Ce post, entièrement basé sur les données satellites, montre à quel point ils sont utiles dans la surveillance volcanique. Même s'ils n’apportent pas toutes les réponses (en même temps, aucune technique ne le permet), il sont une aide plus que précieuse dans le domaine de la volcanologie.
Ibu, Indonésie, 1325 m
Les nouvelles concernant l'éruption de ce volcan sont rares et pour cause: elle est très peu intense. Et
si vous êtes lectrice/teur de ce blog depuis son commencement, il y a bientôt 2 ans, vous savez déjà que cette activité éruptive:
- a débuté à la toute fin des années 90
- qu'elle est largement dominée par une très lente extrusion de magma modérément visqueux qui a formé un dôme très plat
- que ce dernier a finit par déborder du cratère sommital fin 2012, probablement en novembre, peut-être en octobre
- ce qui a motivé un changement du niveau d'alerte 3 (Siaga), décrété en juin 2013.
- que cette extrusion est accompagnée d'une activité explosive modérée qui se manifeste dans le cratère, sur le dôme actif.
- que la lave s'écoulant du cratère sur le flanc nord a finit par produire une coulée de lave
Si vous avez rencontré ce blog en route, vous pouvez avoir les détails de cette éruption grâce:
- au post que j'avais rédigé en juin 2013 pour plus d'informations concernant le volcan, et sur la chronologie de l'éruption que j'avais reconstituée à partir de photos.
- au post rédigé en octobre 2014 dans lequel je mettais en évidence la présence de la coulée grâce à des données satellites.
L'actu d'aujourd'hui constitue finalement la suite de ce dernier point.
Et quoi de mieux, toujours et malgré leurs défauts, que les données satellites pour avoir une idée de la progression d'une éruption sur un volcan qui n'est que peu surveillé, et peu visité?
L'analyse des données produites par l'ASTER (Advanced Spaceborne Thermal Emission and Reflection Radiometer), instrument embarqué à bord de la version TERRA du duo de satellites MODIS (NASA), entre septembre 2014 et mars 2015 montrent en effet que la coulée a continué de progresser, lentement, dans la profonde ravine qui balafre le flanc nord du volcan et sert de déversoir naturel du cratère. Cette progression est particulièrement visible sur l'image composée à partir de 5 longueurs d'ondes toutes situées dans l'infrarouge proche.
Progression de la coulée de lave entre septembre 014 et mars 2015. Images: ASTER/NASA |
Dans l'intervalle qui sépare les images de septembre 2014 et mars 2015, soit 188 jours, la coulée s'est allongée d'environ 500m. On en déduit donc qu'elle a connu, sur cette période une vitesse moyenne de progression de 500/188=2.7 mètres par jour. Autant dire que sur le terrain cela ne se voit pas vraiment à l'oeil nu sinon par, je suppose, quelques éboulements de blocs qui trahissent le mouvement de cette masse de lave.
La composition colorée (image satellite si vous préférez) créée à partir d'autres longueurs d'onde récoltées par l'ASTER le 12 mars permet de bien mettre en évidence la masse rocheuse, grise sombre, à travers la végétation , en rouge, qui recouvre le volcan. Plaquée sur Google Earth cette image permet en plus de bien percevoir le fait que la coulée est totalement canalisée dans la ravine.
Le dôme plat, dit surbaissé, et la coulée qu'il alimente surle flanc nord du Ibu, le 12 mars 2015. Image: ASTER/NASA |
On constate aussi que le front de la coulée n'est plus très loin de la base du volcan. Il ne serait pas étonnant de voir, dans quelques mois si l'éruption se poursuit à ce rythme, ce front s'élargir une fois arrivé dans la plaine et former une sorte de lobe plus ou moins arrondi. Mais nous aurons le temps de voir venir.
Source: ASTER/NASA
Il se pourrait bien que ce volcan, l'un des deux seuls actifs que possède l'Inde avec le Narcondum, soit entré en éruption. On peut en effet noter sur les données du MODIS la présence d'un signal thermique qui émerge à partir du 18 mars. Le système MIROVA confirme la date en mettant en évidence une hausse important du nombre et de l'intensité des signaux extraits des données MODIS à partir de cette même date.
Apparition d'un signal thermique sur le volcan Barren Island le 18 mars. Le 20 mars le signal semble un peu plus intense. Images: MODIS/NASA |
Détéction des signaux thermiques par le MIROVA. Image: MIROVA/Universités Turin et Florence |
Sur l'image prise à cette date par le satellite on peut aussi noter la présence de ce qui ressemble à un léger panache de gaz qui semble contenir des cendres. Ce dernier point serait toutefois à confirmer.
Présence d'un panache à proximité de Barren Island, le 18 mars 2015. Image: MODIS/NASA |
Ce qui fait soupçonner une possible reprise d'activité c'est la position du signal, qui se trouve au niveau du cône central: c'est lui qui fut siège de toutes les éruptions historiques. Souvent ces dernières ont été modérées, stromboliennes à vulcaniennes. En plus de l'activité explosive et des cendres qu'elle produit, des coulées de lave ont à plusieurs reprises été observées, arrivant souvent en mer.
Affaire à suivre.
Sources: MODIS/NASA; MIROVA/Universités Turin et Florence
Nishinoshima, Japon, > 100 m
Depuis le mois de janvier (peut-être décembre) l'île avait recommencé de grandir par sa côte est. La lave s’écoulait alors de la zone du cône centrale vers le nord puis bifurquait presque immédiatement vers l'est. Mais depuis peu cette configuration a évolué.
Le 1er mars, lorsque le satellite LANDSAT 8 fait une image du volcan, c'est encore toute une portion de la côte Est qui était alimentée en lave, vraisemblablement par un tunnel qui débute dans la zone du cône central et débouche au bord de l'eau. Mais lorsque deux semaines après le même satellite refait une image, c'est une nouvelle coulée qui prend naissance sur le cône et se dirige nord-nord-est qui est la plus active. La côte Est est toujours alimentée, mais bien plus faiblement. Aussi il semble qu'en ce moment l'île ne s'élargisse pas mais s'épaississe encore un peu plus.
Changement de direction des coulées de lave durant la première quinzaine de mars 2015. Images: LANDSAT 8/GSI-AIST |
Lors des derniers relevés réalisés en février les dimensions de l'île étaient d'environ 1900 m (Est-Ouest) par 1800 (Nord-Sud) et une surface d'environ 2.45km². L'action érosive des vagues avait sensiblement modifié le contour des côtes par apport aux précédentes observations, faites en décembre 2014. Les données récoltées par les scientifiques japonais au cours de leurs missions d'observations régulières menée depuis le début de l'éruption ont permis de voir comment la surface de l'île a évolué depuis 2013. J'ai compilé ces données dans un graphique simple, ci-dessous.
Tout est dans le titre. Image: Culture Volcan |
On note que cette hausse est assez régulière entre novembre 2013 et août-septrembre 2014 puis qu'à cette époque elle augmente, s'accélère. Cela correspond au moment où l'île commence à s'agrandir par le nord, et finit par engloutir presque entièrement l'ancienne île. Il faut aussi noter que tout à droite du graphique la tendance s'est inversée: depuis le moins de décembre l'île n'a presque pas gagné en surface.
Source: LANDSAT 8/GSI-AIST
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