La situation est vraiment étrange concernant ce volcan. Une alerte éruption, qui s'est avérée fausse, avait déjà été émise en avril dernier. Mais une nouvelle alerte a émergé ces derniers jours, relayée en particulier par la très sérieuse référence mondiale Global Volcanism Program (GVP).
En substance, le bulletin explique qu'une série d'anomalies thermiques (15 au total) ont été relevées par le MODVOLC sur le volcan entre les 22 juin et 01 juillet, toutes situées sur la partie nord de la
caldera qui ouvre son sommet.Les 15 anomalies thermiques repérées par le MODVOLC depuis la mi-juin. Image: MODVOLC/HIGP |
Dans le bulletin du GVP on peut lire que des lueurs incandescentes ont été observées et reliées à la présence d'un potentiel lac de lave.
On peut aussi trouver dans la presse, en l’occurrence le site french.china.org, la citation d'un article de Xinhuanet dans lequel un responsable de l'observatoire de Goma aurait, sous couvert d'anonymat (quelle démarche étrange), déclaré qu'une éruption aurait démarré dans la nuit de dimanche à lundi, 21h00 heure locale, sur le flanc nord du volcan. Il est aussi indiqué que ce même responsable aurait déclaré qu'il n'y a aucun risque car la lave coulerais vers le parc des Virunga.
En attendant d'avoir la confirmation de cette activité, un doute légitime persiste, mais c'est à suivre.
Mise à jour 23h41
Des fois il suffit de peu de temps pour avoir quelques preuves: une éruption est bien en cours su Nyamulagira, même si les détails restent à préciser.
Ce qui semble maintenant acquis c'est la présence d'un lac de lave au sommet, preuve apportée par le Nasa Earth Observatory qui a publié aujourd'hui une composition colorée produite à partir des données acquises le 30 juin par le satellite Landsat8, composition construite à partir de données thermiques entre autres. Sur cette image seul le lac est visible, il n'y a pas de traces d'une coulée sur le flanc nord.
Les deux lacs de lave voisins, Nyamulagira en haut, Nyiragongo à droite. Image: Nasa Earth Observatory |
Pas vraiment une éruption, mais plutôt un lac de lave. Il s'est formé en mars-avril 2012 mais, jusqu'à il y a quelques mois ne manifestait son existence que par des émissions de SO2 extrêmement élevées. Il se logeait probablment au fond d'un puit trop profond et trop rempli de fumée pour que sa radiation infrarouge puisse etre détectée. Je travaillais la dessus depuis quelques mois mais il semble que le volcan est passé a la vitesse supérieure... J'ai écrit un petit compte-rendu sur http://robindesvolcans.overblog.com/ (et un papier soumis a GRL)
RépondreSupprimerSalut Robin. Pour la médiation que je fais, je pars du principe que toute émission de lave, sous quelque forme que ce soit coulée/lac/dôme/cendres, est une éruption, raison de mon empois du terme ici. Je la décline ensuite en éruption explosive/effusive/mixte selon les aléas observés. Or la production d'un lac de lave n'est-elle pas au final qu'une forme d'effusion un peu particulière? Je pars aussi du principe que, pour que je puisse employer le mot éruption, la lave doit être visible, donc être arrivée en surface, soit directement, soit par des mesures indirectes. La plus importante mais pas pour autant fiable à 100%, est la présence de signaux thermique (j'ai à plusieurs reprise expliqué quels étaient les faiblesses principales de la détection satellitaire de ces rayonnements. Le SO2 est aussi important et complémentaire, même si comme toute technique indirecte, l'interprétation ne peux pas être fiable à 100% bien entendu, "par nature" je dirais.
SupprimerJ'ai en tout cas lu ton article avec beaucoup d'intérêt et je le recommande ici: la mesure du So2 pourrait donc faire remonter le départ de cette éruption effusive à 2012.
J'ose maintenant la question ouverte au spécialiste: est-il envisageable que la hausse du SO2 que tu as mesurée puisse se faire sans pour autant que le magma soit arrivé en surface, donc sans éruption (au sens où je l'emploi(? Par le biais d'un stockage relativement superficiel par exemple (la structure des volcans-boucliers permet bien ce type de stockage, en sill ou autres laccolithes, si ce vieux terme existe encore officiellement)? Après la lecture de ton post, il me semble que l'hypothèse la plus probable à l'heure actuelle concernant la date du départ de l'éruption serait avril dernier, pour deux raisons:
- c'est à partir de ce moment qu'il y a recoupement des signaux thermiques et SO2 pour la première fois depuis 2012, si j'ai bien compris ce que tu as écrit. Il serait d'ailleurs interessant de connaitre les modalités pour l'apparition des signaux thermiques: hausse du niveau du lac, ou effondrement d'un toit sill/laccolithe?
- il y a des témoignages, certes brouillons et visiblement mal interprétés sur place et donc sujets à méfiance mais qui semblent indiquer que quelque chose (peut-être la lueur du lac?) a été observée.
La concordance des deux me semble difficilement être du ressort du hasard en tout cas...
Qu'en penses-tu?
Bonne question...
RépondreSupprimerDe émissions si élevées (40 a 100 kg/s c'est 2 a 5 x plus que l'Etna) et si continues ne peuvent s'expliquer que par un conduit largement ouvert et un magma librement au contact de l'atmosphere. On n'a jamais vu aucune activité fumerollienne atteignant de telles valeurs. On sait que le Nyamuragira possédait déjà une chambre magmatique superficielle et pressurisée. Or un lac de lave n'est finalement que l'expression en surface d'une chambre magmatique. On peut imaginer un mécanisme de formation possible pour le lac. La longue et volumineuse éruption de 2011-2012 a fait baisser la pression dans la chambre et provoquer un effondrement dans le cratère Nord, qui a en quelque sorte "ouvert la fenêtre" permettant au magma de dégazer librement et de remplir le conduit créé vers la surface au gré de l'alimentation de la chambre en magma profond. On peut faire le parallèle avec la naissance du lac de lave du Halemaumau au Kilauea. En mars 2008 une explosion a ouvert un cratère-puit très profond et très étroit qui s'est mis a émettre d'énormes quantités de gaz en un panache très dense. Les premières anomalies thermiques n'ont été détectées par MODVOLC que plus d'un an plus tard, mais les volcanologues du HVO soupconnaient déjà depuis longtemps la présence d'un lac de lave au fond du puit, parce qu'ils voyaient certaines nuits de faibles lueurs d'incandescence à la base du panache. Ces leueurs ont tout a fait pu échapper à l'attention des habitants et des volcanologues de Goma, qui ne se rendent que très rarement sur le Nyamuragira (et encore moins de nuit) en raison de la présence dans la zone du volcan de factions rebelles particulièrement violentes. Il est probable que depuis avril, le niveau du lac est remonté sufisemment pour que l'incandescence soit visible des habitants et pour que les satellites commencent á capter de temps a autre des signaux thermiques.