5 septembre 2014

Volcan Bardarbunga: de nouvelles fissures éruptives sont ouvertes (mise à jour 06 septembre, 07h53)

Alors que l'activité éruptive se poursuit ce matin sur la fissure ouverte le 31 août dernier, un survol effectué par les volcanologue Thorvald Thordarson et la journaliste du journal RUV
Lara Ómarsdóttir leur permis de constater l'ouverte de deux nouvelles fissures plus au sud, entre

l'activité sur la première fissure et le glacier Dyngjujokull.


En gros, l'action se passe dans le graben dont l’ouverture a été constatée le 3 septembre mais la localisation précise n'est pas encore connue. La seule indication est qu'elles se trouvent juste au nord des morraines, dépôts de roches laissées par le retrait du glacier Dyngjujokull.

Tout ce qu'on peut dire c'est que l'image aérienne ci-dessus montre clairement que deux fissures distinctes sont ouvertes et sont le siège d'une activité qui semble plutôt modérée. Elles se voient sur les images des webcams de Mila, surtout celle qui est zoomée ("Bardabunga 2").


Nouvelles fissures éruptive du volcan Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun, observées sur la webcam MILA, 05 septembre 2014
Nouvelles fissures éruptives au sud de la fissure principale, ce matin sur la webcam Bardarbunga 2 de Mila. Image: MILA

La possibilité qu'une activité puisse démarrer sous le glacier dans le future vient donc encore de monter d'un cran puisque la nouvelle zone éruptive est relativement proche de ce dernier. Cependant il semble pour le moment qu'aucune activité ne s'y soit manifesté, possibilité qui pourrait faire l'objet d'une surveillance en cours de journée.

L'activité sur la fissure principale ne semble pas avoir diminué d'intensité, mais l'accès à la zone est maintenant interdit, le temps de voir comment évolue la situation au niveau des nouvelles fissures et quel danger potentiel elles font peser. Ni les scientifiques ni les médias n'ont plus droit d'accès pour le moment.
 

Mise à jour, 17h53



L'activité sur les deux systèmes de fissures se poursuit.
Le système n°2 (apparu ce matin) libère essentiellement des coulées, les fontaines étant assez petites et moins dynamiques que celles du système n°1. Il se localise effectivement en plein dans le graben.

Les fissures éruptives dans la plaine d'Holuhraun, au nord-est du volcan Bardarbunga, 05 septembre 2014
Tout au loin les fontaines de lave apparues le 31 août et les nouvelles au premier plan. A gauche une ligne sombre marque le rebord ouest du graben. Image: Þ​óra Árna­dótt­ir/mbl

Les fissures éruptives dans la plaine d'Holuhraun, au nord-est du volcan Bardarbunga, 05 septembre 2014
Les deux fissures ouverte le matin du 05 septembre. A droite de l'image, une ligne sombre marque le rebord est du graben. Image: ​Guðmund­ur/mbl


Sur le système n°1 (apparu le 31 août) l'activité de fontaines reste assez importante tout comme l'émission des coulées. Pour le moment, du fait des restrictions d'accès, il n'y a que peu d'images de l'activité mais tous les rapports indiquent qu'elle ne décline pas. 

Mais l'information intéressante de cet après-midi, qu'il faut prendre avec des pincettes, est que la conductivité électrique de la rivière Jokulsá á Fjöllum, alimentée par la fonte (naturelle, normale, habituelle) du glacier Dyngjujokull est en hausse.
Cette conductivité vient en fait de la dissolution dans l'eau d'un certain nombre de composés chargé électriquement (ions). Plus il y en a, plus l'eau conduit facilement l’électricité. Ces ions sont généralement liés au volcanisme et on peut donc avoir au moins 3 explications à ce changement dans la conductivité électrique:
- une petite activité éruptive (avec lave) ou hydrothermale (fluides chauds seuls) se produit actuellement sous le glacier.
- l'eau de fonte produite par une activité hyrdothermale ou éruptive qui aurait eu lieu en août, pendant que le dyke entamait son voyage vers le nord, et qui n'arrive à sortir que maintenant du glacier (il faut du temps à l'eau de fonte pour parcourir toute la base du glacier).
- les précipitations de ces derniers jours se sont chargés en ions en percolant à travers les coulées.

Pour le moment cette hausse de la conductivité ne semble pas accompagnée d'une hausse du débit de la rivière ce qui limite l'hypothèse d'une éruption sous-glaciaire mais il faudra attendre encore quelques heures pour avoir une certitude à ce sujet: nul doute que les spécialistes sur place vont surveiller ça de très près.
D'autant plus près qu'une dépression circulaire, repérée le 01 septembre sur le Dyngjujokull, à 6 km de son front, s'est élargie entre temps. Il semble donc que la base du glacier subisse une fusion, dont l'origine est justement à déterminer (éruption ou non).


Chaudron à la surface du glacier Dyngjujokull au nord du volcan Bardarbunga, 01 septembre 2014
La dépression circulaire (chaudron) vue par un radar le 01 septembre 2014. Image: Université d'Islande.

Chaudron à la surface du glacier Dyngjujokull au nord du volcan Bardarbunga, 05 septembre 2014
Le même chaudron vu ce matin: de nouvelles fissures circulaire l'entourent, signe de son élargissement. Image: Ruv.is

Mise à jour 06 septembre, 07h53

L'activité se poursuit sur les deux fissures ce matin, sans changement notable. Les fontaines sont toujours bien plus actives sur la fissure 1 que sur la fissure 2 et le champ de lave continue de s'étendre tranquillement vers le nord-est.

L'activité éruptive du volcan Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun, au matin du 06 septembre. Image: MILA
L'activité éruptive observée par la webcam n°1 de MILA ce matin. Image : MILA
Cette activité est facilement repérable depuis l'espace par les réseaux de satellites, qui captent sans problème à la fois l'intense signal thermique produit et le long panache qui s'en échappe.

L'activité éruptive du volcan Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun, vue par le MODIS
L'éruption vue par le MODIS hier. Image :MODIS/NASA

Pour parler de ce qui sort et fait éruption, les volcanologues ont eu les premiers résultats d'analyse de al composition de cette lave: il s'agit d'une lave classée dans la famille des basaltes (selon la classification de Le Bas et al, 1986) avec 50% de Silice (SiO2) et 2.8% d'éléments chimiques dit "alcalins" (Potassium et Sodium). Cela confirme donc la composition qui était soupçonnée lorsqu'il était encore sous terre, de par la vitesse de déplacement du dyke.

(Traduction: "C'est un basalte! Comme des parents qui attendent la naissance d'un enfant, nous avons maintenant la composition en éléments majeurs de la lave d'Holuhraun")


Sur place les interdiction d'accès aux zones éruptives restent strictement interdites: plusieurs personnes, tentant leur chance hier, ont été arrêtées alors qu'elle essayaient de traverser la plaine soit à pied soit à véhicule. Les autorités n'ont fait aucune déclaration (on ne connait pas le montant de l'amende par exemple) mais rappellent que la situation est potentiellement dangereuse avec le second site éruptif qui est proche du glacier Dyngjujokull et tend à montrer que l'activité peut se déplacer encore plus vers le sud. Auquel cas un départ de Jokulhaup ne laisserait que peu, voir aucune, chance à toute personne qui se trouverait sur sa trajectoire. Accès donc strictement interdit sauf pour les scientifiques et les médias qui peuvent avoir des autorisations spéciales.

Les survols de la zone ne semblent, par contre, pas interdits. Il y a visiblement le choix entre avion et hélicoptère mais pour cette seconde option il faut débourser entre 1000 et 2000€ le tour. Pour l'avion, ça reste généralement bien moins chère mais je n'ai pas vu passer de tarif.

Enfin, pour le plaisir des yeux, une belle vidéo de l'éruption.


Volcano at night - Iceland September 4 2014 from Jon Gustafsson on Vimeo.

Sources: Ruv.is; MILA; Twitter; Viméo

7 commentaires:

  1. Quel spectacle ce volcan, une nouvelle histoire tout les jours! Pas besoin de tv, le monde volcanique nous montre de quoi il est capable! Fabuleux! Et merci a vous pour vos explications. Après beaucoup de recherches et de lectures sur le sujet ces dernières semaines, je suis bien content de lire un peu de francais dans ce flot d'islandais et d'anglais. MERCI

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    1. Tout le plaisir est pour moi: je vous remercie. :-)
      Et le plus interessant là-dedans c'est qu'il n'est pas possible de savoir avec une "certitude raisonnable" comment ça va se terminer. Ca peut continuer comme ça, tranquillement jusqu'à la fin (jours/semaines/mois), ou démarrer sous le glacier et donner un spectacle complètement différent.

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  2. C'est vrai que c'est un sacré feuilleton : tout y est : rebondissements, suspens ;-) Et quelles images !!

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  3. La nature montre sa force à "l'homme" qui voudrait la commander...car "l'homme" ne fait que la détruire par ailleurs!
    Juste retour des choses! Sans vouloir être méchant, souhaitons que cela se poursuive et se renforce! Histoire de remettre "l'homme" à sa place...car il est grand temps!

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  4. Bonjour!

    Tout d'abord merci pour les infos régulière et ce blog plein de bonnes info. On en apprend beaucoup et ça motive toujours plus dans les études =)
    Ensuite une question. Sur la vidéo de John Gustafsson, dans le première secondes on voit une petite fontaine de lave mais celle ci n'est pas située dans un pitt cratère (comme on en voit sur les autres). Pourquoi? Est-ce qu'il n'a pas eu le temps de se former? Ou juste qu'il ne peut pas se former pour x raison?

    Bonne continuation =)

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    1. Bonjour et merci des compliments, ça fait plaisir et ça motive pour continuer à maintenir ce blog, qui demande beaucoup de travail :-)
      Pour votre question concernant la vidéo: l'activité en question est sur une partie modérément active de la fissure et ce n'est pas là que le gaz est le plus émis. La fissure libère donc une lave chaude et fluide, relativement dégazée, qui alimente le champ de lave.
      Peu dynamiques, les "fontaines" de cette partie de la vidéo sont d'une part étouffées par la lave en train de sortir et finalement il n'y a que peu de fragmentation.
      C'est là que réside la réponse à votre question. En effet, quand une fontaine est assez dynamique, les fragments projetés en l'air ont le temps de perdre quelques degrés et de partiellement se solidifier (en fait leur viscosité augmente rapidement) et lorsqu'ils retombent ils peuvent se souder à chaud, mais ne sont pas assez fluides pour se refondre les uns dans les autres en une masse unique: on peut distinguer chaque fragments individuellement, ou presque (le faciès des spatter-cones est assez caractéristique).

      Mais là, la lave est projetée en l'air, sur une hauteur très faible et donc pendant un temps très court. Elle ne se fragmente presque pas et reste donc assez liquide pour alimenter la coulée une fois retombée au sol: donc pas de spatter, juste un faible rideau de lave qui alimente la coulée.

      Je sais pas si j'ai été assez clair :-)

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  5. C'est parfaitement clair, merci beaucoup pour l'explication! =)
    Tout ces articles donnent envie d'aller voir sur place ce qu'il se passe pour prendre conscience des échelles (difficilement appréciables sur certaines photos).

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