11 février 2014

Etna: mise en place d'un écoulement pyroclastique ce matin

L'activité éruptive reste globalement la même, dominée par l'effusion de lave à partir du versant est du Nouveau Cône Sud-Est (NCSE). Depuis hier toutefois cette activité éruptive à commencé à montrer, au niveau du NCSE, des manifestations indiquant que des changements sont en cours sur le ce cône, résultant probablement de l'émission de la lave (le volume émis depuis presque 3 semaines commence à être important). Je vous invite à aller jeter un oeil sur ces modifications (mise à jour 16h03) car ce qui s'est passé ce matin semble en être
la suite.

Les nuages sont restés accrochés tout l'après-midi sur le sommet du volcan, empêchant de voir les éventuelles modifications qu'ont entraîné les événements d'hier. Il faut attendre la tombée de la nuit et la dissipation des nuages pour constater, sur la caméra thermique Monte Cagliaro (flanc est) de l'INGV, que la partie située entre l'évent effusif et le sommet (zone qui a été le siège de l'activité décrite dans la mise à jour d'hier) est le siège de très hautes températures. La zone semble donc s'être affaissée suite aux événements d'hier matin.

Image thermique du volcan Etna, 10 février 2014
La zone affectée par l'activité d'hier est bien visible de fait de sa haute température.Image: INGV

Comme on peut le voir sur cette image, c'est donc tout le versant est du NCSE qui connaît depuis hier matin des changements et il faut noter que l'ensemble des zones touchées sont alignées. La situation a continué d'évoluer en fin de nuit lorsque vers 05h00 du matin (heure locale, soit 04h00 TU) une nouvelle bouche s'est ouverte, libérant elle-aussi une coulée de lave d'un débit modéré. Son alimentation semble avoir fortement ralenti en cours de matinée.

Apparition d'une nouvelle coulée de lave sur le volcan Etna, 11 février 2014
Apparition d'une nouvelle coulée de lave sur l'Etna peu avant le levé du jour. Images: INGV

Mais le point culminant (actuel car ça peut toujours changer) de cette activité s'est déroulé juste après 07h du matin (heure locale), avec la mise en place d'un volumineux et très imposant écoulement pyroclastique dont le front est descendu jusqu'au fond de la Valle del Bove, quasiment 3 km plus loin. Les images de la webcam thermiques du monte Cagliaro donnent le timing: à 07h03 les premiers signes de l'écoulement apparaissent, à 07h06 il prend de l'ampleur et à 07h09 il est en bas. Il lui aura fallu donc environ 3 minutes pour parcourir environ 3 km, soit une vitesse qui a pu avoisiner les 60km/h. Toute personne qui se serait trouvée en bas à ce moment là pour faire des photos des fronts de coulée par exemple aurait eu de grandes chances d'y laisser sa vie.
Ecoulement pyroclastique en imagerie thermique sur le volcan Etna, 11 février 2014
L'écoulement pyroclastique de ce matin vu en imagerie thermique. Images: INGV
Ecoulement pyroclastique  sur le volcan Etna, 11 février 2014
L'écoulement pyroclastique vu depuis Catane. Images: INGV

Ecoulement pyroclastique sur le volcan Etna, 11 février 2014
Départ de l'écoulement pyroclastique vu depuis la Shiena dell'Asino. Image: Etnatrekking

Ecoulement pyroclastique sur le volcan Etna, 11 février 2014
Une minute plus trad, le front est déjà hors champs. Image: Etntrekking

Cet écoulement prend naissance très haut sur le versant est du NCSE. Sa formation pourrait résulter par exemple du glissement d'une partie du cône après l'ouverture de la bouche hier, qui se situe juste en dessous. Au vu de sa couleur marron prononcée il y a en tout cas fort à parier qu'il est majoritairement constitué de lave altérée et non de la lave qui est actuellement émise sous forme de coulée (la cendres aurait été noire ou grise dans ce cas). Quoi qu'il en soit la zone qui a produit cet écoulement maintient depuis ce moment-là une émission continue, et relativement abondante, de cendres brunes.

Activité du volcan Etna, 11 février 2014
Emission de cendres brunes depuis la zone source de l'écoulement pyroclastique. Image: Etnatrekking

Pour finir, le trémor reste très chaotique: des hausses et baisses brutales se succèdent. Depuis hier toutefois la tendance globale (la moyenne) semble être plus stable (pas de hausse globale notable). Impossible toutefois de dire si cela va se poursuivre, s'inverser, ou repartir à la hausse: we'll see!

Evolution du trémor du volcan Etna, du 05 au 11 février 2014
Evolution du trémor entre le 05 et le 11 février 2014. Image: INGV

Mise à jour (20h17)

L'INGV a mis en ligne un rapport qui confirme que l'écoulement de ce matin est lié à une déstabilisation d'une partir du Nouveau Cône Sud-Est suite à l'ouverture des diverses bouches éruptive entamée hier matin.
Voilà le lien vers ce rapport, vraiment interessant.


Mise à jour 12 février

Petit correctif. Les images thermiques que j'ai utilisées hier pour montrer la progression de l'écoulement pyroclastique sont celles qui sont disponibles via le site web de l'INGV. Le serveur de l'INGV met en ligne 1 image toutes les 3 minutes mais, en réalité, la webcam fonctionne presque en streaming dans les locaux de l'INGV (1 image par seconde). Les volcanologues italiens sont donc les seuls à avoir pu observer l'ensemble du phénomène en imagerie thermique. Les images disponibles que j'ai utilisées plus haut m'ont induit en erreur car j'ai cru que la troisième image (en partant de la gauche) montrait le moment où le front de l'écoulement arrivait au fond de la Valle del Bove. Or, ce moment est arrivé presque 2 minutes plus tôt et cette image montre en fait le panache copyroclastique non pas en train de se faire, mais en train de se dissiper. Or il est impossible de faire la distinction sans autre image de l'événement pris au même moment.
En réalité, l'écoulement pyroclastique n'a mis qu'1 minute pour parcourir les 3500 m qui sépare sa source du fond de la Valle del Bove. 3500 en 60 secondes, cela fait une vitesse de 58.3 mètres par seconde. Pour passer en kilomètres-heure il suffit de multiplier par 3.6 et on trouve...210 km/h! Autant dire très loin de mon estimation de 60 km/h (que je trouvais déjà énorme).
L'INGV a mis en ligne la vidéo...exceptionelle.



Sources: INGV; Etnatrekking

4 commentaires:

  1. Bonjour,
    Il n'y a que le NCSE qui fait ses ravages ? Ou la Bocca est aussi active ?

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    1. Bonjour SniperdeRido. Actuellement seul le NCSE est vraiment actif. La Bocca a produit, par le passé quelques écoulements pyroclastiques (voir cette photo du paroxysme de la Bocca en 1999, par Marco Fulle http://www.swisseduc.ch/stromboli/etna/etna99/etna9910photopage3-en.html?id=9) mais on peut dire que depuis fin 1999, début 2000 c'est la zone du cône Sud-Est, et maintenant celle du NCSE juste à l'est, qui est la plus active de l'Etna. Il faut savoir que les écoulements pyroclastiques comme celui d'hier sont rares. Ils n'ont surtout rien à voir avec ceux des éruptions plus violemment explosives (Pinatubo, Chaiten et bcp d'autres) ou avec les éruptions essentiellement extrusives (Shiveluch,Sinabung, Paluweh par exemple). Sur l'Etna, comme sur d'autres volcans (Klyuchevskoy, Pavlov pour ne citer que des exemples récents) les écoulements pyroclastiques résultent de l'interaction de la lave avec la couche de neige ou de glace. L'écoulement d'hier a été la conséquence du détachement d'une portion du NCSE, car des évents se sont ouvert juste en dessous. Voyez qu'il y a plusieurs façons de produire ces événements.

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  2. Bonjour à vous
    Je trouve que SniperDeRido n'a pas tout à fait tort, car sur la webcam de Etnaweb ce matin on voit bien deux évents qui fument. Je suis trop novice pour dire leurs noms. CA fait grosso modo 1 an que je suit l’Etna que je trouve fabuleux mais là je suis un peu dans le brouillard car pour chaque éruption, je voyais les sysmo qui grimpaient, mais là je trouve qu'il y a un décalage entre la sysmo et ce que l'on voit au sommet.

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    1. Bonjour dom67. La situation "de base" sur l'Etna est que tous les évents sommitaux, Cône Nord-Est (gros panache blanc ce matin à droite de la webcam Etnaweb), Voragine juste à gauche (invisible sur les images), Bocca encore à gauche (léger panache permanent, invisible sur les images Etnaweb ce matin) et Sud-Est/NCSE. Par temps clair, calme et en dehors de toute crise éruptive, on peut facilement voir 3,4 panaches distincts sur l'Etna, plus ou moins gros.
      Quand à l'interprétation exacte d'un trémor cela reste difficile à faire car l'ensemble des paramètres qui contribuent à l'apparition de ce type de signal ne sont pas encore connus. Il est en effet généré à la fois par des événements superficiels (émission de lave) et par des phénomènes internes à l'édifice (migrations de fluides (gaz liquéfiés par la pression, bulles de gaz, magma) et la vibration de parois par des phénomènes de résonance ou de cavitation etc, etc).
      Cependant, pour cette crise, sa hausse progressive est liée directement avec une hausse du débit de lave. La présence des pics (fort baisse/forte hausse/fort baisse etc.) est liée, au moins partiellement, au fait que le magma n'arrive pas en continue mais par vagues (les pulses que je décrit dans les posts). Il n'y a donc pas de réèl décalage entre activité éruptive (que l'on peut suivre via les webcams) et évolution du trémor. Les paroxysmes précédents étaient marqués par une libération brutale de gaz sous forme de jets, expulsant le magma à la verticale: les fontaines de lave. Cette émission brutale de gaz entrainait la vibration intense de tout l'édifice, (une des) raison(s) pour laquelle le trémor montait en flèche. Actuellement l'éruption se déroule avec bcp moins de violence, par l'émission de coulées. L'Etna vibre, mais moins. Une analogie pour illustrer: faites passer un liquide sous pression dans un tuyau, sans air: vous le sentirez vibrer mais ça reste faible. Faites passer un mélange eau+bulles d'air dans le même tuyau: la vibration est forte (il peut même y avoir du son), un peu comme sur cette vidéo https://www.youtube.com/watch?v=J6FYJ1ZjdpY.

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