23 mai 2014

Fausse alerte sur le volcan Sinabung hier

Le VAAC* de Darwin a émis hier un bulletin indiquant la présence, à partir de 12h30 TU (19h30 heure locale) d'un important panache de cendres en provenance du Sinabung. Repéré via les données produites par le satellite japonais MTAST-2, les membres du VAAC ont déterminé pour ce panache une altitude approximative de 15 km, en utilisant notamment des données météo de Medan (une ville située à environ 60 km au nord-est du volcan), et une direction de dispersion vers le sud-est. En conséquence, ils ont logiquement passé le niveau d'alerte aviation au rouge.
Or il se trouve qu'aucune information dans la presse locale n'a relayé, même plusieurs heures après l'événement, d'informations concernant une telle explosion qui n'aurait pas été sans conséquences locales (chutes de cendres, par exemple).
De quoi mettre le doute sur la présence d'un tel panache.
Les images satellites exploitant l'infrarouge permettent de voir, même en pleine nuit, ce qui se passe. En l'occurence on voit bien sur les images prises à partir de 12h30 TU (soit 19h30 heure locale, donc en pleine nuit) une masse se déployer rapidement au niveau de la zone du Sinabung. Sa trajectoire correspond, par ailleurs, à ce qui est prévu par les modèles atmosphériques du VAAC (les VATD**). Or cette masse ne se distingue pas particulièrement d'autres masses semblables qui se forment en même temps ailleurs sur Sumatra.

Le "panache" du Sinabung hier repéré sur une image MTSAT2. J'ai ajouté les prévisions du VAAC de Darwin, qui correspondent bien. Images: MTSAT2/JMA; VAAC de Darwin
Il s'agit donc plus vraisemblablement de nuages, peut-être des cumulo-nimbus qui ont une forte vitesse d'ascension. Ils arrive, moins rarement qu'on ne le pense, qu'ils soient parfois confondus avec des panaches de cendres, soit par les pilotes de ligne, qui peuvent être une des sources d'information des VAAC, soit par les membres des VAAC qui peuvent conclure à la présence de panaches de cendres sur la base de l'analyse d'images satellites.

C'est probablement ce qui s'est produit hier: une information mal interprétée au départ ayant conduit à la mise provisoire d'une alerte aviation au rouge.

Ceci dit, et tant que je suis sur le Sinabung, autant faire un point sur la situation. L'alimentation en lave visqueuse se poursuit. Cela se voit toujours essentiellement grâce à la multitude de petits effondrements qui continuent de se produire au front de la coulée principale.
Les écoulements pyroclastiques restent aussi présents et continuent de descendre toujours en longeant le côté sud (à gauche sur les images webcam) de la coulée visqueuse.
Ecoulement pyroclastique sur le volcan Sinabung, 22 mai 2014
Ecoulement pyroclastique dans l'après-midi du 22 mai. Image: VSI

Ecoulement pyroclastique sur le volcan Sinabung, 23 mai 2014
Ecoulement pyroclastique dans l'après-midi du 23 mai. Image: VSI

Leur origine précise n'est pas encore déterminée avec certitude mais l'hypothèse la plus probable reste la présence d'une sorte de lobe de lave qui se formerait en haut de la coulée principale, en réponse à un phénomène de "bourrage".
La coulée principale, immense masse de lave très lourde, en cours de refroidissement donc très peu fluide et qui, de surcroît, frotte sur le sol, a maintenant d'énormes difficultés à se déplacer sous l'effet de l'arrivée de lave nouvelle dans le cratère. Celle-ci, un peu plus chaude donc un peu moins visqueuse, doit pourtant être évacuée.... Elle a donc probablement commencé à passer sur le côté pour faire un second lobe, forcément instable vu la pente, d'où les écoulements pyroclastiques. Leur faible taille, leur faible fréquence et leur faible volume indiquent que le débit de lave est faible.... ce qui est d'ailleurs incompatible avec la présence d'une puissante explosion qui aurait produit le "panache fantôme" haut de quelques 13000m, décrit plus haut.

Si l'activité éruptive reste calme, la saison des pluie est par contre synonyme de saison des lahars. Ces coulées de boues issues du mélange entre les cendres déposées depuis le mois de septembre 2013 (et surtout) janvier 2014, et les eaux de pluies, sont d'une extrême dangerosité. Les dépôts comblent les lits de rivières, peuvent emporter les routes et les ponts lorsqu’ils sont trop prêts du flot. C'est un phénomène qui se répétera aussi longtemps qu'il restera de grands volumes de cendres, donc probablement quelques années, jusqu'à ce que la végétation, en repoussant, ait réussit à stabiliser les dépôts...ou qu'il n'en reste plus assez. Pour illustrer le phénomène, voici un petit reportage passé à la télé indonésienne sur un village du district de Karo (sud-ouest du volcan). Les paroles sont en indonésien, mais les images parlent d'elles-mêmes (notez à la 24ème seconde la présence d'un des petits écoulements pyroclastiques dont je vous ais fait par plus haut).




Le BNPB, organisme indonésien en charge de la gestion des catastrophes naturelles, indique qu'actuellement, ce sont encore près de 16000 (15863) personnes qui restent réfugiées dans 32 points d'accueil), en conséquence de l'éruption du Sinabung, qui reste en alerte orange.

Sources: VAAC de Darwin; MTSAT-2; VSI; BNPB. Merci à

* Volcanic Ash Advisory Center: "Centre d'alerte aux panaches de cendres"
** Volcanic Ash Transport and Dispersion: "transport et Dispersion des Cendres Volcaniques". C'est une modélisation numérique.

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