Depuis le post que j'ai rédigé le 10 janvier dernier la situation éruptive au Sinabung a connu une évolution significative et est entrée dans une phase éruptive beaucoup plus calme, ou en tout cas plus stable.
Le premier changement important dans l'activité en cours s'est produit à un moment que je n'ai pas pu localiser avec précision, mais probablement autour du 10 janvier. Il s'agit de la rupture du mur qui séparait le dôme de lave d'une ravine ouverte dans le flanc sud-est du volcan.
L'activité explosive qui a animé le Sinabung entre septembre et novembre 2013, et qui a culminé le 24 novembre avec d'abondantes chutes de cendres à Medan et son aéroport (75 km au nord-est du volcan), ont ouvert un vaste cratère en son sommet. La paroi Est de ce dernier était en fait un simple mur vertical surplombant une ravine. C'est dans ce cratère qu'à commencé à émerger, en décembre (probablement le 22 et non le 24) le dôme de lave. Je vous ais préparé une petite comparaison d'images qui montrent ce mur avant et pendant l'éruption afin de bien le localiser.
Le cratère du Sinabung avant l'éruption (à gauche) puis remplit par le dôme (à droite) le 05 janvier dernier. Le mur est localisé. Images: (respectivement) Summitpost et Sutopo Purwo Nugroho/BNPB |
A un moment inconnu, donc, ce mur a cédé sous le poids du dôme. L'événement a peut-être eu lieu le 10 ou dans la nuit du 10 au 11 janvier:
* le 10 car cette journée est marquée par une série d'impressionnants écoulements pyroclastiques, malheureusement partiellement masqués par les nuages.
* au matin du 11 janvier car on peut noter sur les images de nuit de la webcam, la présence d'un écoulement pyroclastique que l'on peut imaginer important puisque son incandescence est bien visible encore à 3 kilomètres du sommet.
Il n'est pas impossible non plus que sa disparition ait été progressive, comme émietté petit à petit sous l'effet de l'immense poids du dôme et des écoulements pyroclastiques successifs (abrasifs). Bref: nous ne saurons probablement jamais les modalités de sa disparition, mais cette dernière est un fait.
Pour les habitants de plusieurs villages construits à l'est, au nord-est et au sud-ouest (Sigarang Garang, Naman, Simacem, KutaTonggal, Kuta Tengah, Mardingding), l'effondrement du mur marque une diminution notable du risque imminent de voir leurs maisons détruites par des écoulements pyroclastiques.
En effet une fois le mur effondré la croissance du dôme, et ses effondrements soit sous forme de simples avalanches de blocs soit d'écoulements pyroclastiques, ont été largement canalisés dans la ravine. Ainsi seuls les villages des secteurs sud et sud-est (de Suka Meriah à Berastapu) se trouvent encore directement menacés actuellement.
* le 10 car cette journée est marquée par une série d'impressionnants écoulements pyroclastiques, malheureusement partiellement masqués par les nuages.
* au matin du 11 janvier car on peut noter sur les images de nuit de la webcam, la présence d'un écoulement pyroclastique que l'on peut imaginer important puisque son incandescence est bien visible encore à 3 kilomètres du sommet.
Il n'est pas impossible non plus que sa disparition ait été progressive, comme émietté petit à petit sous l'effet de l'immense poids du dôme et des écoulements pyroclastiques successifs (abrasifs). Bref: nous ne saurons probablement jamais les modalités de sa disparition, mais cette dernière est un fait.
Un important écoulement pyroclastique brille dans les dernières lueurs de la nuit du 11 janvier. Est-il lié à la disparition du mur ? Image: VSI |
En effet une fois le mur effondré la croissance du dôme, et ses effondrements soit sous forme de simples avalanches de blocs soit d'écoulements pyroclastiques, ont été largement canalisés dans la ravine. Ainsi seuls les villages des secteurs sud et sud-est (de Suka Meriah à Berastapu) se trouvent encore directement menacés actuellement.
Le second changement est plus fondamental: depuis le 11 janvier, l'activité est devenue plus stable.
Alors que depuis fin décembre et l'apparition du dôme les écoulements pyroclastiques étaient nombreux tous les jours, on peut noter à partir du 11 une baisse du nombre et de l'importance de ces même écoulements. La concordance des dates avec la rupture du mur incite à penser qu'il y a un lien de cause à effet. Ce lien pourrait être le gain en stabilité du dôme suite à l'effondrement du mur.
Je m'explique: jusqu'au 10 ou 11 janvier le dôme, après avoir rempli totalement le cratère, était perché au sommet du volcan (on le voit bien sur l'image de gauche de la comparaison ci-dessus). Chaque mètre cube de magma arrivant provoquait donc un débordement du dôme par dessus le mur. Cette instabilité se traduisait par un effondrement et un écoulement pyroclastique. L'importance (l'énergie si vous voulez) de l'écoulement était d'autant plus grande que les fragments de dôme qui se détachaient faisaient d'abord du base jump sur plusieurs dizaines de mètres avant de toucher le sol, à cause de la présence du mur, quasi vertical: de quoi prendre de l'élan!
La disparition du mur a laissé place à une ravine aux pentes certes raides, mais régulières: à partir de ce moment-là le dôme a commencé à lentement s'écouler hors du cratère et est passé du stade de dôme à celui de dôme-coulée, puis de coulée visqueuse.
Évolution du dôme en dôme-coulée, entre les 16 et 20 janvier 2014. Images: Fabrice Digonnet |
Aris Yanto, fondateur de l'agence Ndeso Adventure, m'a autorisé (et je l'en remercie) à utiliser une de ses photos prise le 26 janvier. Elle montre l'état actuel de la coulée: sa progression est spectaculaire puisqu'en l'espace d'une semaine elle est passée d'environ 200 m de long (images ci-dessus) à presque 800 m.
Le dôme-coulée, ou coulée visqueuse, du Sinabung, le 26 janvier 2014. Image: Aris Yanto/Ndeso Adventure. |
Actuellement il y a toujours des écoulements pyroclastiques, le dernier important en date remonte au 27 janvier. Ils sont liés à l'instabilité du front de la coulée, qui contient encore un peu de gaz. Mais ils sont devenus beaucoup moins fréquents et bien moins volumineux que durant la dernière semaine de décembre et les deux premières de janvier. Malgré tout, une série (la dernière en date aussi importante) de ces écoulements s'est produite entre les 13 et 16 janvier, permettant à R.Roscoe (photovolcanica) de shooter un très beau décrochement du dôme-coulée et la formation d'un écoulement pyroclastique.
La présence de la coulée visqueuse et de la prédominance des simples avalanches de blocs sont les signes que le magma qui s'étale actuellement est largement dégazé. En effet, la présence de gaz piégé, créant une pression interne dans la coulée, ne manquerait pas:
1- de régulièrement déstabiliser la coulée, l'empêchant de grandir autant;
2- de faire littéralement exploser les blocs qui se détachent, ce qui conduirait à une plus grande présence des écoulements pyroclastiques et moins des simples avalanches.
La faible quantité de gaz que laissent supposer les deux indices cités ci-dessus impliquent que, pour le moment, le risque de voir un événement important (violente explosion, écoulements pyroclastiques de haute énergie etc) se dérouler est moins fort (il n'est jamais inexistant).
Cela veut-il dire que la situation est pour autant vraiment plus sûre? Non, car en l'état il est impossible de savoir ce qui se passe réèllement en profondeur. La source va-t-elle fournir à nouveau du magma neuf, plus riche en gaz? Si tel est le cas l'activité reprendra de la vigueur, avec de possibles explosions et écoulements pyroclastiques. Dans ce scénario une activité explosive violente remettrait en danger immédiat tous les villages cités plus haut.
Si, à l'inverse, rien d'autre ne se produit au niveau de la source et que l'éruption en cours puise dans ses réserves, alors on assiste peut-être à sa dernière étape. La présence d'une coulée visqueuse ou d'un dôme à la fin d'une éruption explosive n'est en effet pas anormale, voire même assez fréquente (Merapi, Chaitén, Puyehue-Cordon Caulle en sont des exemples récents). Cette possibilité est d'autant plus réaliste que les études géologiques préliminaires menées par des volcanologues japonais indiquent que la mise en place d'épaisses coulées, et des dépôts associés, sont fréquents dans l'évolution du Sinabung (M. Yushimoto et al, IAVCEI 2013).
Cela veut-il dire que la situation est pour autant vraiment plus sûre? Non, car en l'état il est impossible de savoir ce qui se passe réèllement en profondeur. La source va-t-elle fournir à nouveau du magma neuf, plus riche en gaz? Si tel est le cas l'activité reprendra de la vigueur, avec de possibles explosions et écoulements pyroclastiques. Dans ce scénario une activité explosive violente remettrait en danger immédiat tous les villages cités plus haut.
Si, à l'inverse, rien d'autre ne se produit au niveau de la source et que l'éruption en cours puise dans ses réserves, alors on assiste peut-être à sa dernière étape. La présence d'une coulée visqueuse ou d'un dôme à la fin d'une éruption explosive n'est en effet pas anormale, voire même assez fréquente (Merapi, Chaitén, Puyehue-Cordon Caulle en sont des exemples récents). Cette possibilité est d'autant plus réaliste que les études géologiques préliminaires menées par des volcanologues japonais indiquent que la mise en place d'épaisses coulées, et des dépôts associés, sont fréquents dans l'évolution du Sinabung (M. Yushimoto et al, IAVCEI 2013).
En ce qui concerne les personnes évacuées (environ 30 000 officiellement), le président Indonésien s'est rendu sur place il y a une semaine. Il a déclaré vouloir prendre des mesures fortes pour améliorer la situation des personnes évacuées, mais aussi pour préparer l'après-éruption. Il a, entre autres, décidé de faire de la zone des 3 km autour du sommet une zone totalement dépeuplée. Les personnes qui vivaient dans les différents villages de cette zone seront relocalisées plus loin de l'édifice, dans une zone moins directement exposée au danger lié à une activité éruptive (et aussi plus facile à évacuer). Il a aussi promis des aides financières compensatrices des pertes agricoles notamment.
Carte de localisation des camps de réfugiés, avec le compte officel du nombre de déplacés (28536). Image: OCHA. |
Une chose est sûre toutefois: il existe un décalage fort entre l'image de la situation que l'on se forge à travers les articles de presse/photos, et la réalité. Etant sur place il y a un peu plus de 10 jours, l'ambiance normale qui règne là-bas m'a vraiment surpris. Non seulement les gens des villages proches vaquent à leurs occupations quotidiennes (y compris en zone évacuée, partiellement réoccupée par ailleurs, y compris de nuit), mais les enfants vont à l'école de manière tout à fait normale. L'ambiance est même bonne puisque les habitants de Simpang Empat, le village où se trouve la webcam, situé à 7 km environ du sommet, montent des Warung (4 piquets en bambous et une bâche) pour se protéger des chutes de cendres et de l'humidité du soir. Ils se préparent à manger (mmm, les Nasi Goreng...), en musique et au son des "hooooo" et "waaaaa", chaque fois qu'une portion du dôme s'effondre: loin, très loin, de l'ambiance de crise que l'on s'imagine ici.
Une question revient toutefois régulièrement de la part des habitants du coin, qui trahit une inquiétude derrière la quiétude: "est-ce que le Sinabung va exploser comme le Merapi?" (en ce qui concerne les catastrophes liées au volcanisme, le Merapi est LA référence en Indonésie).
Bref: la situation des personnes évacuées n'est pas enviable, c'est un fait. Certains ont tout perdu, c'est tout à fait vrai (l'ambiance à Tiga Pancur, Payung, Suka Meriah, tous situés au sud et sud-est, est vraiment lourde car tout est recouvert de cendres). Mais il semble que la capacité de résilience des Indonésiens soit déjà à l'oeuvre.
MàJ 30 janvier
L'éruption évolue un peu au Sinabung, dans la logique de l'activité en cours toutefois. Le front de la coulée est arrivé à la limite entre les fortes pentes du stratocône et les pentes douces des dépôts anciens. Dans cette situation, le front de la coulée ralenti tandis que la lave qui arrive derrière, elle, arrive toujours au même rythme. Inévitablement, la lave déborde en amont et a commencé, ce matin, à sortir de la ravine principale. Un écoulement pyroclastique a en effet été photographié par Aris Yanto, progressant à priori dans une très profonde ravine connue sur le volcan pour ses fumerolles permanentes et son extraction de soufre.
Écoulement pyroclastique ce matin en direction du sud. Image : Aris Yanto/Ndeso Adventure. |
MàJ 31 janvier (08h50)
L'extrusion en cours se poursuit et au moins un autre écoulement pyroclastique se mis en place dans la matinée dans la nouvelle ravine. La coulée, elle, continue de très lente progression.
Ecoulement pyroclastique |
Correction: un ami qui à eu l'occasion d'aller sur place il y a peu m'a fait remarquer avec justesse que les écoulements qui se déclenchent depuis hier ne se mettent pas en place dans l'importante ravine qui éventre le flanc sud-sud-est du volcan (en jaune ci-dessous). Ils se décrochent en fait du rebord de la coulée visqueuse et:
- soit débordent un peu plus au sud, où la pente est marquée par une légère dépression, située entre les deux ravines (en rouge dans l'image ci-dessous).
- soit restent coincés entre la coulée et le rebord sud de la ravine dans laquelle elle se trouve.
Comme ce n'est pas évident à expliquer, j'ai préparé une rapide iconographie à partir de Google Earth.
Les différents zones décrites dans le texte. |
Il semble qu'en fait, en fonction de la partie de la coulée qui se décroche, ce puisse être l'une ou l'autre solution. Cela ne change malheureusement pas le fait que les villages du versant sud-sud-est sont plus exposés au danger qu'il y a 10 jours.
MàJ 01 février (09h54)
L'activité extrusive se poursuit et continue d'alimenter la coulée, qui reste instable. C'est ce qui a conduit ce matin à la formation d'un nouvel écoulement pyroclastique visiblement de grande intensité. Il a recouvert une bonne partie des dépôts mis en place depuis 1 mois mais avec visiblement un lobe très marqué vers le sud-sud-est. Les informations qui sont arrivées en cours de journée font état de 3 personnes blessées ou tuées par cet écoulement dans les environs du village de Suka Meriah (se reporter à la carte que j'ai partagée plus haut).
L'écoulement pyroclastique de ce matin, qui pourrait être responsable de 3 victimes. Image: VSI |
Le constat du déclin de l'éruption n'est vraisemblablement pas faux, mais il la démonstration est faite qu'une activité d'intensité modeste peut ponctuellement générer des phénomènes violents et que la prudence est de mise dans cette situation de transition, où le volcan se calme mais n'a pas encore dit son dernier mot.
MàJ (15h36)
La situation est plus grave qu'initialement prévue puisque ce sont en fait 14 victimes présumées, et 3 autres personnes blessées, toutes prises par l'écoulement qui a touché les abords du village de Suka Meriah. Ce sont les premières victimes directes de l'éruption, 31 autres personnes ayant perdu la vie dans les refuges pour des raisons de santé (problèmes respiratoires notamment) depuis le début des évacuations. Certaines d'entre elles étaient des résidents visitant leurs biens, d'autres étaient à priori des étudiants de Medan venu étudier les environs de l'édifice (mais il n'est pas précisé si il s'agissait d'études pour le volcan lui-même ou d'autres types d'études).
Sources: VSI; Summitpost; IAVCEI 2013; BNPB; Aris Yanto; Fabrice Digonnet; JakartaPost, Tribunenews.com
Bonjour,
RépondreSupprimerJe suis votre blog depuis quelques temps et me suis toujours dit qu'un jour il faudrait que je vous remercie. Je profite donc de ce très précis article pour le faire.
Je suis moi même passionné de volcanologie et ce blog me permet de rester facilement à la page de l'activité volcanique.
Merci donc et encore bravo !
Ludovic Leduc
Content que cela puisse vous être utile :-) Merci à vous!
RépondreSupprimerTu as remarqué l'avion à droite du Sinabung avec ses trainées ! Pierre
RépondreSupprimerhttp://www.flickr.com/photos/natural_gordographic/12295277266/
RépondreSupprimer27th Jan about two oclock, notice explosive activity (top right)
Hello Mr Simmons. Great shots, thanks for sharing them! I tweeted the link.
SupprimerNous avons eu la peur de notre vie en observant cette coulée pyroclastique du 1ier février juste face à la coulée de lave depuis le village de Berastepu. Après cartographie faite par l'observatoire, nous avons eu froid dans le dos en constatant que la coulée est passée à 350 m de notre point d'observation. Heureusement pour nous, elle a dévié sur notre gauche mais n'a malheureusement pas épargné le village Suka Mériah
RépondreSupprimerlocaliser portable en ligne ---> localiser iphone avec android
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