12 août 2014

Grosse activité sur le volcan Bagana (mis à jour 10h29)

Le Bagana est l'un des (sinon le) volcan le plus actif de Papouasie Nouvelle-Guinée. Ce magnifique stratocône, édifié par l'accumulation de laves visqueuses de composition andésitique, est partiellement recouvert de forêts primaires et ses flancs sont assez peu peuplés.

Très régulièrement des signaux thermiques sont relevés au niveau de son sommet mais il est difficile de les attribuer avec certitude à un type d'activité en particulier. Le puissant, et permanent, dégazage qui se produit au sommet, ainsi que de fréquentes anomalies thermiques, sont des arguments en faveur de
l'hypothèse de la croissance très lente d'un dôme, avec parfois quelques phases d'effondrements mais le mieux serait évidemment d'aller voir. De temps à autre, lors de crises importantes, la lave sort avec un débit un peu plus important et d'épaisses coulées visqueuses, parfois impressionnantes, descendent lentement les flancs de l'édifice: elles sont particulièrement spectaculaires sur les images satellites.


le volcan Bagana et ses coulées visqueuses vus de l'espace, 26 mai 2012
Le dégazage du Bagana et ses coulées visqueuses récentes vu en mai 2012. Image: NASA Earth Observatory


Dans un article paru en 2011, G.Wadges et ses collaborateurs, dont Mr Komorowski de L'Institut de Physique du Globe de Paris, avaient tenté d'estimer le débit d'une coulée en cours de mise en place fin 2010 grâce à des mesures radars faite par le satellite Allemand TerraSAR-X (TSX): ils étaient arrivés à une estimation de la vitesse de progression d'environ 0.3 m3 par second, c'est vous dire que ce n'est pas la lave en train de couler qui est le plus gros risque pour les populations avoisinantes! En réalité le risque principal vient des écoulements pyroclastiques qui peuvent se produire lorsque des fragments de coulées se dérochent. C'est fondamentalement le même type de risque qu'au Sinabung, mise à part que les populations sur l'île de Bougainville ne sont pas aussi concentrées*. Les importantes chutes de cendres sont aussi une source de dégâts potentiels importants. Enfin, qui dit cendres déposées, tant par les panaches que les écoulements pyroclastiques, dit lahars (coulées de boue) surtout en zone équatoriale.


L'accès à l'édifice est particulièrement difficile, raison pour laquelle il n'y a ainsi dire pas d'observations directes, et les volcanologues du Rabaul Volcano Observatory n'ont pas les moyens d'instrumentaliser ce volcan pour en faire une surveillance continue.

Or il se trouve que depuis hier une telle instrumentalisation pourrait pourtant s’avérer utile: le VAAC de Darwin a commencé hier à transmettre des bulletins concernant la présence de cendres dans les environs du volcan. Il n'est pas rare que de tels bulletins soient émis et, la majorité du temps, les cendres en questions sont en très faible quantité et se dispersent vite. Elles sont même généralement tellement faibles que les images satellites montrent surtout des panaches de gaz. C'est la raison pour laquelle il est soupçonné que de telles émissions de cendres sont le résultats d'effondrements d'ampleur faible à modérée du dôme en croissance.
Mais cette fois ce n'est pas le cas, car le VAAC de Darwin a élevé le niveau d'alerte aviation au rouge suite à l'observation, par un pilote d'avion, d'un panache qui atteint une altitude de 7500 m environ. Ce matin les images satellites montrent ces émissions de cendres abondantes ce qui permet d'envisager que le volcan est entré dans une phase éruptive plus intense. Celle-ci reste malgré tout difficile à décrire avec précision: n'oublions pas que les données satellites ne sont pas aussi directes que l'observation de terrain. Cependant elles permettent de constater l'ampleur du phénomène et de raisonner sur son origine.

Panache de cendres sur le volcan Bagana, 12 août 2014
Le panache de cendres vu à travers les capteurs de deux satellites différents ce matin. Images: MODIS-NASA et MTSAT-Université de Tokyo.
Ce matin les cendres s'étirent sur une distance d'environ 150 km. Difficile de dire à quelle heure le phénomène a débuté mais c'était soit cette nuit, soit ce matin car il était absent des images prises hier soir. Il s'agit donc d'un événement d'une ampleur assez importante, mais il reste à savoir quelle est la source de ces cendres.

Les données du MODIS, traitées par l'algorithme MODVOLC, montrent aussi la présence d'une anomalie thermique relativement importante hier. C'est aussi un signe qui va dans le sens d'une activité plus vigoureuse, avec vraisemblablement un regain d'activité sur le dôme


Signaux thermiques sur le volcan Bagana, 11 août 2014
Signaux thermiques sur le volcan Bagana, le 11 août 2014. Image: MODVOLC

Avec les données satellites disponibles, seules des hypothèses peuvent bien sûr être émises, avec deux principales:
- soit c'est une activité explosive qui a démarré au sommet du volcan, qu'il y ait un dôme ou non.
- soit le dôme (potentiel) est sujet à une phase d'effondrement intense, ce qui pourrait être le signe d'une hausse du débit de lave qui le produit.


Mise à jour 10h29

J'attendais que l'image prise par le second module du MODIS soit mise en ligne pour voir le volcan en entier: vous n'aurez pas manqué de constater que sur l'image plus haut il manque la moitié de la scène. C'est tout simplement parce que le champs de vision du capteur n'est pas assez grand pour couvrir exactement la surface du globe et il manque toujours des morceaux, essentiellement dans la zone intertropicale.
Bref, voilà les cendres vues par le module TERRA du MODIS.

Panache de cendres du volcan Bagana, 12 août 2014
Les cendres produites par le Bagana ces dernières heures. Image: MODIS (TERRA)/NASA
Cette image donne au moins une info que ne permettait pas d'avoir l'image partielle du module AQUA: le panache de cendres est détaché du Bagana. Et c'est une information qui a son importance car elle permet  de dire que le phénomène qui a produit ce panache n'a pas duré dans le temps, ce qui, à mes yeux, donne la préférence à une des hypothèses données plus haut, à savoir la seconde.
Car si le volcan, après des mois et des mois d'activité modeste, avait entamé une phase explosive plus importante, cela n'aurait pu être qu'en raison de l'arrivée d'un magma neuf, riche en gaz. Un tel magma a besoin de temps (heures, jours, parfois plus) pour évacuer le gaz qu'il véhicule. Cela donne naissance à des panaches longs et surtout rattachés au volcan qui les produit.

Or ici pouf!: on a juste un panache et puis c'est tout...peu compatible avec une activité explosive soutenue, signe d'un magma riche en gaz. Il semble donc plus logique de penser que le dôme a connu cette nuit ou ce matin une phase d'effondrement plus intense qu'à l'accoutumée et que là se trouve l'origine des cendres visibles sur cette image.
Maintenant je n'oublie pas que tout cela n'est qu'hypothèses, vraisemblables certes, mais des hypothèses tout de même.

Mais la vraie question ici n'est pas tant l'origine du panache que la raison pour laquelle il a été produit car il y a en gros deux situations qui pourraient conduire à un effondrement assez important:
- soit le dôme a simplement lentement accumulé trop de lave pendant des mois et est devenu trop instable. Dans ce cas cet effondrement est "passif": le dôme grandit peu et rien n'a changé en terme de débit de lave.
- soit au contraire c'est parce que quelque chose arrive en dessous que le dôme est devenu plus instable.

Mais là, sans instrumentation pour savoir comment est la sismicité, savoir si le volcan se déforme ou non etc, je ne m'amuserais pas à faire un choix: il nous faudra attendre de voir comment ça se passe dans les jours-semaines qui viennent.
Sources: MODIS/NASA; NASA Earth Observatory; MODVOLC; Université de Tokyo

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