Vous vous souvenez sûrement que le 09 mai dernier le Santiaguito, complexe de dômes*, connaissait l'une de ses phases les plus importantes depuis le départ de son éruption en 1922**. Comme je vous l'avais expliqué par la suite, ce "paroxysme" n'était pas lié à une puissante activité explosive mais à la brutale déstabilisation de toute la partie supérieure du dôme complexe*** Caliente****, qui s'était effondrée en générant des écoulements pyroclastiques qui ont atteint plus de 7 km de longueur.
Il se trouve que Julio Cornejo, un membre de l'OVSAN (Observatoire Volcanologique du Santiaguito), géré par l'INSIVUMEH, était sur l'un des chemins qui longe la rivière Nima 1 au
moment de l'événement...autant dire qu'il a vu les choses de près, et ce n'est rien de le dire, voyez vous-même (mettre le son car il est aussi important).
moment de l'événement...autant dire qu'il a vu les choses de près, et ce n'est rien de le dire, voyez vous-même (mettre le son car il est aussi important).
Regardons, et écoutons, d'un peu plus près cette vidéo.
La première chose qui surprend en la regardant c'est le contraste entre la puissance du phénomène et la quasi absence de son: les oiseaux chantent même. Pas de grondement au passe de l'écoulement, mais on entend quelques blocs qui se détachent du dôme et roulent dans la pente, quelques kilomètres en amont (37ème, 48ème seconde: un bruit sec et un peu grave).
On peut aussi noter que Julio Cornejo ne filme pas la première salve d'écoulements: quand il démarre la caméra, le fond de la ravine creusée par la rivière Nima1 est déjà rempli de dépôts, mis en place par l'écoulement principal. Les arbres qui se trouvent le plus au bord de la rivière sont aussi couverts de cendres: de fait cette vidéo permet de préciser ce qui s'est passé le 09 mai, à savoir que plusieurs écoulements se sont succédé dans le temps et qu'il n'y a pas eu qu'un écoulement majeur.
Celui de cette vidéo s'annonce dès la 19ème seconde sous la forme d'un souffle qui soulève la cendre du dépôt du ou des écoulements précédents. La progression d'un tel écoulement, tout comme d'autres masses de particules en déplacement d'ailleurs (avalanches de neige poudreuse par exemple), produit à son front une sorte de couche d'air comprimé, d'autant plus intense que le déplacement est rapide. Lors des avalanches de neige, ce même air comprimé pulvérise les chalets qui ont le malheur de se trouver sur leur trajectoire avant même que la neige ne les touche.
Ici, l'écoulement qui s'annonce est peu dynamique, et cette "onde d'air comprimé" est, en retour, très faible. Canalisée par les parois de la ravine Nima1, elle a juste assez de force pour souffler la surface des dépôts et soulever un peu de poussière.
Mais ce qui rend cette vidéo exceptionnelle à mes yeux (pour tout dire la plus incroyable que je n'ai jamais vue) c'est l'impact en direct sur la végétation.
L'écoulement en lui-même semble arriver vers la 52ème seconde: les cendres qui s'élèvent depuis le fond de la ravine changent rapidement de couleur et virent à un beige-brun clair. Quelques secondes plus tard, vers 1'00, l'arbre dressé en second plan se met à vibrer et une série de craquements sisnitres se fait entendre. La même chose se reproduit, et de manière encore plus impressionnante je trouve, à partir 1'36 avec un second arbre, qui tombe à 2'01. Un troisième arbre disparait brutalement dans les cendres à 2'40.
On assiste ici en direct à l'irrépressible pouvoir de destruction des écoulements pyroclastiques. Ces derniers sont constitués de cendres et de blocs.
On peut imaginer ici deux situations:
1- soit l'écoulement a assez d'énergie pour transporter des blocs, qui roulent entrainés par le flux
2- soit son énergie est trop faible et les blocs, lourds, on déjà sédimenté plus en amont.
Comme on ne voit pas les dépôts de l'événement filmé on ne peux pas savoir lequel des deux s'est produits donc on ne peut pas savoir exactement ce qui détruit la végétation. Sont-ce les blocs ou le seul déplacement des cendres?
Dans le cas n°1 on peut supposer que l'arbre se met à bouger par à coup parce qu'il commence à être impacté par les blocs qui roulent et tapent, les uns à la suite des autres, avec violence à la base de son tronc. Agissant comme d'immenses coups de hâche ils finissent par entamer le tronc qui cède: l'arbre tombe. Notez quand même qu'il ne tombe pas exactement comme un arbre le ferais dans un tempête: sa chute n'est pas progressive, mais instantanée, comme si son tronc avait cédé d'un coup, coupé net. C'est particulièrement visible sur le second arbre qui tombe à 2'01: on dirait qu'il se fait littéralement happer dans la masse de cendres en mouvement. Extraordinaire. Le flux de cendres exerce en effet aussi une pression sur le tronc qui, ajoutée à la seule gravité, donne cette sensation que le tronc se fait aspirer dans le flux et qu'il ne tombe pas simplement sur le côté
Dans le second cas, s'il n'y a pas de blocs, alors les à-coups que subit l'arbre avant de tomber pourraient être dûs à l'impact sur le tronc de sorte "d'ondes de cendres", des zones à la base de l'écoulement qui sont plus riches en cendres et donc plus denses. Elles agiraient là encore comme des coup de butoir, fragilisant le tronc jusqu'à ce qu'il cède. Peut-être ces mêmes "ondes de cendres" sont-elle à même d'aspirer carrément l'arbre dans le flux au moment où le tronc casse?
Julio Cornejo a mis en ligne une série de 8 vidéos, sur le compte youtube du géologue Rudiger Escobar Wolf, du Michigan Techn Institut. Celle du dessus est à mon sens la plus incroyable cependant je voudrais vous en montrer une plus courte (13 secondes) et, malheureusement moins bien filmée et floue. Cependant elle montre ce qui se passe lorsqu'un écoulement pyroclastique remplit le lit d'une rivière pérènne.
La première chose qui surprend en la regardant c'est le contraste entre la puissance du phénomène et la quasi absence de son: les oiseaux chantent même. Pas de grondement au passe de l'écoulement, mais on entend quelques blocs qui se détachent du dôme et roulent dans la pente, quelques kilomètres en amont (37ème, 48ème seconde: un bruit sec et un peu grave).
On peut aussi noter que Julio Cornejo ne filme pas la première salve d'écoulements: quand il démarre la caméra, le fond de la ravine creusée par la rivière Nima1 est déjà rempli de dépôts, mis en place par l'écoulement principal. Les arbres qui se trouvent le plus au bord de la rivière sont aussi couverts de cendres: de fait cette vidéo permet de préciser ce qui s'est passé le 09 mai, à savoir que plusieurs écoulements se sont succédé dans le temps et qu'il n'y a pas eu qu'un écoulement majeur.
Celui de cette vidéo s'annonce dès la 19ème seconde sous la forme d'un souffle qui soulève la cendre du dépôt du ou des écoulements précédents. La progression d'un tel écoulement, tout comme d'autres masses de particules en déplacement d'ailleurs (avalanches de neige poudreuse par exemple), produit à son front une sorte de couche d'air comprimé, d'autant plus intense que le déplacement est rapide. Lors des avalanches de neige, ce même air comprimé pulvérise les chalets qui ont le malheur de se trouver sur leur trajectoire avant même que la neige ne les touche.
Ici, l'écoulement qui s'annonce est peu dynamique, et cette "onde d'air comprimé" est, en retour, très faible. Canalisée par les parois de la ravine Nima1, elle a juste assez de force pour souffler la surface des dépôts et soulever un peu de poussière.
Mais ce qui rend cette vidéo exceptionnelle à mes yeux (pour tout dire la plus incroyable que je n'ai jamais vue) c'est l'impact en direct sur la végétation.
L'écoulement en lui-même semble arriver vers la 52ème seconde: les cendres qui s'élèvent depuis le fond de la ravine changent rapidement de couleur et virent à un beige-brun clair. Quelques secondes plus tard, vers 1'00, l'arbre dressé en second plan se met à vibrer et une série de craquements sisnitres se fait entendre. La même chose se reproduit, et de manière encore plus impressionnante je trouve, à partir 1'36 avec un second arbre, qui tombe à 2'01. Un troisième arbre disparait brutalement dans les cendres à 2'40.
On assiste ici en direct à l'irrépressible pouvoir de destruction des écoulements pyroclastiques. Ces derniers sont constitués de cendres et de blocs.
On peut imaginer ici deux situations:
1- soit l'écoulement a assez d'énergie pour transporter des blocs, qui roulent entrainés par le flux
2- soit son énergie est trop faible et les blocs, lourds, on déjà sédimenté plus en amont.
Comme on ne voit pas les dépôts de l'événement filmé on ne peux pas savoir lequel des deux s'est produits donc on ne peut pas savoir exactement ce qui détruit la végétation. Sont-ce les blocs ou le seul déplacement des cendres?
Dans le cas n°1 on peut supposer que l'arbre se met à bouger par à coup parce qu'il commence à être impacté par les blocs qui roulent et tapent, les uns à la suite des autres, avec violence à la base de son tronc. Agissant comme d'immenses coups de hâche ils finissent par entamer le tronc qui cède: l'arbre tombe. Notez quand même qu'il ne tombe pas exactement comme un arbre le ferais dans un tempête: sa chute n'est pas progressive, mais instantanée, comme si son tronc avait cédé d'un coup, coupé net. C'est particulièrement visible sur le second arbre qui tombe à 2'01: on dirait qu'il se fait littéralement happer dans la masse de cendres en mouvement. Extraordinaire. Le flux de cendres exerce en effet aussi une pression sur le tronc qui, ajoutée à la seule gravité, donne cette sensation que le tronc se fait aspirer dans le flux et qu'il ne tombe pas simplement sur le côté
Dans le second cas, s'il n'y a pas de blocs, alors les à-coups que subit l'arbre avant de tomber pourraient être dûs à l'impact sur le tronc de sorte "d'ondes de cendres", des zones à la base de l'écoulement qui sont plus riches en cendres et donc plus denses. Elles agiraient là encore comme des coup de butoir, fragilisant le tronc jusqu'à ce qu'il cède. Peut-être ces mêmes "ondes de cendres" sont-elle à même d'aspirer carrément l'arbre dans le flux au moment où le tronc casse?
Julio Cornejo a mis en ligne une série de 8 vidéos, sur le compte youtube du géologue Rudiger Escobar Wolf, du Michigan Techn Institut. Celle du dessus est à mon sens la plus incroyable cependant je voudrais vous en montrer une plus courte (13 secondes) et, malheureusement moins bien filmée et floue. Cependant elle montre ce qui se passe lorsqu'un écoulement pyroclastique remplit le lit d'une rivière pérènne.
A partir de la 10ème seconde du film le caméraman a capturé un bouillonnement qui agite la surface du dépôt, très similaire aux mammites de boue que l'on trouve au niveau des zones hydrothermales (Islande par exemple). La boue est ici essentiellement constituée de cendres très fines, déposées par les écoulements. Elle se mélange à l'eau de la rivière coincée sous le dépôt à très haute température et qui, donc, s'évapore avec vigueur. Les bulles de vapeur passent à travers le dépôt et viennent claquer à sa surface: la vapeur à peine libérée se condense en fines gouttelettes d'eau liquide (mais chaude) qui forment le panache blanc. Il s'agit donc là d'une activité phréatique secondaire à la mise en place du dépôts de cendres.
Source: compte Youtube de Rudiger Escobar Wolf
*: j'ai plutôt tendance à le considérer maintenant comme un petit stratovolcan
** car en effet l'activité en cours n'a jamais vraiment cessé depuis plus de 80 ans
*** "dôme complexe" et "complexe de dôme" sont deux choses différentes. Le premier est un dôme qui a connu de nombreuses phases, certaines explosives (ouverture de cratères, effondrement de flancs etc) d'autres extrusive (comblement des cratères, mise en place de coulées visqueuses etc). Un autre exemple est celui du Shiveluch. La seconde expression signifie simplement qu'il y plusieurs dômes qui se sont construits les uns à côté des autres avec le temps.
****: le nom du dôme complexe actuellement actif est "Caliente" terme Espagnol qui signifie "chaud". C'est le premier des dômes du Santiaguito à s'être formé en 1922. Ensuite l'activité a construit d'autres dômes à côté de lui, mais cette dernière est revenue sur le Caliente dans les années 70.
*** "dôme complexe" et "complexe de dôme" sont deux choses différentes. Le premier est un dôme qui a connu de nombreuses phases, certaines explosives (ouverture de cratères, effondrement de flancs etc) d'autres extrusive (comblement des cratères, mise en place de coulées visqueuses etc). Un autre exemple est celui du Shiveluch. La seconde expression signifie simplement qu'il y plusieurs dômes qui se sont construits les uns à côté des autres avec le temps.
****: le nom du dôme complexe actuellement actif est "Caliente" terme Espagnol qui signifie "chaud". C'est le premier des dômes du Santiaguito à s'être formé en 1922. Ensuite l'activité a construit d'autres dômes à côté de lui, mais cette dernière est revenue sur le Caliente dans les années 70.
Superbe ! mais le risque est bien là
RépondreSupprimerQue du bonheur votre site.
Bonsoir et merci de votre enthousiasme! :-)
SupprimerDeux vidéos exceptionnelles! Merci pour ces superbes commentaires!
RépondreSupprimerMerci beaucoup. J'ai aussi pris énormément de plaisir à décrypter ces vidéos incroyables! (j'en ai profité pour corriger quelques fautes aussi :-) )
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