4 janvier 2014

Sinabung: l'activité ne se calme pas

Le VSI vient de mettre en ligne un nouveau rapport qui fait le point sur l'activité depuis le 27 décembre.
Les éléments clé de ce document sont les suivants:

*Ecoulements pyroclastiques et panaches associés
- depuis le 27 décembre, les écoulements pyroclastiques se sont produit à plusieurs reprises chaque jour (jusqu'à 21 écoulements recensés le 01 janvier). Sur la période du rapport (27 décembre/03 janvier) les plus longs ont atteint les 3 kms de distance, justifiant un rayon minimum de 5 km pour la zone de danger. Mais aujourd'hui un écoulement a atteint une longueur de 4 kilomètres ce qui a
incité les autorités à passer le rayon de la zone d’exclusion à 6 km (MàJ : sur le versant sud-est). Conséquence immédiate: 2 villages supplémentaires (Pintu Besi et Jeraya) sont en train d'être vidés de leurs habitants.
- les panaches de cendres co-pyroclastiques ont régulièrement dépassé les 4000 m de hauteur, lors des écoulements les plus volumineux.
- il semble que la totalité des écoulements soient canalisés par les ravines des versants sud ou sud-est. La zone des dépôts, où toute végétation est maintenant détruite, augmente d'ailleurs à vue d'oeil sur les images.

Rien qu'aujourd'hui, au moment où se post est rédigé, ce sont au moins 5 de ces écoulements, assez volumineux, qui se sont mis en place.


Les Ecoulements pyroclastiques du volcan Sinabung, 04 janvier 2014
Les écoulements pyroclastiques du 4 janvier. Images : VSI

Cette activité montre que le dôme reste bien alimenté et je ne peux dire qu'une chose: l'"activité pyroclastique" est impressionnante, très intense.

*Sismicité
- les secousses hybrides, qui résultent de la combinaison des secousses liées à la fracturation avec celles produites par les mouvements de magma et sont associées par les volcanologues à la croissance du dôme, sont en moyenne comptabilisées 471 fois par jour. C'est donc une sismicité élevée.
- les volcanologues décrivent comme "spectaculaire" la hausse des secousses produites par les avalanches de blocs depuis le 30 décembre. On peut donc supposer que c'est à partir de cette date que le dôme a commencé à franchement déborder de la zone sommitale et s’est retrouvé dans la pente. Actuellement c'est une moyenne de 99 avalanches quotidiennes qu'enregistre le VSI.


Evolution des différentes composantes de la sismicité au cours de l'année 2013/début 2014; extrait du rapport du VSI. Image : VSI

* Déformations
Depuis que le dôme a commencé à se mettre en place et déborder sur les pentes, une partie de la déformation montre une tendance à la déflation. C'est logique dans la mesure où tant que le magma n'est pas émis, la pression que subissent les parois du volcan s'exprime par un gonflement (inflation) (la pression écarte les parois). La légère déflation enregistrée depuis le 30 décembre indique donc que les contraintes baissent sur les parois, les avalanches et écoulements pyroclastiques empêchant le dôme de trop bloquer la sortie du magma qui se trouve encore dans les conduits. En cela la présence de tels écoulements est plutôt positif, même si il s'agit de phénomènes d'une extrême dangerosité. Positif? Oui car si la pression n'augmente pas de manière significative, le risque d'explosion de très grande puissance (qui pourrait générer des écoulements bien plus importants et destructeurs que ceux qui se produisent actuellement) s'éloigne lui aussi. L'analyse de la déformation indique aussi qu'une masse de magma continue de migrer vers la surface. On peut donc s'attendre à ce que l'activité ne s'arrête pas rapidement.


Cette activité persistante a incité les autorités à reconduire jusqu'au 18 janvier au moins le niveau d'alerte maximum et donc l'interdiction formelle pour les personnes évacuées (20 331 au dernier recensement) de retourner chez elles.


Un écoulement pyroclastique observé de près. Image: Binsar Bakkara/Associated Press

Pour finir ce post je souhaite réagir à une dépêche d'aujourd'hui de l'AFP en anglais qui, parlant de la situation, écrit: "Mount Sinabung on the western island of Sumatra sent rivers of lava flowing through an evacuation zone",  que l'on traduit par: "Le Mont Sinabung, dans l'ouest de Sumatra, a produit des rivières de lave coulant à travers une zone évacuée". C'est une très mauvaise médiation de ce qu'il se passe réèllement sur place. Ce que libère actuellement le Sinabung n'a rien à voir avec des coulées de lave et les problèmes que subit la population, et même les mesures exceptionelles prises par les autorités, sont sans commune mesure avec ce que cela serait si, effectivement, il s'agissait de coulées de lave. On s'étonne après que les lecteurs pensent que les coulées sont dangereuses...
Je ne pense évidemment pas qu'il soit utile, pertinent ou interessant, dans des journaux de presse de cette catégorie de décrire par le menu ce qu'il se passe là-bas et d'employer un vocabulaire trop technique. Mais écrire "sent flows of pyroclasts" à la place de "sent rivers of lava" prendrait 0 secondes et, pour 5 caractères de plus, rendrait infiniment mieux compte de ce qu'il se passe.
Ce n'est que mon avis mais, si il y a une chose que j'ai apprise après plus de 10 années de médiation, c'est l'importance des mots. Ainsi mal parler de quelque chose c'est à la fois le signe qu'on ne le comprend pas et, d'autre part, l'assurance de mal l'expliquer, mal le transmettre...donc de mal informer, ce qui est un comble pour un organe de presse. Il y a eu à ce sujet des recherches et des expériences passionnantes, mais c'est une autre histoire.

MàJ (15h32)

Un time-lapse pour mettre en mouvement les écoulements pyroclastiques du 04 janvier 2014.



Sources : VSI; AFP; Associated Press; Sutopoh Purwo Nugroho/BNPB; Liputan




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