'a rien d'un système de stratovolcan classique, et a été largement contrôlé par la faille de Sumatra sus-cité (la caldera est allongée parallèlement à la faille, et se trouve pour ainsi dire dessus). L'ampleur de cette éruption, et les mécanismes qui ont conduit à son déclenchement, ne sont pas de la même ampleur que celle du Sinabung ( et peut-être pas exactement de la même nature, mais on ne sait que si peu de choses quand aux caldera ignimbritique, leur développement, leur éruption etc), ni même que celles du Peuet Sague ou du Bur Ni Telong. Pour ces deux derniers volcans par ailleurs, la comparaison est d'autant plus difficile en réalité qu'il semble qu'ils ne soient pas très bien connus. Sur le GVP on ne compte quelques éruptions historiques très modestes (VEI 1 à 2) et je ne trouve pas une bibliographie très étendue les concernant.


      J'espère, Mr Chabat, avoir répondu à vos questions :)

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  2. Bonjour « Mr. Culture Volcan »,
    Merci beaucoup de votre réponse à mes interrogations.
    Bien qu’il soit sincère et sérieux, mon questionnement était tout de même un prétexte pour aborder le phénomène de cission de plaque tectonique. En effet un tel événement étant tout à fait exceptionnel à l’échelle de l’homme, je suis surpris de ne trouver que peu de documentation sérieuse s’y afférant, au même titre que depuis les expéditions Tazieff en Ethiopie, l’évolution du grand rift Africain est sortie de l’actualité tectonico-volcanique. Seul les variations de niveau du lac de lave de l’Erta Ale nous sont connues via la publicité des voyagistes et autres découvreurs de l’exceptionnel. Or une variation dans le mouvement des plaques n’induit-elle pas une modification de la dynamique thermique à l’intérieur du manteau supérieur. Certes l’échelle temporelle d’un tel phénomène est totalement disproportionnée avec celle du volcanisme. Cependant cette transformation est bien en cours, et même si, comme vous me l’indiquez, le rapport avec le Sinabung et ténu, et je ne peux que vous remercier de me le rappeler, la conséquence de cette variation ne peut pas être sans effets, et notamment sur les zones d’accrétion subocéanique, qui constituent la grande majorité des manifestations volcaniques sur terre. L’apparition d’une nouvelle future zone d’accrétion ne peut pas non plus être sans conséquence sur la subduction indonésienne et sur le volcanisme qui y est lié, même s’il fonctionne par l’intermédiaire d’un réservoir tampon. Je partage votre curiosité à connaitre la nature et le circuit du magma qui fait éruption au Sinabung, mais pensez-vous que nous ayons une réelle change d’en connaitre les tenants et aboutissant de notre vivant ?
    Bien cordialement
    Pierre Chabat


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