Et voilà qu'après quelques semaines de flottement, durant lesquelles les signaux d'une réalimentation profonde (sismicité, déformation et modification de la composition des fumerolles) ont été enregistrés sans savoir sur quoi ils allaient déboucher, la situation s'éclaircit avec le départ d'une nouvelle éruption aujourd'hui à 13h45 environ (heure locale).
Après avoir déclenché fin avril le niveau 1 plan ORSEC "volcan" le préfet avait décidé, suite à une baisse importante de la sismicité, d'abaisser à son
tour le niveau d'alerte à "vigilance" le 04 mai. Depuis lors la sismicité et la formation ont continué de se manifester et se sont accentuée rapidement aujourd'hui obligeant le préfet à déclencher à nouveau la phase 1 du plan ORSEC (éruption probable et interdiction d'accès à l'enclos Fouqué) puis le 2-2 (éruption en cours).
tour le niveau d'alerte à "vigilance" le 04 mai. Depuis lors la sismicité et la formation ont continué de se manifester et se sont accentuée rapidement aujourd'hui obligeant le préfet à déclencher à nouveau la phase 1 du plan ORSEC (éruption probable et interdiction d'accès à l'enclos Fouqué) puis le 2-2 (éruption en cours).
Des hélicoptères ont dès lors survolé la zone pour évacuer d'urgence les randonneurs qui se trouvaient déjà dans l'Enclos au moment de ces événements.
Après une première crise sismique en fin de matinée, marquant une fracturation importante suivie d'une assez forte déformation au Dolomieu, marquant de son côté la migration du magma, une série de fractures s'ouvrent assez bas sur le versant sud-sud-est du cône (dans la zone du cône Château-Fort, éruption de 1948), dont au moins deux, séparées de quelques centaines de mètres, sont le siège d'une activité "hawaïenne", avec fontaines de lave et effusion abondante.
Les deux évents effusifs vu par la webcam du Piton de Bert (sud) actuellement). Image: OVPF/IPGP |
Certains randonneurs se trouvant au bord de l'Enclos ont pu assister à l'éruption, un peu pris par surprise.
L'évent aval semble être le plus abondement alimenté et, de surcroit, celui où l'activité de fontaines semble la plus intense. Les coulées de lave issues de ces deux évents se sont avancées très rapidement tissant, comme à l'accoutumée, un réseau anastomosé. La localisation de cette éruption est donc tout à fait différente de celle qui, en février, avait illuminé le Dolomieu et elle semble, en terme d'intensité, un cran au-dessus, le débit est bien plus important. Dans un article publié par Réunion1ère suite à une interview de P. Kovalski, de l'OVPF, les coulées auraient déjà dépassé une longueur de 5km, à peine plus de 3h après le départ de l'éruption, un chiffre impressionnant qui, du coup, fait réfléchir quand aux conséquences pour la route qui passe sur la côte: elle ne se trouverait qu'à environ 4 ou 4.5 km du front actif et pourrait être coupée grosso modo entre le secteur où elle l'avait déjà été par les coulées de 2002 (formation du Piton Guanyin, nom d'une déèsse chinois) et celle des coulées de 2007.
Les deux fissures éruptives ouvertes aujourd'hui et l'anastomose des coulées de lave. Image: Planétaire974 |
Le directeur de l'Observatoire, Nicolas Villeneuve, évoque dans la presse la possibilité, cohérente avec l'ensemble des signaux précurseurs enregistrés mais aussi avec la dynamique actuelle de l'éruption, d'une origine profonde du magma émis. Toutefois il est aussi envisageable qu'une poche superficielle ait été déstabilisée par l'activité profonde et, pour trancher entre ces deux possibilités il n'y a pas 100 000 choses à faire: échantillonner encore et toujours, et analyser la composition chimique et les caractéristiques minéralogiques de la roche en train de sortir, pour avoir une idée de sa source et des étapes de sa formation, puis de son trajet.
Pour vous chères lectrices et lecteurs de ce blog qui avez la chance d'être sur place, je ne puis que vous souhaiter une bonne nuit blanche! Je souhaite aussi aux médiateurs de la Cité du Volcan tout le plaisir d'expliquer et de partager avec les visiteurs ce qui se passe, les questions qui se posent etc.
Pour fini, une localisation approximative de la zone où sont ouvertes les fissures.
Mise à jour 18 mai, 06h52Pour fini, une localisation approximative de la zone où sont ouvertes les fissures.
Localisation approximative des fissures éruptives.Image: Google Earth/ Annotation: Culture Volcan |
L'éruption effusive se poursuit se matin, mais au cours de la nuit l'activité sur l'évent amont s'est atténuée. Un sport rouge restait toutefois visible en fin de nuit et début de matinée juste sous l'évent, suggérant que la coulée pouvait continuer de couler, mais enfermée dans un tunnel, le point lumineux en question pouvant être un skylight, ouverture provoquée par l'effondrement du toit du tunnel.
Sur l'évent aval par contre l'éruption se maintient mais sa position, plus à l'est que l'évent amont et donc plus éloignée de la webcam, ne permet pas d'avoir de détails, en particulier sur l'effusion. Il semble par contre que des projections (activité dite "de spattering") se produisent toujours sur la fissure.
Un possible skylight sur l'évent amont et une activité plus intense sur l'évent aval, au levé du jour ce matin. Image : OVPF/IPGP |
Quand aux coulées elle ont atteint en cours de nuit les Grandes Pentes, une pente raide entre 1700 et 500 m d'altitude environ, ce qui permet de revoir nettement à la baisse le chiffre, très étonnant, donné hier par Réunion1ère de 5km pour la longueur des coulées: elles doivent faire actuellement aux alentours de 3 km (ordre de grandeur, je n'ai pas trouvé de valeur exacte pour la longueur du front le plus avancé, mais c'est à peu près la distance qui sépare l'évent aval des Grandes Pentes). Le front des coulées est maintenant visible depuis la route nationale qui passe le long de la côte et le site Fournaise Info indique qu'il y a de fait beaucoup de monde qui se déplace pour voir le spectacle. La route est aussi, de fait, encore loin d'être en danger car, avant d'arriver à proximité de la côte il faudra non seulement descendre les Grandes Pentes, mais ensuite traverser l'important replat des Grands Brûlés, zone sur laquelle les coulées ralentissent fortement.
Cartographie extrêmement simplifiée de la situation ce matin. |
Mise à jour 19h24
Les bulletins de l'OVPF édités aujourd'hui sont essentiels pour avoir des détails concernant le déroulé de l'éruption. Tout d'abord la baisse d'activité constatée via les webcams par la diminution du débit de l'évent amont est accompagnée d'une baisse de l'intensité du trémor. C'est somme toute logique: cette vibration est liée au mouvement du magma en cours d'émission et il y a donc un lien entre elle et le débit de l'éruption. Or il se trouve que via des estimations extraites de l'analyses des données du MODIS, les volcanologues ont pu estimer les débit entre 47m3/s hier (de quoi remplir une piscine olympique profonde de 3 m en 79 secondes) hier, pour seulement 11m3/s aujourd'hui. Par contre cette baisse de trémor semble elle-même diminuer ou, dit autrement, le tremor va vers une stabilisation (tendance dont on ne peut pas prévoir l'évolution, bien entendu). Cela est aussi cohérent avec les observations réalisées aujourd'hui et qui semblent montrer que le débit est resté plutôt constant au cours de la journée.
Les volcanologues indiquent aussi que de fortes odeurs de soufre sont ressenties. Les plus importantes concentrations en SO2 ont été mesurées au nord-ouest, direction du vent. Cette direction du panache est bien marquée sur les données de l'instrument GOME-2 (embarqué sur les satellites MetOp) qui montre une forte anomalie en SO2 au nord de l'île. LE vent à visiblement tourné et se dirige maintenant vers lesud-est
L'autre élément important, sinon essentiel, de ces bulletins est que les volcanologues ont enregistré plusieurs secousses dite "volcano-tectonique" en même temps que le trémor. Or ils expliquent que cela est vraiment rare: qu'est-ce que cela signifie?
Ces secousses sont liées aux contraintes qu'exerce le magma (qu'exprime le terme "volcano-") sur les roches dans lesquelles, ou à proximité desquelles, il s'insinue. Par cet impact mécanique, il provoque leur fracturation (d'où le terme "tectonique") ce qui génère des secousses.
Habituellement ces contraintes, et donc la présence des secousses, se produisent avant l'éruption, lorsque le magma remonte et, une fois le magma en cours d'émission, elles disparaissent: l'énergie mécanique du magma (due en particulier à la présence des gaz dissouts, qui exercent une pression) est utilisée pour son émission en surface et non plus pour fracturer les roches et ouvrir son passage.
Or leur présence pendant l'éruption signifie que le magma garde, malgré son éruption, toujours assez d'énergie mécanique pour fracturer des roches. On peut donc supposer que l'alimentation reste importante, ce qui peu signifier que l'éruption va durer un peu, ou pourrait se modifier (ouverture de nouveaux évents etc)
Encore faut-il savoir où se trouvent ces contraintes: les volcanologues parlent de la "zone sommitale" c'est-à-dire la partie du volcan située entre le sommet et le niveau de la mer (il ne faut pas oublier que la base du volcan se trouve en réalité au fond de l'océan Indien, vers 4000m de profondeur et que sa hauteur complète est de 6 à 7000 m, tout de même).
Pour finir, deux choses:
- merci à Olivier Dupéré pour ses tweets d'alerte :-)
- une vidéo de l'éruption, faite hier depuis le sol.
Les bulletins de l'OVPF édités aujourd'hui sont essentiels pour avoir des détails concernant le déroulé de l'éruption. Tout d'abord la baisse d'activité constatée via les webcams par la diminution du débit de l'évent amont est accompagnée d'une baisse de l'intensité du trémor. C'est somme toute logique: cette vibration est liée au mouvement du magma en cours d'émission et il y a donc un lien entre elle et le débit de l'éruption. Or il se trouve que via des estimations extraites de l'analyses des données du MODIS, les volcanologues ont pu estimer les débit entre 47m3/s hier (de quoi remplir une piscine olympique profonde de 3 m en 79 secondes) hier, pour seulement 11m3/s aujourd'hui. Par contre cette baisse de trémor semble elle-même diminuer ou, dit autrement, le tremor va vers une stabilisation (tendance dont on ne peut pas prévoir l'évolution, bien entendu). Cela est aussi cohérent avec les observations réalisées aujourd'hui et qui semblent montrer que le débit est resté plutôt constant au cours de la journée.
Évolution du tremor produit par l'éruption. Image : OVPF/IPGP |
Les volcanologues indiquent aussi que de fortes odeurs de soufre sont ressenties. Les plus importantes concentrations en SO2 ont été mesurées au nord-ouest, direction du vent. Cette direction du panache est bien marquée sur les données de l'instrument GOME-2 (embarqué sur les satellites MetOp) qui montre une forte anomalie en SO2 au nord de l'île. LE vent à visiblement tourné et se dirige maintenant vers lesud-est
L'anomalie en SO2 détectée par l'instrument GOME2. Image SACS |
L'autre élément important, sinon essentiel, de ces bulletins est que les volcanologues ont enregistré plusieurs secousses dite "volcano-tectonique" en même temps que le trémor. Or ils expliquent que cela est vraiment rare: qu'est-ce que cela signifie?
Ces secousses sont liées aux contraintes qu'exerce le magma (qu'exprime le terme "volcano-") sur les roches dans lesquelles, ou à proximité desquelles, il s'insinue. Par cet impact mécanique, il provoque leur fracturation (d'où le terme "tectonique") ce qui génère des secousses.
Habituellement ces contraintes, et donc la présence des secousses, se produisent avant l'éruption, lorsque le magma remonte et, une fois le magma en cours d'émission, elles disparaissent: l'énergie mécanique du magma (due en particulier à la présence des gaz dissouts, qui exercent une pression) est utilisée pour son émission en surface et non plus pour fracturer les roches et ouvrir son passage.
Or leur présence pendant l'éruption signifie que le magma garde, malgré son éruption, toujours assez d'énergie mécanique pour fracturer des roches. On peut donc supposer que l'alimentation reste importante, ce qui peu signifier que l'éruption va durer un peu, ou pourrait se modifier (ouverture de nouveaux évents etc)
Encore faut-il savoir où se trouvent ces contraintes: les volcanologues parlent de la "zone sommitale" c'est-à-dire la partie du volcan située entre le sommet et le niveau de la mer (il ne faut pas oublier que la base du volcan se trouve en réalité au fond de l'océan Indien, vers 4000m de profondeur et que sa hauteur complète est de 6 à 7000 m, tout de même).
Le système de plomberie tel que permet de l'imaginer les données géophysiques. Illutration extraite de N.Shapiro et al, 2012, projet UnderVolc |
Pour finir, deux choses:
- merci à Olivier Dupéré pour ses tweets d'alerte :-)
- une vidéo de l'éruption, faite hier depuis le sol.
Sources: OVPF/IPGP; Réunion1ère, Planétaire974; Fournaise Info; SACS; N.Shapiro et al, 2012; clicanoo
Merci de vos analyses, je suit cela de prêt, comme toute les éruptions du Piton de la fournaise.
RépondreSupprimerthomas
Bonsoir. J'espère que vous en profitez, et vous avez raison :-)
Supprimer