17 juillet 2013

Avant une explosion, le volcan Redoubt...grince

Petit rappel en guise d'introduction

Avant et pendant une éruption, les édifices volcaniques sont sujets à une vibration particulière appelée "trémor". Elle est souvent considérée comme l'un des signes précurseurs d'une potentielle éruption et est donc particulièrement scrutée par les volcanologues.

Signal de type "trémor" associé à l'émission de cendres du 14 juillet par le Tungurahua. Image : IGEPN

Ce type de vibration sismique a des caractéristiques assez variables.

- une fréquence le plus souvent comprise entre 2 et 3 hertz. Pour mémoire, la fréquence audible théorique pour l'oreille humaine est comprise entre 20 et 20000 Hz.

- c'est une vibration qui dure de quelques minutes à plusieurs mois, souvent associée à un processus éruptif en cours (émission de coulées, émission de gaz et cendres, etc.). Mais il peut aussi apparaitre en dehors de toute manifestation éruptive. Sa longévité, qui diffère de celle de tous les autres signaux sismiques, est sa principale caractéristique.

- c'est une vibration relativement superficielle, souvent générée dans les 10 premiers kilomètres sous l'édifice volcanique. Des trémors ont cependant été enregistrés jusqu’à 40 km de profondeur.


De très nombreux modèles se sont attachés à vouloir comprendre quel(s) mécanisme(s), à l'intérieur d'un édifice, étai(en)t susceptible(s) de produire ce trémor.
Les spécialistes ont déjà élaboré plusieurs modèles :

* vibration des parois d'une fissure, induite par l'écoulement d'un fluide. Un cas un peu similaire à celui d'une feuille d'herbe coincée entre ses doigts qui se met à siffler lorsqu'on souffle dessus.

* phénomène de cavitation de bulles de gaz dans les fissures, la cavitation étant la formation puis l'implosion des bulles lors d'une variation de pression. On pourrait le comparer au crépitement de la bouilloire quand on prépare le thé, ce dernier étant lié à l'implosion de petites bulles de vapeur qui apparaissent au contact entre la résistance et l'eau.

* phénomènes de résonance dans des fissures emplies de fluides magmatiques (magma ou autres).


En tout cas il semble couramment accepté que ce qui parait être un signal continu est en réalité une succession ultrarapide de petites secousses individuelles.

Le cas du Redoubt

Des scientifiques américains emmenés par la géophysicienne (et dessinatrice) Alicia Hotovec-Ellis, ont enregistré des phases de trémor sur le volcan Redoubt, imposant stratovolcan érigé en Alaska, à 170 km au sud-ouest d'Anchorage.
Mais, surprise, la fréquence atteinte par ce dernier était si importante qu'il pouvait être entendu "à l'oreille nue". Ce son, à peine perceptible, est une sorte de grincement d’extrêmement basse fréquence, presque un souffle, à la limite de l'infrason. Accéléré 60 fois, voilà le résultat, plus audible:




Le trémor est le grincement qui occupe toute la première partie de l'enregistrement, jusqu'au creux à droite. Le grondement à la fin de l’enregistrement est le signal sismique associé à une activité explosive.

Les géophysiciens se trouvent un peu embêtés avec ce type de signal car il est difficile d'expliquer la création de si hautes fréquences par les modèles actuels.

Mais déjà les hypothèses arrivent et celle qui semble la plus prometteuse pour le moment explique que le magma, matériau très visqueux, est forcé de s'infiltrer dans de petites fissures sous l'effet de sa très haute pression. Une sorte d'injection imposée qui génère des contraintes mécaniques extrêmes dans les roches, libérées par une succession de vibrations d'ultra haute fréquence (pour un trémor, mais très basse fréquence pour l'oreille). 

Le modèle proposé est globalement simple, et se déroule alors que le magma est déjà en cours de progression vers la surface. En une fraction de seconde, la pression augmente en un point et force le magma à s'injecter en créant des micro-fractures. Lorsque la roche cède, l'énergie mécanique est libérée sous la forme d'une secousse de très haute fréquence. L'excédent d'énergie mécanique étant libéré, la pression ré-augmente et le magma est à nouveau injecté de force, provoquant la fracturation, etc.
C'est l'enchaînement ultrarapide de ces micro-événements qui donne le signal continu enregistré.


Mais quelle importance?

Les géophysiciens se sont rendu compte que ce signal était généré alors que le Redoubt produisait des explosions depuis déjà plusieurs jours. Il apparaissait quelques minutes à quelques heures avant une explosion avec une petite particularité: très peu de temps avant, le signal disparaissait totalement et le volcan devenait silencieux.
Pour les géophysiciens ce silence, un peu lugubre, est lié au fait que le magma a fini de remplir les fissures et qu'il n'y a plus de fracturation. 

Cette découverte est avant tout une promesse de mieux comprendre les mécanismes qui permettent au magma de migrer progressivement vers la surface. Mais avec ses caractéristiques, ce type de signal pourrait aussi servir d'alerte pour surveiller la préparation d'une explosion dans un processus éruptif déjà engagé.



Et si vous voulez en savoir plus sur la cavitation, voilà deux vidéos.
La première est filmée à vitesse normale. Au moment où il est secoué, le tube émet un son lié à la cavitation d'une bulle (on l'aperçoit très brièvement d'ailleurs). Le tube n'est tapé sur aucune surface, il est juste secoué verticalement.



La seconde vidéo reprend la même expérience, mais filmée à très grande vitesse pour donner le ralenti.
On vois parfaitement bien la cavitation des bulles, qui apparaissent et disparaissent, probablement comme le font les bulles de gaz dans un conduit volcanique.



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