Ou comment le hasard fait bien les choses.
En 2010 une équipe de scientifiques commence à déployer en Antarctique, dans la zone de Mary Byrd Land, un vaste réseau de sismomètres. Celui-ci doit permettre, en utilisant les ondes sismiques produites par des secousses tectoniques, de visualiser l'épaisseur de glace qui se trouve à cet endroit, mais aussi d'acquérir des données d'ordre tectonique, en particulier visualiser les grandes structures (failles, bassins etc) qui découpent cette partie de l'Antarctique, mais sont masquées par la glace.
Localisation de la zone d'enregistrement des signaux sismiques. |
Le réseau étant installé, les enregistrements commencent. L'étonnement fut grand lorsque deux essaims de secousses furent détectés. La densité du réseau de sismomètres permettant une bonne triangulation des secousses, il est relativement simple de retrouver leur localisation exacte: entre 25 et 40 km de profondeur, soit la base de la croûte et le manteau supérieur.
Exit donc les autres possibilités quand à leur origine:
- Tectoniques ? Non: les caractéristiques des secousses (fréquence de 2 à 4 hertz, 10 fois trop basse pour des secousses tectoniques) excluent cette idée.
- La base de la calotte glaciaire qui frotte sur la surface de la croûte continentale? C'est vrai que ça génère des basses fréquences, mais la profondeur est 10 fois trop grande pour que cela soit possible.
Reste l'hypothèse volcanique, les signaux et la localisation étant compatibles avec certains connus sous le nom de "secousses DPL" (Deep Long-Period, secousses longues période profondes). Les spécialistes s'accordent à dire qu'elles sont générées par des mouvements de magma, lorsqu'il fracture la roche et s'y injecte sous pression.
Les secousses se trouvent à une cinquantaine de kilomètres au sud d'une chaîne de volcans affublée d'un nom aussi froid que Pôle Sud lui-même: l'"Executive Comittee Range" (Chaîne du Comité Executif: le jour où le nom à été décidé le froid devait être si fort qu'il a même gelé l'imagination de ceux qui l'ont validé :-)).
Localisation approximative des essaims de secousses. |
Comme pour un point chaud, l'âge des édifices qui composent cette chaîne décroit d'une extrémité à l'autre, ici du nord (Mont Whitney, 13.2 Millions d'années) au sud, cette dernière étant la plus jeune. Elle compte deux volcans dont les sommets émergent bien des glaces: les monts Sidley et Waesche. Aucun des deux n'est répértorié au Global Volcanism Program (GVP), base de données référence mondiale des volcans actifs, mais le Waesche a débuté sa formation il y a moins de 1 million d'années. L'origine du magmatisme (conditions de production de magma dans le manteau) dans le secteur est toutefois généralement relié à une vaste zone de Rifting, une déchirure continentale (séparation de plaques tectoniques) similaire à celle qui déchire l'ouest de l'Afrique. La chaîne volcanique se trouve en fait sur le bord
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Malgré tout la morphologie de certaines structures (cônes, coulées) visibles sur la partie qui dépasse de la glace suggère une âge récent, en particulier sur le mont Waesche.
Pour mémoire: un volcan est considéré comme actif à partir du moment où il lui est attribué au moins une éruption dans les 10000 dernières années (l'Holocène). Cette dernière doit être reconnue soit directement (observation, récit historique), soit indirectement (datation Carbone 14 ou autre). A titre d'exemple, le Nabro, sur la frontière Erythro-Djiboutienne était considéré comme éteint jusqu'à son éruption de 2011.
Les chercheurs, s'orientant plutôt vers l'hypothèse volcanique, décident donc de faire des mesures géomagnétiques, les roches magmatiques et volcaniques possédant des caractéristiques magnétiques particulières, et radar pour sonder la glace.
Les premières révèlent une anomalie magnétique positive (champs magnétique plus fort) compatible avec la présence d'une zone magmatique au niveau de la croûte terrestre*. Elle est, de plus, centrée sur l'endroit où se sont produites le secousses sismiques.
La seconde révèle une couche de cendres piégé dans la glace. Elle serait dûe, à priori, à une éruption du Mont Waesche il y a 8000 ans (si cela se confirme, ce dernier devra donc entrer au GVP puisqu'il ya rua une trace d'activité de moins de 10 000 ans). C'est le signe que l'activité volcanique semble toujours présente dans le secteur.
Ils ont publié leur résultats dans revue Nature Geoscience du mois de Novembre.
Alors y a-t-il eu éruption dans ce secteur, au sud des volcans les plus jeunes de l'Executive Comitee Range? C'est difficile à déterminer car, lorsqu'il y a 1000 m d'épaisseur de glace, l'activité éruptive est littéralement étouffée par cette dernière. Il faudrait une éruption d'une très grande puissance, et probablement assez longue, pour que les signes de sa présence (panache, émissions de cendres etc) parviennent jusqu'en surface, après avoir fait fondre une bonne partie de l'épaisseur de glace.
Mais ce qui semble acquis, c'est que l'activité magmatique est toujours présente dans la zone et qu'une telle activité est possible.
Ils ont publié leur résultats dans revue Nature Geoscience du mois de Novembre.
Alors y a-t-il eu éruption dans ce secteur, au sud des volcans les plus jeunes de l'Executive Comitee Range? C'est difficile à déterminer car, lorsqu'il y a 1000 m d'épaisseur de glace, l'activité éruptive est littéralement étouffée par cette dernière. Il faudrait une éruption d'une très grande puissance, et probablement assez longue, pour que les signes de sa présence (panache, émissions de cendres etc) parviennent jusqu'en surface, après avoir fait fondre une bonne partie de l'épaisseur de glace.
Mais ce qui semble acquis, c'est que l'activité magmatique est toujours présente dans la zone et qu'une telle activité est possible.
Sources: Phys.org
A.C.Lough et al: "Sismic detection of an activ subglacial volcanic complex in Mary Byrd Land, Antarctica".
PS: La NASA vient de présenter le dernier Modèle Numérique de Terrain qui représente le continent Antarctique dénué de sa calotte de glace. On y voit en particulier très bien le Rift Antarctique. Je me suis donc basé sur ce modèle, appelé Bedmap2, pour présenter le contexte tectonique (écartement du continent Antarctique) dans lequel se trouve la chaîne de volcans présentée ci-dessus et la zone de sismicité anormale.
Le modèle bedmap2. Image: NASA's Goddard Space Flight Center/British Antarctic Survey |
*: pour faire simple: le magma qui provient de la fusion du manteau terrestre est de composition basaltique. Cette composition se caractérise entre autres par une forte teneur en fer. La croûte terrestre de son côté est pauvre en fer. De fait, lorsque du magma arrive dans la croûte, le fer qu'il contient produit une anomalie magnétique, qui permet de le visualiser.
** Lorsqu'on localise la zone sur Google Earth la chaîne volcanique est marquée comme étant orientée nord-sud. Je n'avais pas fait attention au moment de la rédaction de l'article où se trouvait le Méridien de Greenwich, le long duquel est définit l'axe nord-sud en Antarctique. J'ai donc corrigé le texte en me basant sur les cartes plus que sur l'indication de Google Earth.
Un formidable document. Très intéressant...
RépondreSupprimerEspérons que (volcans ou pas) ce continent reste vierge, et, a toujours réservé (uniquement) à la faune locale.