Les derniers rapports des volcanologues Islandais indiquent que la sismicité est toujours présente mais continue de diminuer aussi bien au niveau de la caldera que sur la trajectoire du dyke qui alimente l'éruption dans la plaine d'Holuhraun.
Les données fournies par le réseau de GPS continuent d'enregistrer, de leur côté, une tendance à la déflation (dégonflement) au niveau du massif du Bardarbunga, indépendant du mouvement de la seule caldera (qui n'est détecté que par un seul GPS). Les volcanologues interprètent ce résultat comme le
signe que du magma continue de quitter le réservoir pour aller en direction du site de l'éruption, 40 km plus au nord-est.
Mais surtout, pour la première fois depuis que cette dernière a débuté le 31 août 2014 (je ne compte volontairement pas le hoquet qu'a constitué la courte effusion du 29 août), plus aucune incandescence ni activité n'est visible au niveau de la fissure, c'est-à-dire dans le spatter-rempart, observation faite suite à un survol de contrôle. Si vous suivez l'activité sur ce blog vous savez que l''éruption perd en intensité depuis plusieurs mois mais que, depuis le début d'année, et en particulier les 3 dernières semaines, la diminution s'est faite drastique. Au point même que la surface du lac de lave, si impressionnant, si vigoureux et si bouillonnant il y a encore peu, s'est figée en quelques jours. Un seul évent était encore actif en début de semaine, à la place des 3 ou 4 qui alimentaient le lac.
Comment interpréter cette absence d'incandescence? Sans une reconnaissance au sol, difficile de répondre avec certitude mais deux possibilités quand même:
1 - soit l'éruption continue mais le magma est enfermé dans un tunnel dès sa sortie. Il avancerait dès son émission sous la surface durcie de l'ancien lac de lave puis sortirait toujours par l’échancrure nord dans un tunnel, à l'abri des regards pour ensuite progresser, dans ce même tunnel, dans le champ de lave. Cette hypothèse à un très gros point faible: où sort la lave? Car rien, ni sur les données satellites, ni dans les derniers rapports de l'IMO ne précise qu'il y a encore des zones du champ de lave où progresse cette dernière.
2- soit l'effusion est bel et bien terminée: plus aucune lave ne sort à Holuhraun.
Je précise, au cas où vous auriez un doute, qu'à l'heure actuelle personne n'a évoqué cette seconde possibilité et que, de facto, aucun avis officiel ne déclare l'éruption terminée. Et ce d'autant plus que les données géophysiques( sismicité, GPS) ne sont pas stabilisées.
Comment, en effet, expliquer que le volcan continue de se dégonfler et qu'une sismicité persiste? Sans préjuger de la suite des événements, les certitudes étant les premières ennemies des Sciences, on peut se remémorer l'hypothèse selon laquelle avec la baisse d'effusion dans la plaine d'Holuhraun du magma , toujours poussé vers la sortie de sa chambre par le piston que constitue la caldera, continue de forcer son passage. Dans ce scénario un nouvelle éruption est possible sous le glacier, donc plus près de la caldera.
A quoi peut-on s'attendre dans ce cas de figure:
1- au niveau dyke, une probable reprise de la sismicité. Il faut imaginer le dyke comme une sorte de ballon tout plat et long : du magma pénètre d'un côté et si il ne se sort pas de l'autre il se met à "gonfler". Une pression s'exerce sur les parois ce qui les fait craquer, d'où une sismicité.
2- une caldera qui continue de s'affaisser, même très faiblement. C'est le cas actuellement: la sismicté le démontre et les volcanologues décrivaient encore il y 3- 4 jour un affaissement un peu inférieur à 2cm/jour.
3- un volcan qui subit une déflation car le magma continue de quitter la chambre magmatique
Visiblement les points 2 et 3 sont là, mais qu'en est-il du point 1. Pour avoir un élément de réponse, regardons comment ont évolué les sismicité sur la caldera et sur le dyke depuis le départ de l'éruption.
J'ai repris toutes les données sismiques fournies par l'IMO et en ait fait deux histogrammes:
J'ai repris toutes les données sismiques fournies par l'IMO et en ait fait deux histogrammes:
- le bleu représente le nombre de secousses par jour sur le dyke
- le rouge celui du nombre quotidien de secousses sur la caldera
Evolution de la sismicité pendant l'éruption du volcan Holuhraun. En rouge les secousses de la caldera, en bleu, celles du dyke. |
La première partie du diagramme est celle de la sismicité la plus intense de toute la crise. On y voit que le dyke domine largement ce qui est logique: août est le mois où celui-ci se met en place et progresse en sous-terrain.
Viens ensuite une baisse de la sismicité du dyke au cours du moins de septembre, après le départ de l'éruption, simultanée avec une augmentation progressive de la sismicité de la caldera: le processus du piston se met en place au fur et à mesure de l'éruption. Durant toute cette phase la sismicité du dyke est largement moins intense que celle de la caldera mais fait quelques "vagues" peut-être liées à des hausses temporaires de débit (?) .
Puis à partir de décembre on note une baisse générale de l'activité sismique: c'est le début de la fin, bien que la sismicité de la caldera soit toujours plus importante que celle du dyke.
Mais ce qui est intéressant se trouve tout à droite: on note une tendance à la hausse du nombre de secousses quotidiennes sur le dyke dès décembre mais, à partir de mi-février, ce nombre atteinte des valeurs qui n'avaient plus été vues de manière récurrente depuis octobre 2014 (excepté deux jours en novembre).
Il semble donc que depuis que l'activité ait franchement diminué dans la plaine, le dyke recommence à réagir ce qui semble bien traduire sa remise sous pression.
Maintenant je souhaite être clair: ce seul histogramme ne valide pas une hypothèse mais constitue au mieux un élément qui semble aller dans son sens. Si le scénario décrit se réalise, cela implique-t-il obligatoirement une nouvelle éruption, sous-glaciaire?
Non. Les volcanologues ne peuvent pas avoir de certitude, mais le potentiel est là et nul doute qu'il vont surveiller de près. Si la pression qui s'exerce dans le dyke est suffisante pour lui permettre de s'ouvrir jusqu'à la surface, alors une seconde phase éruptive débutera. Mais il peut tout aussi bien ne jamais avoir la capacité de le faire.
Bilan: attendons pour voir.
Mise à jour 28 février
L'IMO indique que l'éruption est terminée: c'est donc l'hypothèse n°2 qui a été validée. Le niveau d'alerte aviation a été abaissé au jaune mais les restrictions d'accès demeurent les mêmes car rien ne dit (comme expliqué ci-dessus) que l'activité ne va pas reprendre ailleurs sur le dyke, voir au niveau de la caldera, sait-on jamais (c'est un scénario qui a été évoqué). Si l'on compte la première phase (avérée) de l'éruption, le 29 août dernier, la durée de cette crise, exceptionnelle à de nombreux point de vue, est de 6 mois, quasiment jour pour jour.
Sources: IMO; RUV
Un diagramme fort intéressant !
RépondreSupprimerJe pense aussi que l'on sous-estime le refroidissement du magma dans le dyke, même s'il n'est probablement pas le mécanisme principal. La diminution du débit diminuant, le magma doit commencer à se figer dans certaines zones du dyke, ce qui ne facilite pas l'avancée et la remontée magmatique jusqu'à la surface. Le magma exerce alors une pression supplémentaire.
Oui, attendons. :)
Ludovic
C'est très probable, ou en tout cas possible même si visiblement l'évolution du magma dans le dyke n'est pas forcément linéraire, avec un refroidissement progressif: sur certains dykes (Columbia River) des phénomènes de refusion des épontes ont eu lieu pendant l'éruption. Mais les volumes et les durée de circulation du magma dans les dykes en question étaient bien supérieurs à ce qui s'est produit au Bardarbunga.
SupprimerIl est donc tout à fait possible qu'avec un débit progressivement de plus en plus faible les épontes du dykes se soient épaissies jusqu'à le colmater complètement... une sorte de sclérose du dyke! :-)
Ah ! Anectode!! J'ai aussi oublié de rappeler qu'un volcanologue islandais avait, sur la base de l'analyse de l'évolution de la courbe d'affaissement de la caldera, estimé en octobre dernier que l'éruption pourrait se terminer ( vers le 04 mars....je crois qu'on peut dire "chapeau": avec4 mois d'avance il se se trompe que de moins d'une semaine. Cela veux aussi dire que le mécanisme auquel il a fait appel pour faire cette projection (qui n'est pas une prédiction) est à priori proche de la réalité.
Supprimerhttp://icelandreview.com/news/2014/10/13/volcanologist-predicts-eruptions-end-march
Bonjour,
SupprimerVoici un lien vers un montage que j'ai fait sur l'éruption du Bardarbunga : évolution pré-éruptive, évoution de la fissure et évolution du champ de lave.
https://www.youtube.com/watch?v=hEi52uxEMoU&feature=youtu.be
Bonne journée,
Ludovic