Fogo, Shiveluch, Aso, Sinabung, Bardarbunga : des éruptions différentes et plutôt stables

Fogo, Cap Vert, 2829m

Alors que le Fogo, après savoir fait une brève (et "décalée"*) apparition dans les informations internationales, semble retomber dans l'oubli médiatique, l'un des lobes de lave qui était encore actifs en début de semaine à continué de progresser dans la zone de Portela-Bangaeira. Le site Fogo News indique que, malgré une progression lente signe d'une alimentation modeste, l'un des lobes a poursuivit
le travail de destruction entamé il y a une grosse dizaine de jours: le site indique qu'il n'y aurait maintenant plus aucune maison dans Bangaeira! D'autres infrastructures ont donc disparu sous l'extension au ralenti de ce champ de lave.

Lava flow 15/12/2014 #fogoeruption #capeverde #chadascaldeiras #volcanoes pic.twitter.com/r15WH3CGyf
— INVOLCAN (@involcan) 16 Décembre 2014

Ci-dessous vous trouverez un photomontage (panoramique) réalisé à partir des photos, faites le 16 décembre par Montrond Valdir: il montre les coulées traversant la pente entre Bangaiera et Portela. Vous les trouverez , ainsi que de nombreuses autres, sur ce lien.

Les coulées de lave entre Portela et Bangaeira. Images: Montrond Valdir

La cartographie de l'extension du champ de lave semble en effet indiquer que le front le plus éloigné n'a pas avancé, mais que la lave s'est étalée latéralement, en comblant un peu plus l'espace qui la séparait de la paroi de la caldera. Grâce à cette cartographie on voit clairement que, pour le moment, la coulée à tendance à l'élargir plutôt qu'à progresser vers l'avant.

Cartographie du champ de lave du Fogo, au 16 décembre, publiée le 17. Image: Copernicus/Union Européenne

* les images que j'ai vues dans les différents sujets d'info (toujours brefs, qui signifie "intérêt secondaire") expliquaient, avec 3 semaines de retard qu'un volcan était entré en éruption et détruisait des maisons. La situation au même moment était déjà passée de longue dates aux étapes suivantes: évacuation totale, hébergements de fortunes, organisation d'une aide internationale etc. Bref: celles et ceux qui ont pris connaissance de cette actualité via ces médias avaient environ 15 jours de décalage avec la réalité.

Sources: Fogo News; INVOLCAN; AVCAN,Copernicus; Montrond Valdir


Shiveluch,  Russie, 3283 m

Le VAAC de Tokyo indique qu'une nouvelle émission de cendres s'est produite à partir de 19h55 TU (ajouter 12 heures pour l'heure locale) et estime son altitude à environ 10 km, chiffre reprit par le KVERT. Invisible de manière directe (de nuit, avec des nuages etc) elle semble avoir été suivie vers 21h TU d'une seconde émission de cendres, elle aussi difficile à voir sur les données satellites (on l'aperçoit sur les images infrarouges du satellite MTSAT mais, vraiment, elle est petite et mélangée aux nuages). Du coup, la seul trace tangible de l'événement est visible sur les images webcam sous la forme d'un dépôts de cendres qui a salit tout le versant ouest de l'édifice.

Dépôts de cendres récents. Image: KVERT

Comme dans la majorité des cas similaires, ni le KVERT ni le VAAC n'ont bougé le niveau d'alerte aviation, qui est resté à l'orange. Ce type d'événement est courant sur le Shiveluch.

Sources: VAAC de Tokyo; KVERT

Aso, Japon, 1592m

Le volcan garde une activité éruptive explosive qui continue d'alimenter un panache assez chargé, mais qui ne monte pas en altitude. Il est d'ailleurs difficile à distinguer depuis l'espace.... Ces émissions de cendres restent toujours intermittentes: elles durent plusieurs heures puis sont remplacées par un abondant dégazage blanc etc.

La neige étant arrivée sur l'île de Kyushu, les ambiances commencent à être sympa.

Source: Université de Kumamoto

Sinabung, Indonésie, 2460m

Le week-end a été mouvementé avec la mise en place, rien de moins, de ce qui est considéré comme le plus important écoulement pyroclastique qui se soit produit depuis le début de l'éruption (septembre 2013) et, de  facto, depuis qu'elle a commencé à produire ce type d'écoulement (décembre 2013*), avec une distance parcouru qui atteindrait les 5 km. Il a été suivi le lendemain par un second écoulement de gros volume, moins long, mais néanmoins très impressionnant. C'est le lobe de lave sud qui en est à l'origine, toujours pour les mêmes raisons: il se forme dans  une pente forte qui le rend instable. Depuis lors ce sont seulement quelques écoulements par jour, assez modeste quoique parfois très jolis, qui se sont formés.

Ecoulements pyroclastiques les 13 et 14 décembre 2014. Images: PVMBG

Toutefois ce qui est interessant à constater c'est que, semble-t-il, ce n'est pas parce que l'activité générale sur ce volcan augmente que cet écoulement fut plus important que les autres. En effet depuis qu'il s'est produit on ne note pas de différence importante dans le "rythme" que garde l'éruption. En clair il n'y a pas plus d'écoulements qu'avant, et ils ne sont pas plus nombreux non plus.

On peut toutefois noter une nouveauté depuis quelques temps: il semble que des petites émissions de cendres se produisent au sommet de l'édifice, sans écoulement pyroclastique. Difficile de comprendre ce qu'elle sont, ni de connaitre précisément la date (j'en ais repéré un le 16 mais il peut s'en être produit avant) mais elles se présente sous la forme de brusques et faibles émissions de cendres un peu brunes. Il semble donc qu'il se produise, au sommet, des petites surpressions ces émissions de cendres, un phénomène qui n'a pas été très fréquent depuis décembre 2013..et qui ne l'est pas non plus aujourd'hui: on n'en voit que très peu sur les images webcams.

Le problème, à chaque fois qu'il y a un changement, se résume généralement à une question: la source de ce changement est-elle superficielle, auquel cas les chances sont grandes qu'il s'agisse de quelque chose de passager et anodin, ou profonde, ce qui pourrait en faire un précurseur de changements plus importants de l'activité. Mais seuls les volcanologues indonésiens, qui ont les données en main, peuvent se faire une idée plus précise.

Petite émission de cendres brunes au sommet du Sinabung: un phénomène rare depuis décembre 2013. Image: PVMBG

* pour rappel: entre septembre et fin décembre 2013, l'activité éruptive n'a produit que des explosion qui ont généré des panaches de cendres, mais pas d'écoulements pyroclastiques.

Source: PVMBG; merci à @Kaptain_Krokett

Bardarbunga, Islande, 2000m

L'éruption continue dans la plaine d'Holuhraun et laisse s'échapper la lave toujours à très gros débit. Le champ de lave s'étend maintenant sur plus de 78.6 km² (estimation au 12 décembre, donc il est maintenant aux alentours de 79 km²).  La lave continue de s'écouler préférentiellement en direction du nord-est, ce qui lui a permis de totalement colmater le Kipuka.
A noter que depuis début décembre ce champ de lave porte le nom de Nornahraun, qui signifierait "plaine des sorcières" (à confirmer), Holuhraun étant le nom de la plaine dans lequel il se met en place.

Cette image thermique de Nornahraun montre bien l'écoulement en direction du nord-est. Image: Université d'Islande

Les volcanologues ont étudié d'un peu plus près l'évolution de la sismicité depuis le départ de la crise mi-août. Ils ont constaté une baisse globale de cette sismicité qui s'exprime de deifférentes manières:

- sur le dyke les choses sont claires et avaient été décrites sur ce blog dès le départ: la sismicité est restée intense tant que le dyke progressait, par la fracturation des roches. A partir du moment où la fisure éruptive s'est ouverte, la sismicité à chuté drastiquement, puis sa baisse s'est poursuivie de manière plu régulière.

- pour la caldera la principale évolution est le délai entre deux secousses de magnitude supérieure à 5 qui augmente depuis, grosso modo, le 10 octobre (= les secousses de magnitude > 5 sont de moins en fréquentes). La sismicité de la caldera connait elle-aussi une tendance à l'apaisement avec le temps, mais elle est beaucoup plus lente qu'au niveau du dyke et, actuellement, c'est une sismicité qui reste vigoureuse.

Pour les volcanologues le fait que la sismicité de la caldera décroisse très lentement mais qu'il y ait de moins en moins de grosses secousses pourrait s'expliquer par le fait que mécaniquement, la roche qui se trouve au niveau de la faille circulaire qui délimite la caldera n'est plus aussi résistante à la friction: elle cède donc plus facilement ou, dit d'une autre manière, elle n'a plus la capacité d'accumuler de grosse contraintes, d'où des secousses de plus faible magnitude.

Nornahraun continue sa croissance en ce 18 décembre. Image : MILA

 Sources: MILA; Université d'Islande, IMO