11 mai 2013

L'essaim de secousses de la Ride de Reykjanes

Entre avant-hier matin et hier soir la Ride de Reykjanes, prolongement sous-marin du système volcanique de Reykjanes, a connu un essaim de secousses relativement important. Ce n'est pas le premier essaim de cette nature qui est enregistré à cet endroit (les plus récents datent de septembre et novembre 2012), mais on peut toujours se demander quelle en est la cause.

Essaim de secousses sur la ride de Reykjanes
Graphique qui montre la répartition des hypocentres de l'essaim en fonction du temps. La taille des cercle est fonction de la magnitude.




On peut noter plusieurs choses quand à cet essaim:
- tout d'abord, il est marqué par la présence de fortes secousses, de magnitude supérieure à 3, voire plus de 4 pour certaines. Les secousses les plus importantes ont toutes eu lieu à plus de 10 km de profondeur.
- ensuite cet essaim se déroule par "salves" de quelques heures, intercalées par des moments de plus faible sismicité.
- les secousses de plus forte magnitude se trouvent en début de "salve" et sont suivies par la période la plus dense en secousses.
- enfin il se localise au niveau d'une édifice volcanique sous-marin, qui a été historiquement actif, le Reykjaneshryggur, zone volcanique rattachée à la péninsule de Reykjanes.

Essaim de secousses sismiques sur la ride de Reykjanes
L'essaim de secousses sur la Reykjanes Ridge, du 09 au 10 mai 2013.


La zone de Reykjanes Ridge s'étale sur une très grande distance, environ 1000 km. Au sud elle s'arrête vers 56.4° de latitude nord . Au nord, elle s'arrête au niveau de la péninsule de Reykjanes, où la dorsale médio-atlantique émerge hors de l'eau.
La ride de Reykjanes est décrite comme une portion particulière de la Ride Médio-Atlantique, dont l'écartement "normal" est fortement perturbé par la présence du point-chaud islandais, centré sous le glacier Vatnajökull. Dans ce contexte géologique complexe la ride de Reykjanes présente un comportement spécifique, dont les essaims de séismes sont l'un des marqueurs. Lors d'une campagne de déploiement d'hydrophones en 2002-2003, une série d'essaims sismiques similaires à celui qui vient de se terminer (ou de faire une pause, qui sait?), ont été enregistrés. Les analyses des signaux sismiques ont alors montré que les secousses avaient une double origine.

Essaim de secousses sismiques sur la ride de Reykjanes ,2002-2003
Les essaims de secousses enregistrés en 2002-2003 ressemblent, à priori, à l'essaim actuel.

* Tout d'abord celles dont la magnitude est la plus importante (le début des "salves") ont une origine tectonique: la roche constituant la croûte (basalte, gabbros...), mise sous tension par les forces d'écartement (extension) fini par céder et libère la tension accumulée sous forme, entre autres, d'ondes sismiques.

* Après cette secousse initiale, des séismes de moindre magnitude (le reste de la "salve") se succèdent pendant plusieurs heures. L'analyse de ces ondes montre qu'elles ne sont pas de simples répliques du séisme initial mais sont provoquées par des remontées de fluides (fluides hydrothermaux et/ou magma), qui profitent des fractures nouvellement ouvertes pour se déplacer vers la surface. Cette injection de fluides sous pression est à l'origine de la fracturation "secondaire". Il s'agit-là du processus qui accompagne la mise en place de dykes (filons de magma) ou de fluides fortement minéralisés (fluides hydrothermaux) dans la croûte océanique.
 
Au vu de ses principales caractéristiques cet essaim de secousses ressemble à ceux enregistrés et analysés en 2002-2003. Malgré sa localisation sur une zone volcanique active (dernière éruption reconnue avec certitude : 1926) son origine ne semble donc pas volcanique mais tectonique (car le fluide ne fait que profiter des fractures qui s'ouvrent pour remonter mais ne les provoque pas lui-même). La totalité de l'essaim sismique se localise en effet à moins de 20 km de profondeur, c'est-à-dire au sein de la croûte océanique à en croire cette carte du Moho en Europe (le Moho marque la base de la croûte).

Données : Grad, M., Tiira, T., and ESC Working Group, 2009. The Moho depth map of the European Plate, Geophys. J. Int. 176, 279-292. doi: 10.1111/j.1365-246X.2008.03919.x.

Il faudra toutefois attendre des analyses plus poussées de la part des spécialistes afin de savoir si cet essaim à, en effet, les même caractéristiques que ceux de 2002-2003.

Sources :
IMO; J.Goslin et al "Long-term seismicity of the Reykjanes Ridge (North Atlantic)
recorded by a regional hydrophone array" (in, Geophysical Journal International; 2005)

Grad, M., Tiira, T., and ESC Working Group, 2009. The Moho depth map of the European Plate, Geophys. J. Int. 176, 279-292. doi: 10.1111/j.1365-246X.2008.03919.x.



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