9 octobre 2014

Le point sur l'activité des volcans Sinabung, Semeru, Kilauea, Bardarbunga (Bárðarbunga) et Etna (Mis à jour)

Sinabung, Indonésie, 2460m

Je vous rapportais il y a quelques jours que l'activité de ce volcan, en éruption ininterrompue depuis septembre 2013, reprenait un peu de vigueur. L'activité semble même avoir bien augmenté depuis hier car elle produit maintenant plusieurs écoulements pyroclastiques assez importants chaque jour. Une situation assez similaire, en terme d'intensité éruptive, que celle du début d'année. Les écoulements partent essentiellement vers le
sud et vues certaines photos il semble que certains villages potentiellement menacés soient encore occupés (je pense plus particulièrement au village de Payung, au sud-ouest).

Ecoulement pyroclastique sur le volcan Sinabung, 08 octobre 2014
Un écoulement pyroclastique hier. Image: CVGHM


Ecoulement pyroclastique sur le volcan Sinabung, 09 octobre 2014
Écoulement pyroclastique important ce matin. Image: PVMBG/VSI

Autre écoulement pyroclastique sur le volcan Sinabung, 09 octobre 2014
Autre écoulement pyroclastique important ce matin. Image: PVMBG/VSI


Cette activité éruptive génère par ailleurs une activité iconographique, sur les réseaux sociaux notamment avec la production de photos de ces écoulements.


Notez sur l'image ci-dessous que certaines personnes n'ont toujours pas compris que de tels écoulements étaient dangereux. Clairement l'image a été prise dans une "zone impactable" par les écoulements.





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#sinabung jam 17:30 8/9


Une image d'un des écoulements d'aujourd'hui 09 octobre, prise depuis le village de Payung, qui se trouve (à mon sens) dans la zone maintenant menacée.



Ces écoulements et les panaches co-pyroclastiques sont à l'origine de chutes de cendres parfois abondantes, comme hier soir à Berastagi, à 12 km à l'est de l'édifice.

ou même jusqu'à Medan, pourtant située à presque 60 km au nord-est.


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Eruption of Sinabung last night arrived in Medan #volcano #eruption #Sinabung

De nombreux écoulements dépassent les 3000m de longueur, et il n'est pas rare qu'ils atteignent 4500 m. On est là au début de la zone habitée et cultivée et la situation redevient donc critique pour tous les habitants des villages qui se trouvent juste en dehors de la zone interdite d'un rayon de 5 km, dont Payung, juste à la limite en question.
Pour mémoire, revoilà la carte des risques, avec les noms de certains villages, mais pas tous malheureusement. Le village de Suka Meriah, village où ont trouvé la mort plusieurs personnes en début d'année, pourrait maintenant être complètement rayée de la carte, vue la direction que prennent les écoulements pyroclastiques actuels.

Carte de risques du volcan Sinagung
Carte de risques du volcan Sinabung, faite l'an dernier. En rouge: zones "impactables" par les écoulements pyroclastiques; en rose: zones "imapctables" par les retombées de cendres abondantes, en jaune: zones "impactables" par les coulées de boue (lahars) Image: BNPB

Mise à jour 15h18

En regardant dans le détail les images fournies aujourd'hui par la webcam du VSI on peut constater que si les écoulement pyroclastiques les plus importants se déroulent vers le sud- sud-est, le versant nord-est n'est pas non plus exempt de risques: des écoulements (que j’appelle arbitrairement "secondaires" car moins fréquents) s'y produisent aussi. Moins volumineux et moins longs que ceux du  sud, ils n'en sont pas moins présent et assez mobiles. On les voit bien sur le time-lapse ci-dessous, qui résume toute la journée d'activité du 09 octobre.



 Si je résume tout ça sur une image Google Earth, ça donne:

Localisation des couloirs d'écoulements pyroclastiques sur le volcan Sinabung, 09 octobre 2014
Position des deux couloirs d'écoulements pyroclastiques et de deux villages qui se trouvent à proximité.
Mise à jour 18h08

Les journaux indonésiens indiquent que l'activité en cours provoque quelques perturbations du traffic aérien à l'aéroport de Medan. Quelques vols ont été annulés, d'autres ont du attérir sur d'autres aéroports, en raison du danger que la cendre représente pour les appareils.
Sutanta Aditya, photographe freelance local, fidèle au post depuis le début de cette éruption a pris des clichés de l'ambiance, entre les gens qui évacuent les villages un peu trop proches, et ceux qui déterrent les squelettes de leurs ancêtre et les nettoient afin de les emporter à d'autres endroits, pour éviter qu'ils ne soient à jamais perdu sous les cendres, des images que pouvez aller voir sur le site du Washington Post.

Pour le moment aucun ordre d'évacuation a été donné, et les personnes évacuées l'ont donc visiblement fait de leur plein gré.

Sources: PVMBG/VSI; Twitter; Instagramm

Semeru, Indonésie, 3676m

Le volcan reste le siège d'une activité effusive. Émise dans le cratère sommital (Jonggring Seloko) la lave sort à travers le dôme qui s'est édifié entre 2012 et 2014 puis coule dans la pente sur une distance d'environ 2km. Dans le time-lapse ci-dessous, réalisé à partir d'images du satellite ASTER intégrant des signaux thermiques, on peut voir que l'activité effusive a démarré en juin et que la coulée n'a atteint sa longueur maximale qu'au mois d'août. Au passage la topographie a obligé la coulée à se scinder en deux lobes. Chacun est instable dans la pente et s'effrite en avalanches de blocs qui roulent dans la partie boisée des ravines. Pas d'incendie à craindre toutefois:
- les blocs n'arrivent probablement pas assez chauds en bas pour déclencher un incendie mais surtout
- les ravines elles-même ne sont pas boisées à cause de la descente de coulées de boue.




Coulée de lave sur le volcan Semeru, 08 octobre 2014
Trois zones d'avalanches de blocs: la coulée est plutôt bien alimentée. Images: VSI

C'est une activité pour le moment stable et qui ne génère pas de risques immédiats, à tel point que des photos sont faites depuis le rebord du Jonggring Seloko.

Pour en voir quelques unes:
Lien 1
Lien 2
Lien 3

Sources: CVGHM; ASTER


Bardarbunga, Islande, 2000m

Il n'est pas fréquent d'assister à des éruptions aussi importantes que celle qui se déroule actuellement en Islande: John Stevenson, d'Edimbourg, a calculé qu'en moyenne l'éruption a couvert l'équivalent de la surface d'un terrain de foot toutes les 7 minutes depuis qu'elle a fait son apparition! La surface totale recouverte actuellement est estimée à 52.7 km².


Surface de du champ de lave de l'éruption du volcan Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun, 07 octobre 2014
Cartographie de la surface recouverte par la lave au 07 octobre 2014. Image: Université d'Islande
Que dire de vraiment nouveau concernant cette éruption dont les principaux paramètres sont stable? La sismicité sur le dyke a diminué, signe que les contraintes qui s’exercent sur la croûte en profondeur s'atténuent. Or ces contraints étaient, dans les rapports des scientifiques, associées au fait que le volume extrait de la chambre à travers le dyke était un peu supérieur à ce qui sortait réèllement au niveau de la plaine d'Holuhraun. Il semble donc que le débit global de magma au départ de la chambre située sous le sommet du Bardarbunga soit en diminution progressive, ce qui pour le moment ne se ressent pas particulièrement au niveau du site éruptif même dont l'activité reste toujours aussi importante.

Les grandes quantités de gaz soufré émis continuent de poser des problèmes d'ordre sanitaire avec des concentrations importantes sous le panache, lequel change de direction régulièrement en fonction du vent. Mauvaise nouvelle: tout l'île est impactée, bonne nouvelle: aucune n'est impactée en même temps ce qui donne des phases de répit.
 En ce moment c'est le quart sud-ouest de l'île qui déguste le plus avec des concentrations dépassant les 600 microgrammes/m3 de SO2 dans le secteur de la capitale Reykjavik, et 800 microgrammes/m3 un peu plus à l'est. A de telles concentrations, l'Agence de l'Environnement Islandais recommande que les personnes ayant des problèmes physiques cessent toute activité en extérieur.

Pic de pollution au SO2 du à l'éruption du volcan Bardarbunga dans la plaine d'Holuhraun, 08 octobre 2014
Pic de SO2 à Thjorsardalur, 100 km à l'est de Reykjavik hier presque toute la journée. Image: Agende de l'Environnement Islandais




L'impact des concentrations en SO2 sur la santé humaine. Image: Agende de l'Environnement Islandais
Côté caldera l'affaissement se poursuit mais à un taux maintenant un peu plus fort: ces dernières 48 heures le glacier a perdu quelques 125 cm d'altitude, soit un peu plus de 60 cm/jour. Le tout est accompagné d'une sismicité toujours importante et marquée par plusieurs événements de magnitude assez élevée (supérieure à 3) avec plusieurs secousses de magnitude supérieure ou égale à 5, avec une particulièrement importante de magnitude 5.5 le 07 octobre, à elle seule associée à un affaissement brusque de 20 cm environ. Depuis le début des mesures (12 septembre), le glacier a perdu presque 12 m d'altitude.

Affaissement de la caldera du volcan Bardarbunga synchrone avec l'éruption dans la plaine d'Holuhraun, 7-9 octobre 2014
Affaissement du glacier (donc de la caldera qui se trouve dessous) ces dernières 48 heures. Image: IMO/Université d'Islande/Gardes Côtes Islandais/Protection Civile Islandaise.


Le photographe Français Olivier Grunewald, a pu accéder dans la zone courant septembre pour faire des images de l'activité: le plaisir de l'art étant une chose tout à fait personnelle, je vous laisse seuls face à elles, en espérant que vous ressentirez autant de plaisir que moi à les regarder!

Voilà le lien.


Mise à jour 12h16

Une rapide mise à jour car l'Université d'Islande a mis en ligne une nouvelle carte des coulées, avec une estimation de la surface couverte de 55 km² environ, et une volume total émis depuis le début de l'éruption de 0.77 km3, ce qui correspond à une épaisseur moyenne de 14 m, inchangée depuis le début de l'éruption..

Sources: IMO; Université d'Islande, Agence de l'Environnement Islandais


Kilauea, Etats-Unis, 1266m

L'activité effusive se poursuit aussi sur le Kilauea, comme tous les jours ou presque depuis plus de 30 ans (1983 pour le départ de cette éruption tout de même!). La coulée dite "du 27 juin", date de son apparition au pied du Pu 'u O'o, a repris sa progression en direction du village de Pahoa le 01 octobre après que son front ait stagné plusieurs jours. La lave elle-même n'a jamais cessé de couler mais elle sortait alors en arrière du front de la coulée. Depuis le 01 octobre, la coulée a progressé d'environ 745 m avec des vitesse variant d'un jour sur l'autre entre 90 m/jour et 315 m/jour. Les volcanologues se basent sur une progression moyenne de 120 m/jour.
Ce front avance en limite de la zone boisée qui borde le bourg de Kahoe Homesteads. Des feux de brousse se sont déclenchés par ailleurs dans la zone qui n'est pas boisée, mais ont été éteints par les pompiers, et par les mesures de préventions: le précédent feu de brousse déclenché par la coulée avait incité les propriétaires et les travaux publics a creuser des pare-feux, à bon escient.


Coulée de lave sur le volcan Kilauea, 08 octobre 2014
Localisation de la coulée de lave en progression, à la limite en zone boisée et zone broussailleuse aux portes de Kahoe Homesteads. Les traits rouges marquent une zone repère que vous retrouverez sur l'image Google Earth juste à droite. Image: HVO/USGS

Position de la coulée de lave sur le volcan Kilauea, 08 octobre 2014
Localisation des événements sur une image Google Earth. On retrouve les traits rouges, orienté comme sur la photo, ce qu permet de voir les distance qui séparent la lave des la route d'A'apa et de Pahoa. Image: Culture Volcan

La distance qui sépare maintenant le front de la coulée de la première route (A'apa Street) est d'environ 1400 m à vol d'oiseau, 1700 m en suivant la plus grande pente et les volcanologues estiment qu'en 14 jours la route sera coupée si la lave continue de progresser au même rythme. Pour Pahoa, qui n'est qu'1 km après la route d'A'apa, le délai peut s'estimer à environ 22 jours à ce rythme.

Source: HVO

Etna, Italie, 3300m

Le volcan montre des signes d'activité depuis le 07 octobre avec des projections incandescentes sur le nouveau Cône Sud-Est. Elles sont peu fréquentes, très peu intenses, parfois associées à de petites bouffées de cendres, mais ne sont pas associées à une hausse significative du trémor pour le moment.

Emissions à haute température sur le volcan Etna, 08 octobre 2014
Émission à (relativement) haute température hier vu en caméra thermique./ Image: INGV


Il n'empêche que c'est le premier signe d'activité sur le volcan depuis l'activité de juillet-août et qu'il convient donc de garder les yeux braqués sur le Sicile.

Ce que fait d'ailleurs déjà Etna Walk, qui a commencé à shooter l'activité en question.



Pour le moment je ne préfère pas parler d'activité strombolienne car il y a peu de chances pour que les projections soient faites de lave neuve mais probablement plus de fragments de lave ancienne, internes au cône et à très haute température, donc incandescente. C'est ce que suggère d'ailleurs indirectement l'image d'Etnawalk ci-dessus: malgré le fait qu'elle soit faite en pose longue, l'incandescence des projections est manifestement faible, peu compatible avec de la lave neuve.

Sources: INGV; EtnaWalk

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