6 novembre 2013

Faire connaissance avec : Tempest Anderson

Quelqu'un dans la salle a déjà entendu le nom de Tempest Anderson? En toute honnêteté, ce n'était pas mon cas avant hier. Et pour cause: nul livre n'en fait mention et ses images d'éruptions sont depuis longtemps sorties des esprits. Quand à l'évoquer dans des cours de volcano moderne... n'y pensons pas, l'histoire de cette science n'y est même pas abordée.
Pourtant il est décrit dans tous les articles et dans l'exposition qui vient de s'ouvrir, pour le centième anniversaire de son décès, au Yorkshire Museum, comme le premier "chasseur de volcans". Ce terme, apparu récemment en France, regroupe celles et ceux (comme votre serviteur) dont l'esprit est mobilisé vers les volcans: les volcanophiles, mot que je préfère à titre personnel.
De facto il m'est impossible de ne pas parler de ce personnage sur ce blog.
Je vous invite donc à en découvrir les grands traits en même temps que moi.

Quelques généralités

Cet anglais, résident de la ville de York (du comté éponyme, au nord de l'Angleterre), chirurgien ophtalmique de formation et de métier, est né en 1846 et mort en 1913. Célibataire endurci il a consacré son intelligence à la construction d'outils de diagnostique des maladies oculaires. Il a aussi sacrifié son temps libre à l'exercice de sports de montagne, dans les Alpes en particulier, et à la participation à des œuvres caritatives et des sociétés savantes. Il fut membre toute sa vie de la Yorkshire Philosophical Society, dont il était le président à son décès.

La rencontre avec les volcans

L'approche s'est faite relativement en douceur concernant les volcans. Ses excursions répétées en montagne l'ont progressivement ouvert à la géologie, Science qui, à l'époque, avait encore une véritable place pour celles et ceux qui s'intéressaient à la Nature. La volcanologie étant alors une Science encore à l'état d'ébauche, il s'y est intéressé, estimant qu'il pouvait contribuer à une meilleur connaissance de ces montagnes un peu particulières. Ses compétences en optique, liées à son métier, l'ont incité à utiliser le média photo, encore assez peu répandu dans le milieu populaire, pour capturer les volcans en action. Il a mis au point un appareil photographique, doté d'une optique de son invention, qui fut plus tard mise aussi au point, de manière indépendante, par Kodak. Il est aussi l'un des premier à utiliser, pour des raisons évidentes de poids, confort, encombrement, des appareils photo à  objectifs interchangeables, dont les images sont faites sur des plaques de gélatine.
Bref: les questions qui se posent toujours aujourd'hui quand on va crapahuter pour quelques jours sur un volcan.

Il semble que la bascule du côté volcan se fasse en 1883. Il ne serait pas étonnant que cela fasse suite aux informations concernant la catastrophe (effondrement de caldera, tsunamis, immenses écoulements pyroclastiques et raz-de-marée) qui s'était alors produite au Krakatau en Indonésie. Je n'ai très concrètement rien trouvé qui permette de faire ce lien, mais je trouve étonnant cette concordance de dates*. Une fois pris dans les mailles du filet de Vulcain, il n'en échappera plus. Ses voyages vacances au départ assez court s'allonge progressivement au fur et à mesure qu'il se rend sur des destinations toujours plus lointaines. Il parcours bien entendu les volcans d'Europe, car à l'époque, en plus de l'Etna et du Stromboli, le Vésuve est fréquemment en éruption. Pour nous volcanophiles européens, dont ces volcans proches sont plutôt bien connus, il est émouvant de voir les images du Stromboli ou du Vésuve qui ont été publiées dans la presse.


Activité strombolienne sur le Stromboli, vue depuis le sud (au-dessus de Ginostra). Image: Tempest Anderson/Guzelian

Dès 1900 il avait déjà visité, en plus de l'Europe, l'Islande, les volcans américains et certains édifices Mexicains ce qui, vu les temps de parcours de l'époque, traduit son implication dans cette passion.
Cette dernière était tellement chevillée au corps que l'on dit même qu'il avait deux sacs toujours prêts: un pour les pays chauds, l'autre pour les pays froids, afin de pouvoir partir sur l'instant à l'annonce de toute nouvelle éruption quelque part dans le monde*. Cela était aussi possible parce qu'il fut le premier en ville à posséder un téléphone.
Avant la fin de sa vie il aura aussi mis le pieds sur des volcans indonésiens, Philippins, Hawaïen, Samoans, Néo-Zélandais.... Bref: un globe-trotter façon volcan. Il en a rapporté quelques 5000 photos: un patrimoine unique (que j'aimerais bien parcourir, car il doit y avoir de véritable perles).

Tempest Anderson en Islande,en 1890. Image:auteur inconnu (non précisé par la source)
T.Anderson (3ème à droite) au Vésuve en 1906. Image: auteur inconnu (non précisé par la source).
T.Anderson assis à côté d'une belle bombe en Croûte de Pain, au Colima vers 1900. Image: auteur inconnu (non précisé par la source)
Paysage dévasté par l'éruption de la Soufriere de St Vincent. Image: auteur inconnu (non précisé par la source)

Ses photographies d'éruptions volcaniques et ses observations commencent à le faire connaitre des milieux scientifiques officiels de l'époque. Sa renommée devient suffisamment importante pour qu'il soit envoyé dans les antilles en 1902 pour rendre compte de la double catastrophe de la Soufriere de St Vincent (30 mars, 06 mai, 1500 à 1600 morts) et de la Montagne Pelée (environ 28000 morts le 08 mai). Là il photographie les dégâts dûs aux écoulements pyroclastiques de la Soufriere de St Vincent et fait des images du phénomène à la Montagne Pelée. Ces observations l'incitent à rapprocher ces "nuées ardentes" (qui n'ont pas encore ce nom à ce moment là) aux avalanches de neige qu'il a observé dans les Alpes, en terme de dynamisme d'écoulement. Comparaison qui, à l'époque, lui vaudra une publication par la Royal Society.

Ecoulement pyroclastique de la Montagne Pelée.Image: auteur inconnu (non précisé par la source).
 
J'ai en tout cas été vraiment étonné par les quelques éléments, malheureusement trop rares, concernant ce personnage qui m'était tout à fait inconnu jusqu'à hier, et que j'aimerais pouvoir découvrir plus avant.
* Si certain(e)s d'entre vous allez faire un tour à l'expo, n'hésitez pas à demander des détails aux guides. Je publierais avec plaisir vos témoignages sur ce blog.


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