4 mai 2014

Les actus de la semaine: volcans Ahyi, Kilauea,Chaîne des Puys, Askja

Ahyi, Archipel des Mariannes, -137m

Mise à part quelques détails précisés dans le bulletin hebdomadaire du Global Volcanism Program, rien ne permet pour le moment d'avoir plus de précisions sur ce qui se passe dans les eaux du Pacifique qui bordent les îles de l'archipel des Mariannes.
Les images satellites prises hier et aujourd'hui ont permis de noter qu'il n'y a en tout cas rien de suspect à la surface, ce qui ne veut pas dire qu'il ne se passe (plus) rien. En milieu marin profond, une éruption d'ampleur modeste à forte peut rester invisible, ses gaz se dissolvant dans l'eau avant d'arriver à la surface, tout comme les particules, qui peuvent resédimenter sur le plancher océanique sans avoir vu la lumière du jour. Seule une éruption très violente, de type Tangaroaïenne (Rotella et al, 2013), peut en effet avoir des répercussion en surface, en particulier via les immenses radeaux de ponce, qui sont susceptible d'avoir un impacte économique, via les problèmes engendrés sur les bateaux (hélices, coque etc) et sur les routes de transport maritime.

Images satellites de la zone du volcan Ahyi, les 03 et 04 mai 2014
Les deux seules images satellite par temps clair de cette semaine ne montrent rien de particulier à la surface, ce qui suggère que l'éruption se déroule à grande profondeur. Images: MODIS/NASA
 
La présence de signaux sismiques et acoustiques, tout comme les ondes de chocs ressenties par des
plongeurs de la NOAA en cours d'études sur des récifs de l'île Farallon de Pajaros, indiquent une activité éruptive, et l'absence de toute trace d'une telle activité peut simplement résulter d'une éruption à très grande profondeur. Il faut rappeler que, dans le cas de l'Ahyi, puisqu'il est soupçonné d'être la source des signaux, la précédente éruption s'était produite plutôt vers sa base, elle-même déjà entre 2000 et 3000m de fond: déjà à ce moment là l'éruption, qui n'avait duré que quelques heures, n'avait rien laissé transparaitre à la surface tandis que la précédente (repérée) en 1979, avait été accompagnée d'une vaste zone d'eau colorée et de radeaux de particules soufrées: elle était sommitale, et ne s'était donc produite que vers 140 m de profondeur.
En tout cas un bulletin de l'USGS publié le 02 mai indiquait qu'au niveau sismique, rien n'avait changé au cours de la semaine: à cette date l'éruption était toujours en cours.

Sources: U.S.G.S; MODIS/NASA

Kilauea, Etats-Unis, 1222m

L'activite reste fondamentalement la même avec deux zones actives:
- le sommet (Halema'uma'u) et son lac de lave dont le niveau n'a pas vraiment baissé depuis le 21 avril dernier.
- la Rift-Zone Est où l'activité et concentrée sur le Pu'u O'o et les coulées qui s'en échappent.

La hausse du débit éruptif dont je vous parlais le 23 avril dernier, qui s'est manifestée à la fois par l'élévation du niveau du lac de lave et par la mise en place de nouvelles coulées au Pu'u O'o se maintient. Si rien de particulier n'est venu perturber le lac de lave, sinon quelques jolies phases de "bubbling" (arrivée et éclatement de bulles en cascade), au Pu'u O'o ce sont de nouvelles coulées qui ont pu être observées. Ainsi, dans la nuit du 02 au 03 mai, la webcam panoramique installée sur le rebord nord du cratère du Pu'u O'o  a pu enregistrer une jolie phase de débordement de lave depuis un spatter-cone situé sur la partie sud du plancher.


Nouvelles coulées de lave au volcan Kilauea, 03 mai 2014
Nouvelle coulée de lave sur le plancher du Pu'u O'o, au Kilauea, dans la nuit du 02 au 03 amis 2014. Image: HVO/USGS

Cette phase entamée le 23 avril a permis a plusieurs coulées de déborder du Pu'u O'o en particulier sur les versant sud et nord. Cette dernière a, explique l'H.V.O., recouvert des dépôts datant des années 80, mis en place lors des phase de fontaine de lave qui ont donné naissance au Pu'u O'o.

Coulées de lave sur le volcan Kilauea, 28 avril 2014
La coulée du flanc sud du Pu'u O'o, le 28 avril 2014. Image: H.V.O/U.S.G.S.

Coulées de lave sur le volcan Kilauea, 28 avril 2014
La coulée du flanc nord du Pu'u O'o, le 28 avril 2014. Image: H.V.O/U.S.G.S.

Quand à la coulée Kahauale'a 2, il semble qu'elle soit toujours alimentée et continue de tranquillement grignoter des arbres de la Fern Forest, au nord-nord-est du Pu'u O'o.

Source: H.V.O./U.S.G.S.

Chaîne des Puys, France, 1465 m

A quelques semaines de l'éventuel classement du couple Chaîne des Puys-Faille de Limagne, une douche froide a été donnée aux porteurs du projet par l'UICN, Union Internationale pour la Conservation de la Nature, ONG dépendante de l'ONU.
Dans son rapport remis au cours de la semaine, l'UICN rend en effet un avis défavorable pour le classement au Patrimoine Mondial, se basant sur des arguments qui concernent les axes forts du dossiers.
Les rapporteurs notent en effet plusieurs points, dont je vous transmet quelques exemples ci-dessous :

- concernant la valeurs géologique-paysagère-scientifique du bien, les rapporteurs estiment qu'il n'a rien d'exceptionnel, eu égard à d'autres biens déjà classés au patrimoine mondial (ils citent le cas du Pinacate, classé l'an dernier par exemple). Ainsi les rapporteurs considèrent que: "la plupart des 80 cônes sont dissimulés par la forêt et/ou impossibles à distinguer d’autres paysages pastoraux de collines ondoyantes." Ils estiment en outre qu': "il est difficile d’apprécier les autres attributs géologiques du paysage sans l’interprétation d’un spécialiste".  On peut comprendre ce dernier point cependant je suis prêt à parier que même dans une zone volcanique  désertique, la lecture du paysage pour une personne non géologue devra être faite par une spécialiste....La lecture d'un paysage en général est plus complexe qu'on ne l'imagine.
Les rapporteurs relèvent que, sur le plan scientifique international, très peu d'articles rédigés par des spécialistes des zones de volcanisme monogénique (les "Champs Volcaniques" dans le jargon des volcanologues") font de la Chaîne des Puys une référence et que la grande majorité de ces articles sont produits par des chercheurs Français et non des équipes internationales.
L’argumentaire de l'UICN sur ce point est résumé dans cette phrase: "Certains évaluateurs experts indépendants ont soutenu la proposition mais un grand nombre d’autres évaluateurs ont estimé que ce bien n’a pas de valeur universelle exceptionnelle en tant que bien naturel du patrimoine mondial."

- Concernant sa protection, les rapporteurs mettent en avant la haute complexité du foncier, l'ensemble du bien étant partagé entre des particuliers (parfois ne bien indivis), des communes, l'Etat et l'armée. Or cette complexité est forcément un frein à la gestion d'un site classé au Patrimoine Mondial. Le rapport souligne aussi que plusieurs carrières sont encore actives dans les limites du bien proposé, et rappelle que la présence d'extraction de matériaux est interdite dans une zone qui a vocation d'être classée.

Chose importante notée par les rapporteur de l'UICN, que je me contenterais ici de citer car c'est très clair: "La principale faiblesse, en matière de gestion, est l’absence de capacité d’application sur le domaine privé. De nombreux visiteurs sortent des sentiers et des pistes et utilisent des vélos de montagne qui aggravent l’érosion des sols et entraînent une dégradation de l’intégrité. En haute saison, le stationnement illégal et le trafic routier élevé affectent encore un peu plus l’intégrité du bien proposé et entraînent des conflits entre les propriétaires, les administrateurs et les visiteurs.".

L’UICN note aussi :"que le plan de gestion [actuellement en vigueur, NDLR] n’a qu’une brève durée de vie et qu’il pourrait être utile d’accorder, en particulier, une plus grande priorité à des mesures relatives à de grands événements sportifs, à l’accueil de groupes scolaires et de touristes.". Entendez par là qu'il faut plus d'infrastructures pour canaliser l'activité touristique, à l'image des aménagements réalisés ces dernières années sur le Puy de Dôme et le Pariou par exemple (caillebotis en bois).

Je vais m'arrêter là car il sera aussi simple de lire le rapport directement, mais je souhaite simplement préciser que l'UICN indique aussi que la Chaîne des Puys, si elle n'a pas pour elle la stature d'un Patrimoine Mondiale, entre dans le critère d'un Géopark, autre label porté par l'UNESCO pour la promotion des zones d'intérêt géologique (pour faire court).

Il faut préciser toutefois que l'avis de l'UICN, même si il constitue un indéniable coup dur, n'est que consultatif et les équipes qui portent le dossier depuis 2007 restent mobilisées jusqu'au vote officiel, qui sera rendu à Doha en juin prochain.

Sources: Rapport de l'UICN
La réaction de Jean-Yves Gouttebel, Président du Conseil Général du Puy-de-Dôme, sur le compte faebook du "projet UNESCO"


Askja, Islande, 1516m

Une belle petite crise sismique a début hier matin au pied du volcan Herdubreid, considéré comme non-actif par le Global Volcanism Program, situé non loin du volcan (actif cette fois) Askja.
La majorité des secousses ont des magnitudes inférieures à 3, sauf deux chocs hier matin (3.5) et ce matin (3.7). Les hypocentres s'égrènent verticalement depuis environ 10 km jusqu'à 2 km de profondeur à peu près, pour la grande majorité des secousses de cet essaim sismique. Leur position montre qu'elles s'étirent légèrement selon un axe nord-est sud-ouest qui correspond à l'orientation de toutes les failles visibles dans le secteurs.

Activité sismique prêt du volcan Askja, 03 et 04 mai 2014
Essaims sismique à proximité du volcan Askja. Image: Culture Volcan
Précisons tout de suite que l'origine géologique de cet essaim sismique est indéterminé. Il n'est pas rare en Islande de voir ce type de manifestation se produire et, en générale, ils ont deux source:
- tectonique: l'essaim correspond alors à la libération de tensions accumulées sur des périodes plus ou moins longues et qui finissent par dépasser la résistance mécanique des roches, qui se rompent. Il ne faut pas oublier que l'Islande est en permanence soumise à une écartement très lente mais qui est responsable de l'accumulation de telle tensions et, in fine, des ruptures qui forment les failles (une partie de l'énergie accumulée étant libérée sous la forme de séismes).
- anthropique: les centrales géothermiques provoquent aussi assez régulièrement des essaims de secousses. Toutefois il ne s'agit pas de ça ici puisqu'il n'y a pas de centrales dans le coin, et que les hypocentres sont trop profonds pour être liés à un quelconque réseau hydrographique et à son exploitation.

On ne peut évidemment pas exclure, avec les seules données sismiques, que cet essaims soit dûe à une injection de magma (dyke). Cependant rien ne vient pour le moment étayer cette idée et il semble qu'une origine tectonique soit la plus probable. Nous verrons si une analyse de la situation et faite par les volcanologues Islandais: le cas échéant je ne manquerais pas de vous en faire passer les conclusions.


PS: vous n'aurez pas manqué de constater que j'ai commencé, dès les premières heures du blog, à générer des cartes d'hypocentres semblables à celle qui sont mises en ligne par l'IGN Espagnol pour le suivi de la sismicité sur l'île d'El Hierro. Je trouve en effet qu'il s'agit d'une très belle et claire façon d'illustrer ces événements sismiques. Les cartes que je fais sont donc aussi un clin d'oeil à leur travail de partage de données.

Source: I.M.O

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Tout d'abord merci pour ce blog et toutes ces infos passionnantes pour le fan de volcans que je suis. J'ai énormément appris depuis que je le lit (septembre dernier).
    Je suis actuellement en licence STEP (Science de la Terre de l'Environnement et des Planètes) à Paris 7 (fac dépendant de l'IPG). A l'aide de mon association étudiante nous cherchons à monter un projet de "voyage géologique" pour une dizaine de personnes. L'idée serait d'étudier un site géologique/volcanologique et d'en faire une petite exposition à l'IPG. Nous avons pensé deux destinations : l'Etna et l'Islande. Deux hauts lieux de géologie en Europe. Je voulais savoir si vous auriez des contacts sur place ou des conseils afin qu'on puisse rencontrer des spécialistes qui pourraient nous aider à analyser/lire le paysage.

    Merci d'avance et encore merci pour ce blog.
    François

    P.S: Nous sommes en L2 et L3 donc nous n'avons que peu de formation "terrain" et peu de notions approfondies sur la volcanologie. Néanmoins si vous avez des infos à me faire passer, je suis joignable à l'adresse suivante : "fra3m@hotmail.fr".

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