23 août 2014

Volcan Bardarbunga (Bárðarbunga): les autorités islandaises annoncent qu'une éruption a démarré (mis à jour 24 août 14h38)

Les dernières heures ont été marquées par quelques changements au niveau de la sismicité. Celle-ci reste globalement très intense mais depuis le 19 août le dyke avait cessé de se propager vers le nord-est et stagnait sous la partie du Vatnajökull appelée Dyngjujökull. Par ailleurs la journée d'hier a été marquée par un léger déclin de la sismicité qui s'est accentuée ce matin entre 03 et 10h (heure locale) environ. La crise à toutefois recommencé avec énormément de vigueur à la fin de cette phase
un peu plus calme: l'IMO indique dans son rapport que les secousses sont tellement rapprochées dans le temps qu'il est parfois difficile de les distinguer individuellement sur les sismogrammes!
Cette nouvelle étape de la sismicité correspond avec la reprise de la progression du dyke qui se dirige cette fois plein nord, changeant ainsi légèrement sa trajectoire.

Localisation des seismes du volcan Bardarbunga, 23 août 2014
Localisation des secousses enregistrées aujourd'hui. On voit bien le changement de direction du dyke. 


Il sera intéressant d'essayer de comprendre pourquoi le dyke a stoppé sa progression plusieurs jours avant de la reprendre dans une direction différente, mais l'idée la plus probable est qu'il a rencontré, dans la croûte, un obstacle (un changement de type de roche par exemple) contre lequel le magma a buté et qu'il a finit par faire céder ce matin. En tout cas le trémor associé à cette nouvelle phase est monté à des niveaux encore jamais atteints depuis le début de cette crise.
Selon une estimation fournie par l'IMO ce dyke a parcouru, depuis qu'il s'est remise en mouvement, une distance de 5 km en 6 heures (0.23 m/seconde)! C'est pas mal du tout, mais pas aussi rapide, selon le volcanologue spécialiste de l'Islande Dave Mac Garvie, que la propagation de certains dykes pendant l'éruption du Krafla en 1975-1984, qui se déplaçaient à près de 1m/sec!



Quoi qu'il en soit cette situation a conduit une équipe de spécialistes composée de volcanologues de l'IMO, de l'Université d'Islande et de la Protection Civile à faire un nouveau survol de contrôle. L'avion a décollé à 13h00 (heure locale) et c'est environ une heure plus tard que les informations concernant le départ d'une éruption ont commencé à arriver. Pour le moment elles indiquent, pour être précis, que tout converge vers le fait qu'une éruption a démarré sous le glacier Dyngjujökull mais qu'aucune signe n'est visible en surface. Ceci indique le caractère mineur de cette éruption, qui n'arrive pas (encore) à produire de modification notable à la surface du glacier (crevasses, panache de vapeur etc).



Le groupe de spécialistes n'exclue d'ailleurs pas que l'éruption, si elle reste faible, puisse rester complètement sous-glaciaire.
Les autorités ont immédiatement pris les mesures nécessaires:
- hausse des niveaux d'alerte, dont l'aviation au rouge au cas où l'éruption commence à produire un panache
- évacuation des zones du canyon de Jökulsárgljúfur et de la zone des chutes de Dettifoss, très touristiques.


Le volcan Bardarunga en alerte rouge, 23 août 2014
Le volcan Bardarbunga est passé en alerte rouge. Image IMO

En tout cas sur l'image satellite prise ce matin à 11h40 TU par le MODIS tout semble calme.

Le volcan Bardarunga vu par le MODIS, 23 août 2014
Rien à signaler sur les images prises depuis l'espace ce matin. Image: MODIS/NASA

Je vous tiendrais bien sûr informé du développement de la situation.

ps: juste une rapide mise à jour pour relayer un excellent tweet de Gisli Olaffson qui dit avec justesse  que, puisque l'éruption se déroule dans la zone du Dyngjujökull plus que du Bardarbunga, les journalistes vont de nouveau avoir des soucis avec la prononciation ! Excellent.



ps2: le départ de l'éruption peut être confirmé, même sans signe extérieur d'activité, par le fait que le sismomètres détectent des signaux produits par la vaporisation brutale de l'eau au contact de la lave.


Mise à jour 18h40

Une carte de la zone de l'espace aérien fermé par précaution est diponible surle compte facebook de la Protection Civile Islandaise.

Limite de la zone interdite aux avions en raison du départ de l'éruption du Bardarbunga. Image: Protection Civile Islandaise
Pour le moment aucune signe d'activité n'est visible en surface: ni changement de la composition chimique des cours d'eau, ni autres signes au niveau du glacier lui-même.

Les images fournies par les webcams montrent une sorte de nuage de poussière. La comparaison entre les images de plusieurs d'entre elle permet d'exclure qu'il s'agisse de poussières produite par l'éruption: elles semblent venir du sol, probablement soulevées par le vent.

Poussières soulevées par le vent (je pense). Images: Mila et Securitas
Mise à jour 24 août, 06h14

L'activité sismique continue et reste intense avec notamment une secousse de magnitude 5.3, la plus importante depuis le début  de cette crise, à proximité du sommet du Bardarbunga, donc probablement toujours en relation avec des mouvements sous la caldera, liés à des réajustements dans la coûte suite au départ du magma sous forme d'un dyke.
Cette sismicité reste accompagnée d'une déformation importante de la croûte, signe que le magma y continue son travail.
Ces dernières heures il semble que les signes d'une activité éruptive se soient estompés, ou même qu'aucune éruption n'ait finalement eu lieu.
Erik Klemetti, géoblogger et volcanologue américain, rappelle que de nombreuses éruptions du Bardarbunga restent avec un statut "non confirmée" au Global Volcanism Program malgré la présence de signes d'activité superficielle (ouverture de fissures dans le glacier, zones affaissées etc).


Ce doute a émergé suite à l'absence, plusieurs heures après l'arrivée des signes sismiques du contact entre glace et lave, d'autres signes tangibles d'éruption: il ne semble y avoir toujours aucune variation de la composition chimique des rivières et pas non plus de signe d'activité en surface.

Erik Klemetti résume bien la journée que nous avons passé hier en un tweet:


"Peut-être que le volcan est entré en éruption, peut-être pas. On a rit, on a pleuré. Une journée excitante".

L'IMO affiche maintenant dans son bandeau d'information "Warning: Presently there are no signs of ongoing volcanic activity. The aviation color code for the Bárðarbunga volcano remains red as an imminent eruption can not be excluded."
Traduction: "Attention: Actuellement il n'y a pas de signes d'éruption volcanique en cours. Le niveau d'alerte aviation pour le Bardarbunga reste au rouge car une éruption imminente ne peut être exclue".


Reste qu'à l'heure actuelle le doute est apparu sur le fait qu'une éruption se soit déroulée, mais on ne peut pas non plus exclure qu'une petite éruption ait bien eu lieu sous le glacier, trop faible pour avoir des conséquences visibles à l'oeil nu. On ne peut pas exclure non plus que les signaux sismiques produits par la vaporisation de l'eau pourraient être interprétés comme résultant d'une activité hydrothermale intense. Celle-ci aurait pu être causée par l'arrivée du dyke et la mise en place de magma à haute température et à faible profondeur. Car souvent la vaporisation brusque des fluides qui produisent des explosions, parfois violentes, plus fréquemment faibles, sur les volcans sont due à des simples perturbations de leur système hydrothermale. Le Poàs (Costa Rica)  nous en a donné toute une série de très beaux exemples cette année.

Affaire à suivre!

Mise à jour 24 août 14h38

L'IMO à abaissé le niveau d'alerte aviation d'un cran et l'a repassé à l'orange. Le dernier rapport de la protection civile Islandaise indiquant en effet que, bien que l'activité sismique reste très intense, avec plus de 700 secousses depuis minuit, donc deux de magnitude supérieure à 5 (ça n'était plus arrivée depuis l'éruption du Grimsvötn en 1996) et une supérieure à 4. Ils confirment par ailleurs que les spécialistes sont arrivés à la conclusion qu'aucune éruption ne s'est finalement produite hier mais que le dyke a seulement continué de se propager. Sa longueur atteint maintenant 30 km et son extrémité la plus au nord (septentrionale) arrive maintenant en bordure du glacier Vatnajökull.

Localisation de toutes les secousses sismiques enregistrées entre 00h00 et 12h07 heure locale. On voit que le bout du dyke commence à sortir du glacier. Le bord de ce dernier est marqué d'un trait noir plus épais que les courbes de niveau. La magnitude des secousses est marquée par la taille des cercles, leur profondeur par leur couleur. On voit bien les deux secousses de magnitude supérieur à 5, à gauche.


De fait s'il poursuit sa progression :
- il va peut-être devenir possible de voir se former une fissuration en surface. C'est une éventualité et je suis à peu près sûr que c'est l'un des points que tenterons de voir les volcanologues lorsqu'ils pourront refaire un survol ou un déplacement au sol sur la zone (la météo n'est pas bonne aujourd'hui).


- une éruption pourrait démarrer hors du glacier et, dans ce cas, exit l'activité phréatomagmatique et le panache de cendres associé, bonjour les fontaines de lave et les coulées (si le magma en train de s'intruder dans la croûte est assez fluide pour ça...si c'est un magma visqueux ça sera une activité explosive, avec panache de cendres, mais c'est le scénario le moins probable).

Encore faudrait-il que le magma trouve un moyen de partir vers le haut. Je serais assez curieux de voir comment va se comporter le dyke une fois qu'il sera totalement sortit de l'aplomb du glacier. En effet, une telle épaisseur de glace, de part son poids, influence les contraintes qui s’exercent dans la croûte et, de ce fait, joue un rôle non négligeable dans la manière dont le dyke se propage. En effet le magma ne peut ouvrir sa voie (sous forme de dyke) que dans la direction où les contraintes sont les plus faibles, et la roche la plus fragile et susceptible de rompre.
Mais que se passera-t-il en dehors du glacier? Est-ce que cela va favoriser l'émergence du dyke en surface ou au contraire le désavantager? Ou bien ne rien faire du tout?
Le mystère reste entier, et le suspens, insoutenable!


Sources: IMO; Protection Civile Islandaise, Twitter, Gisli Olafsso, Mila et Securitas

7 commentaires:

  1. Un énorme merçi pour tout ces précieux renseignement que vous nous faite parvenir. nous vous encourageons fortement à poursuivre ce travail qui est très instructif. Merçi.

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  2. Oui merci pour ce travail qui nous éclair jour après jour! Merci beaucoup!

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  3. Bonjour
    Je pars en Islande le 31 aout et si le volcan est toujours actif , je pourrais voir q/q chose de pas ordinaire (appareil photo et vidéo fin prêt)
    Bravo pour votre site que je consulte régulièrement
    Michel Jeannet

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  4. Merci tous les 3 pour vos encouragements :-) Michel: je ne peux que vous souhaiter que l'éruption ne devienne pas trop explosive et que votre vol ne soit pas annulé d'ici à la fin de semaine prochaine!-)
    On croise les doigts.

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  5. Bonjour C.V.
    Sur le post du 19/08 je crois, vous parliez justement de la pression , mais de la croûte et de la pression exercé par celle-ci.Je n'ai pas oser vous poser la question, si par hasard l'épaisseur de la glace pouvait jouer un rôle dans le maintien de la pression et éviter temporairement l'extrusion du gaz et,ou du magma.(Comme un sparadrap) Le temps que le dyke puisse trouver une sortie dans un endroit moins compressé.Je constate que c'est ce qui est arrivé Je pense que la réponse vas nous être fournis dans 3 ou 4 jours, ou bien il va se disperser et perdre de la puissance et donc de la pression Comme vous l'avez bien expliqué plus haut.(A moins que!!!)
    Je suis sûre que nous sommes beaucoup à être sur des charbons ardents et à attendre vos nouveaux post

    Merci a vous comme d'habitude

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  6. Bonjour dom67. Question intéressante: d'après un papier de H.Tuffen et J.Owen paru en 2010 il semble que le poids du glacier jour un rôle dans le dégazage du magma et le bloque en effet. Mieux: les auteurs ont tenté de retrouver, grâce à l'analyse d'échantillons de gaz piégés prélevés dans les roches de différents anciens volcans sous-glaciaires, l'épaisseur de glace qui recouvrait les volcans étudiés au moment de leur éruption. Un sacré boulot.

    Par contre le fait que l'exsolution (et non l'extrusion :-) ) des gaz puisse être "retardé" par la présence d'un glacier n'est pas forcément un élément bloquant de l'éruption. Si la pression, que le magma riche en gaz (même si celui-ci est dissout) fait peser sur les parois des roches qu'il traverse, est trop importante il fracturera tout, jusqu'à sortir. Le poids du glacier va en fait plutôt agir comme pour les éruptions sous marine profondes: le gaz ne peut pas former des bulles donc l'éruption reste plutôt effusive (pas de fragmentation explosive du magma). D'ailleurs on trouve sous les glacier des pillows-lava et des hyaloclastites, types de roches qu'on trouve en milieu sous-marin aussi.

    Mais la question ne se pose plus pour le moment pour Bardarbunga puisque le dyke n'est plus à l'aplomb du glacier désormais. Si ça sort, c'est à l'air libre.

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  7. Bonjour C.V.
    Merci pour la précision . Je crois que je pourrais bavarder et poser des questions pendant toute la journée sans me lasser.C"est super.

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