L'activité sismique reste intense et essentiellement concentrée sur une bande longue de 15 km qui se trouve toujours, dans sa partie sud, sous le glacier Dynjujökull et dans sa partie nord au niveau de la micro-éruption du 29 août. Cette sismicité ne s'est plus vraiment déplacée vers le nord depuis le 25: le dyke n'a donc toujours pas repris sa progression depuis cette date.
Par contre une nouvelle activité éruptive semble avoir débuté ce matin exactement au même endroit. C'est ce qu'indique une article du journal Islandais Visir qui montre par ailleurs une capture d'écran de la webcam installée par la société Mila. Cette capture a été faite à 05h49 (heure locale) mais le départ
de l'éruption ne semble pas avoir été observé. Le niveau d'alerte aviation est donc logiquement repassé au rouge.Incandescence et dégazage sur la fissure éruptive ce matin. Image: Visir |
Concernant l'éruption du 29 août les résultats des prélèvements de lave effectués le jour même ont été révélés dans un rapport spécial mais ne sont pas très clairs. Deux conclusions émises par les volcanologues se dégagent toutefois suite à ces analyses préliminaires (la précision est importante):
1 - le magma émis, de par son taux élevé en oxyde d'Aluminium (Al2O3, plus de 7% en poids) est considéré comme plutôt "primitif", c'est-à-dire comme ayant stagné peu de temps dans la croûte ou, autrement dit, qu'il arrive plus ou moins directement d'une source profonde. Cela penche donc plutôt pour l'idée que c'est bien le dyke tout frais venu du système volcanique du Bardarbunga. Sauf que...
2- la composition chimique globale de l'échantillon*, comparée à la composition moyenne des laves émises par le Bardarbunga (moyenne faite à partir de 95 échantillons) et de l'Askja ne permet pas de dire à coup sûr si cette lave provient de l'un ou de l'autre de ces volcans. Certes le Bardarunga est à l'origine du dyke dont nous suivons tous la progression quotidienne depuis maintenant 15 jours. Mais comme le système volcanique de l'Askja a aussi réagit à cette intrusion, une émission accidentelle de lave de sa part ne peut pas être complètement exclue sur la base de cette analyse préliminaire. Normalement des analyses plus poussées permettront de lever le doute.
Bref: des résultats d'analyse en forme de coup de théâtre car, pour ma part, j'étais persuadé que cela amènerais des éclaircissements sur cet événement un peu particulier et ce n'est pas (encore) le cas.
Pour revenir sur la seule sismicité: une part d'entre elle, bien moins importante en nombre de séismes, continue de se dérouler au niveau de la caldera du Bardarbunga.
Cette seconde zone sismique est très différente de l'essaim principal: les secousses y sont bien moins nombreuses mais d'une magnitude plus importante. Les hypocentres sont tous regroupés entre la surface et 10 km de profondeur (1 secousse vers 12 km le 27 août). Les volcanologues pensent que leur origine est, comme je l'avais déjà indiqué dans un précédent post, plutôt à rechercher dans le fait que les failles qui bordent la caldera sont déstabilisées par le départ du magma dans le dyke. Un peu comme si le volcan se dégonflait et que ça fasse rebouger les failles qui se trouvent là.
Cependant cette sismicité, quotidienne, est à l'origine de l'apparition d'un 4è scénario éruptif possible, basé sur des précédents en Islande: une éruption explosive au niveau même du sommet du Bardarbunga, donc loin du dyke.
Comme précédent, je recite l'éruption de l'Askja en 1875, qui s'était en effet déroulée en plusieurs étapes distinctes:
1- dégazage au niveau du glacier Dyngjujökull (le mêm glacier sous lequel se déroule une partie de la sismicité liée au dyke) accompagée d'une forte sismicité...à plus de 90 km au nord!! Pour fair simple: dégazage à l'extrêmité sud de l'Askja et sismicité à l'extrêmité nord. "Simple" n'est pas tout à fait le bon qualitificatif pour les volcans Islandais....
2- une première éruption près de l'Askja en janvier, suivie d'une seconde, fissurale (coulées + fontaine de lave) au nord de l'Askja en février, puis d'une troisième encore un peu plus au nord en mars. Pendant l’éruption du mois de février, au moins 4 personnes ont pu observer que la zone occupée par l'actuel lac Öskjuvatn (qui n'existait pas à l'époque) commençait à s'affaisser de manière importante (comme un dégonflement du sol).
3- fin mars, juste après la fin de la dernière éruption fissurale, une importante éruption plinnienne se déroule au niveau de la zone précédemment affaissée. Les cendres retombent jusqu'en Scandinavie. Suite à cet événement la caldera formée se rempli et forme le lac Öskjuvatn qui n'a achevé sa formation qu'en 1910.
Le lac Öskjuvatn formé suite à l'éruption plinenne de l'Askja en 1875. |
4- d'autres éruptions fissurales se déroulent à la suite de la phase plinienne, en avril, août et octobre 1875, 40 km au nord de l'Askja, dans le même secteur que celles de février et mars de la même année.
La phase plinienne a été expliquée comme étant le résultat de la mise en contact de deux magmas très différents: le basalte, qui alimentait les éruption fissurales, et une poche de Rhyolite, magma plus cristallisé et hautement visqueux. La haute concentration en gaz de ce type de magma rend ses éruptions particulièrement explosives. La mise en contact serait plus ou moins la conséquence de l'affaissement du au drainage du magma vers les dykes.
Une situation qui, au premier abord, ressemble à ce qui se passe maintenant.
Mais attention: personne ne dit que c'est ce qui va se produire! Simplement le scénario est envisageable, raison pour laquelle les volcanologues sont obligés de le faire connaitre.
Dans ce scénario, considéré comme le moins probable pour le moment, l'activité sous-glaciaire produirait des Jokulhaps qui, vu la position de la caldera et des ravines qui entourent le volcan, peuvent apparaitre dans plusieurs directions (Jökulsá á Fjöllum, Skjálfandafljót, Kaldakvísl, Skaftá, Grímsvötn).
Par ailleurs s'il se trouvait qu'une poche de magma visqueux soit stockée sous le Bardarbunga, une phase violemment explosive (avec panache de cendres) n'est pas à exclure.
Quoi qu'il en soit, pour le moment l'activité sismique n'est accompagnée que d'une première émission mineure de lave, et d'une seconde débutée ce matin et dont nous allons voir comment elle évolue.
Mise à jour 11h16
J'ai complètement oublié d'indiquer que les volcanologues ont finalement conclu qu'une éruption avait bien eu lieu le 23 août dernier. Elle aurait été 10 fois plus importante que celle du 29 août, bien que je n'ai pas réussit à trouver sur quels critères était faite la comparaison:
- énergie (thermique, sismique etc.) libérée 10 fois plus importante?
- 10 fois plus de lave émise ?
Mais peu importe: les chaudrons observés dans la glace ont du coup trouvé leur origine.
Concernant l'éruption en cours, l'IMO a publié un court communiqué qui indique que la fissure active depuis ce matin est plus longue que celle du 29 août. Elle s'étend un plus loin à la fois au nord et sud et fait environ 1500 m de long. L’éruption est très calme avec une succession de toutes petites fontaines de lave et les coulée semblent aller plutôt vers l'est.
Les volcanologues étaient sur place pour installer du matériel supplémentaire lorsque l'éruption a débuté mais ils ont du quitter la zone en raison de l'approche d'un important front de mauvais temps (vent fort, pluie abondantes). Actuellement les webcams sont d’ailleurs complètement bouchées par les nuages). Par contre ils ont pu faire quelques photos et un petit film (tout en bas de l'article) avant de partir.
La fissure éruptive vue ce matin depuis le sol. Image: Thorsteinn Jonsson/Université d'Islande |
Mise à jour 12h30
Juste quelques images supplémentaires de l'éruption, faites par les volcanologues sur place, sur ce lien.
Le front des coulées les plus éloignées et, d'après la protection civile, déjà à environ 3 km de la fissure.
Mise à jour 17h17
L'activité, qui semble avoir démarré peu après 04h00 du matin (heure locale) d'après l'IMO, se poursuit mais l'activité ne se produit plus actuellement que sur la partie sud de la fissure. Les coulées fluides (type pahoehoe, similaires à celles qui sont produite à Hawaï) ont progressé de plus de 3 km en direction de l'est nord-est,sur une largeur de 1000m environ. Les fontaines de lave s'élèvent, au plus, à une hauteur de 60 m ce qui reste modeste. Le débit est de l'ordre de 1000 m3 de lave par seconde et est décrite comme étant au moins 50 fois plus importante que celle du 29 (mais je ne sais toujours pas quel(s) critère a (ont) été comparés(s)).
La partie sud de la fissure et ses fontaines de lave, vue vers 15hh (heure locale)par la webcam installée par MILA. Image: MILA |
Le niveau d'alerte aviation a été abaissé à l'orange, l'activité ne présentant pas pour le moment de risque particulier pour l'aéronautique. Cependant une zone interdite de survol reste en vigueur, au moins jusqu'à 2000 m d'altitude, et s'étend jusqu'au nord de l'Askja.
La zone interdite de survol. Image: Protection Civile Islandaise. |
Mise à jour 01 septembre (08h13)
L'activité s'est poursuivie tout au long de la nuit sans connaitre de variation notable dans son intensité.
Actuellement les fontaines sont toujours bien alimentées et stables par rapport à hier. Le champ de lave (coulées) a simplement poursuivit son extension.
Les fontaines de lave sur la fissure et le champ de coulées qui s'étend à son pied ce matin. Image: Mila |
Les volcanologues estiment possible, sur la base d'éruption précédentes en Islande, que l'éruption qui se prolonger durant plusieurs semaines-mois et même années. Ces dernières 24 heures les volcanologues citent l'éruption dite des "Feux de Krafla" (1975-1984) comme un exemple de ce que pourrait être la suite de cette éruption.
En résumé, les Feux de Krafla (Krafla un système volcanique situé plus au nord-est que celui du Bardarbunga) consiste en une vaste phase d'écartement de plaque qui conduit à la mise en place de dykes par injection de magma. D'importantes crises sismiques se produisent sous l'effet de l'injection des dykes (une vingtaine en tout) mais ceux-ci ne parviennent à la surface que de temps à autres, donnant en fait une succession de 7 éruptions fissurales entre décembre 1975 et septembre 1984, avec (il faut le noter) une interruption complète d'activité éruptive entre novembre 1981 et septembre 1984.
Mise à jour, 22h42
La journée s'est déroulée tranquillement sans grands changements au niveau de la fissures ce n'est que le débit a diminué. Actuellement seule la partie nord de la fissure est encore active et le débit des coulées a beaucoup faiblit: sur les 1500 m de la fissure, seuls environ 600 sontencore le siège d'une activité continue. Déjà hier soir le débit était descendu à une valeur estimée par les scientifique à entre 300 et 500 mètres-cubes/seconde, contre 1000 en début d'éruption mais il est maintenant estimé à seulement 100 m3/secondes par l'Université d'Islande.
Les scientifiques sur place, voyant l'activité lentement décliner, n'excluent pas qu'elle puisse s'arrêter dans un délai de quelques jours.
Scientists near #Holuhraun say #eruption activity is much less today and that it most likely will stop during next few days #Bardarbunga
— Gisli Olafsson (@gislio) 1 Septembre 2014
Ils ont produit une carte des coulées, résultat de la libération, ce soir, d'un volume estimé à 20 ou 30 millions de mètres-cubes de lave qui a recouvert une surface un peu supérieure à 4 km².
Carte des coulées en date du 01 septembre 2014. Image: Université d'Islande |
L'une des particularités de cette éruption est le taux vraiment élevé de dioxyde de Soufre, estimé à 20 000 tonnes par jours grâce à des sondes mises en place par les volcanologues pour l'occasion. Ces mêmes volcanologues ont d'ailleurs reçu pour recommandation de porter des masques à gaz car une telle concentration est très dangereuse pour la santé.
Considerable amounts of SO2 gas being observed near #Holuhraun #eruption and in gas clouds from there - danger for those up close
— Gisli Olafsson (@gislio) 1 Septembre 2014
La sismicité, bien qu'un peu plus faible depuis le départ de l'éruption reste toutefois intense et toujours localisée sur les 110 derniers kilomètres du dyke.
L'un des lecteurs de ce blog s'est, en commentaire, étonné à juste titre du peu de réactions qu'il peut y avoir sur la toile concernant la crise sismique qui a débuté aujourd’hui au nord-est de l'Askja, dans la zone d'un massif nommé Herdubreid. Pour le moment les volcanologues n'ont visiblement rien de concret qui leur permettrait de faire un lien clair avec l'activité du dyke qui s'est mis en place et fait actuellement éruption, en particulier parce que toute sismicité au niveau même du volcan central de l'Askja (là où se trouve le lac Öskjuvatn décrit plus haut) a quasiment cessé.
Bien sûr, rien ne peut être formellement exclu, mais rien n'abonde non plus dans le sens d'un éventuel lien. Par contre la sismicité au niveau de la caldera sommitale du Bardabrunga, elle, se poursuit ce qui indique que le volcan central continue de réagir au départ de ce dyke.
L'un des lecteurs de ce blog s'est, en commentaire, étonné à juste titre du peu de réactions qu'il peut y avoir sur la toile concernant la crise sismique qui a débuté aujourd’hui au nord-est de l'Askja, dans la zone d'un massif nommé Herdubreid. Pour le moment les volcanologues n'ont visiblement rien de concret qui leur permettrait de faire un lien clair avec l'activité du dyke qui s'est mis en place et fait actuellement éruption, en particulier parce que toute sismicité au niveau même du volcan central de l'Askja (là où se trouve le lac Öskjuvatn décrit plus haut) a quasiment cessé.
Bien sûr, rien ne peut être formellement exclu, mais rien n'abonde non plus dans le sens d'un éventuel lien. Par contre la sismicité au niveau de la caldera sommitale du Bardabrunga, elle, se poursuit ce qui indique que le volcan central continue de réagir au départ de ce dyke.
Localisation de la sismicité enregistrée le 01 septembre 2014 |
Ce soir en tout cas l'activité continue d'alimenter un impressionnant panache de gaz, dont le SO2 a d'ailleurs été détecté par les satellites aujourd'hui.
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Very impressive shot from photographer Ragnar Th Sigurðsson #Bardarbunga #Holuhraun pic.twitter.com/iPaTKWUvvD
— Univ. of Iceland (@uni_iceland) 1 Septembre 2014
Sunset and lava fountains in #Holuhraun #Bardarbunga Credit: University of Iceland/Ármann Höskuldsson pic.twitter.com/PNUTBNTtud
— Univ. of Iceland (@uni_iceland) 1 Septembre 2014
River of pahoehoe lava! #Holuhraun #Bardarbunga Credit: University of Iceland/Ármann Höskuldsson pic.twitter.com/Eb3gFTkmrV
— Univ. of Iceland (@uni_iceland) 1 Septembre 2014
The lava keeps flowing in #Holuhraun Credit: Johanne Schmith pic.twitter.com/P5SeNKoB4d
— Univ. of Iceland (@uni_iceland) 1 Septembre 2014
Sources: I.M.O; Visir, thèse d'Á.R.Hjartardóttir (2008); Protection Civile Islandaise; Global Volcanism Program; Twitter; ESA; MILA; Université d'Islande
* seuls les éléments chimiques dit "majeurs" sont analysés: oxydes de Silice, d'Aluminium, de Titane, de Sodium etc. Les éléments dit "en trace" ne sont pas encore analysés car le protocole prend un peu plus de temps. C'est eux qui, normalement, devraient permettre de savoir si la source de laves du 29 août sont plutôt associées à l'Askja ou au Bardarbunga
J'ai compris la leçon !! et merci encore
RépondreSupprimerBonsoir
Pourquoi personne ne parle de la région du Herðubreiðartögl...
RépondreSupprimeril y a un foyer sismique de plus en plus important à cet endroit là...
et si ma mémoire est bonne, il y a déjà eu une "alerte" à cet endroit en mai de cette année !!!!???
A noter aussi qu'à ce moment précis (01/09 à 18:20) de nombreuses secousses sont reportées sur l'axe nor-est bien au-delà de l'Askja !
RépondreSupprimerhttp://en.vedur.is/earthquakes-and-volcanism/earthquakes/vatnajokull/
Bonjour Mr Thierriot. Personne n'en parle parce que la seule déclaration que l'IMO a faite à son sujet est qu'il n'y a pour l'instant pas de raison qu'elle soit liée à l'intrusion du dyke ou a son éruption d'une part, et que ce type de crise sismique n'est pas quelque chose de rare en Islande d'autre part.
RépondreSupprimerJe suppose qu'ils attendent de voir la situation évoluer, tout simplement :-)