13 décembre 2014

Le volcan Azuma passe en alerte 2: faisons connaissance avec lui

L'Azuma, ou Azumayama, est un édifice dont les éruptions les plus anciennes remontent à environ 1 500 000 ans. Il est situé dans la préfecture de Fukushima, qui se trouve être aussi la ville voisine la plus importante puisque son centre ne se trouve qu'à une vingtaine de kilomètres de l'édifice. Il est aussi le voisin d'un autre volcan connu des volcanologues: le Bandai (ou Bandai San) qui fut à la source d'un événement volcanique majeure: l'effondrement, en 1888, de tout le versant nord du volcan, sans la
moindre activité magmatique, qui est devenue un archétype d’avalanche de débris, dit "de type Bandai".

Mais revenons à l'Azuma.

Côté archétype de stratovolcan, il n'est pas top*: loin d'être cônique, il est plutôt étalé car l'activité à s'est exprimée au cours du temps en divers points plutôt qu'en un site bien défini. L'Azumayama couvre ainsi une surface d'environ 25x15 km et présente plusieurs sommets remarquables, le plus haut d'entre eux se trouvant à l’extrémité ouest, au niveau d'un sommet appelé Nishi Daiten.
Il n'est pas considéré comme un stratovolcan, mais comme un groupe de stratovolcans de petite taille.

L'histoire de ce massif a été décomposée par les volcanologues Japonais en plusieurs étapes: entre 1.5 ou 1.2 millions d'années et 800 000 ans;  de 800 000 à 600 000 ans; de 600 000 à 500 000 ans; de 500 000 à 300 000 ans; de 300 000 à l'actuel, cette dernière période étant un peu particulière, j'y reviens un peu plus loin.
Carte volcanologique du volcan Azuma (Azumayama)
Belle carte géologique, plaquée sur une modèle en 3D, du massif de l'Azumayama. La zone volcanique la plus récente est à l'est. Image: Geological Survey of Japan
Les volcanologues ont noté qu'à chaque période la majorité de laves émises sont des andésites et des dacites, assez visqueuse, qui arrivent à la surface sous la forme de coulées de lave. Ils notent par ailleurs qu'à la fin de chaque période un (ou des) dômes de lave ou un (ou des) cônes se mettent en place. Cette prédominance de l'effusion/extrusion, sur l'explosion dans le dynamisme des éruptions de l'Azuma fait partie des éléments responsables de sa morphologie globalement étalée. Les magmas semblent être assez marqués par des phénomènes de mélanges magmatiques**, soupçonnés d'avoir déclenché des éruptions.

Dans son histoire, le massif de l'Azuma a connu un événement majeur: un effondrement, vers l'est, de sa partie est, que l'on appelle "avalanche de débris", dont la datation semble complexe mais est estimée entre 100 000 et 280 000 ans. La caldera ouverte à ce moment-là était importante: environ 2000 m de large. Elle a ensuite été partiellement remplie par l'activité éruptive qui donné naissance aux reliefs les plus jeunes de tout le massif, tel l'Azumakofuji qui est probablement le plus emblèmatique de par sa morphologie toute fraiche. L'activité éruptive n'est pas restée confinée à la seule caldera: l'imposant maar de Goshikinuma (7200 à 7500 ans), large de 300 m environ, se trouve plus à l'ouest de sa bordure.

Carte topographique du volcan Azuma (Azumayama)
Topographie du volcan Azuma. J'ai précisé la localisation de la caldera d'avalanche et le cône Azumakofuji. Image: activolcans.info

Son évolution est aussi marquée, d'après l'étude de ses dépôts, par un hiatus (une lacune) d'activité prolongé, entre environ 300 000 - 280 000 ans et 7000 ans, raison pour laquelle cette période est si singulière au regard de celles qui l'ont précédées. Toute l'activité éruptive récente, c'est-à-dire qui a moins de 7000 ans, s'est concentrée autour ou dans la caldera, donc à l’extrémité est du massif (voire carte topographique ci-dessus). Au total l'analyse des dépôts des éruptions anté-historiques couplée aux données historiques révèle au moins 18 épisodes éruptifs différents, ce qui fait de l'Azuma un édifice moyennement actif. Et ce d'autant plus que la plupart des dits dépôts sont d'origine phréatique, c'est-à-dire qu'ils n'impliquent pas d'émission de lave.
La dernière éruption magmatique s'est, semble-t-il, produite vers 1331 et fut de faible ampleur. Elle n'a été suivie que d'activités phréatiques, style qui domine l'histoire de ce volcan depuis au moins 4000 ans et s'est concentrée sur la zone d'Oana, en bordure de la caldera d'avalanche. A noter qu'au moins une éruption phréatique de faible ampleur a été mortelle pour deux géologues, le 07 juin 1893, tués par des retombées de blocs.

La zone active du volcan Azuma (Azumayama)
Rapide infographie qui permet de replacer différents éléments de la topographie. Image: Culture Volcan

Le suivi de l'activité depuis environ 150 ans montre qu'à plusieurs reprises le volcan a connu des phase de crises marquées par:
- une intensification de l'activité fumerolienne. A tel point que parfois les eaux des rivières qui en descendent deviennent si acides qu'elles déciment les populations de poissons.
- une hausse de la sismicité, avec parfois des phases de trémors
- parfois quelques déformations
Il arrive que ce type de manifestations soit accompagnées d'activités explosives phréatiques, mais ce n'est pas systématique.

Le cône Azumakofuji du volcan Azumayama
L'imposant cône dissymétrique de l'Azumakofuji, en mai 2007. Image: Brian Adler, via wikipedia

Ce rappel de l'historique est important car la  Japan Meteorological Agency a décidé hier d'élever le niveau d’alerte de l'édifice à 2. Les sismomètres ont en effet relevé une hausse de la sismicité tandis que les inclinomètres ont, de leur côté, détecté une légère déformation: des signes qui ont déjà été relevés auparavant et qui n'ont pas donné d'éruption magmatique.
Les consignes sont donc en premier lieu orientées en fonction d'une possible activité phréatique: ne pas s'approcher à moins de 500 m des cratères Oana en particulier, zone où s'est focalisée l'activité phréatique depuis près de 5000 ans. Autant dire que les visiteurs ne peuvent pas sortir du parking aménagé au col qui sépare les cratère d'Oana de l'Azumakofuji.
Cette mesure de précaution arrive aussi, faut-il le rappeler, dans un contexte particulier: l'éruption de l'Ontake, phréatique, est bien entendu encore vive dans les mémoires et l'historique de l'Azuma a démontré que ce type d'éruption est celui qui, statistiquement, a le plus de chance de se produire.
Le passage en alerte 2 implique que l'accès aux zone actives (Oana) soit maintenant régulé. Il ne doit pas y avoir de problèmes pour accéder au (superbe) Azumakofuji.


Sources:
- Shérine France .
- rapport du JMA
- "Petrologic characteristics of the newest stage in Azuma volcano group, Northeast Japan", (2013), paru dans "International Journal of Eruptive History and Informatics".
- descriptif de l'Azuma par le JMA


*: celles et ceux qui, parmi vous, aiment la pop culture présentée sur ARTE aurons probablement remarqué la référence.

** un magma basique, pauvre en silice arrive de la source  (dans le manteau) et entre dans une chambre magmatique plein d'un magma acide (riche en silice, plus ancien).

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