24 avril 2013

Nevado del Ruiz: point sur la situation

Depuis le 10 avril le Nevado del Ruiz inquiète les populations qui lui sont proches. Quotidiennement les habitants des villages voisins ressentent des secousses. Celles-ci ont été identifiées, de par leurs caractéristiques, comme étant d'origine volcano-tectoniques: elles résultent de la fracturation des roches sous la pression de fluides, généralement du magma.
La plupart des foyers se localisent à quelques kilomètres au nord-ouest de la zone sommitale du volcan et sont globalement plus intenses que la sismicité habituelle de l'édifice.

localisation de la sismicité au volcan Nevado del Ruiz
L'essaim de secousses actuel se trouve au nord-ouest du sommet. Données : observatoire de Manizales pour les foyers sismiques, ASTER pour la topographie; logiciel Generic Mapping Tools.


localisation de la sismicité au volcan Nevado del Ruiz
Les foyers sismiques de la crise actuelle se marquent bien à droite du graphique. La taille des cercles est fonction de la magnitude des séismes.  Données : observatoire de Manizales pour les foyers sismiques; logiciel Generic Mapping Tools.



Sur le graphique ci-dessus on voit nettement que l'essaim de séismes se localise entre 5-6 et 8-9 km de profondeur. Or dans un article paru en 2003 ("Mechanisms of degassing at Nevado del Ruiz volcano, Colombia", dans le Journal of the Geological Society, London,), Stix et al, qui ont travaillé sur les inclusions fluides concluent que le magma qu'ils ont analysé à l'époque a cristallisé dans de petites chambres magmatiques, vers 5 km de profondeur. Ce modèle est confirmé par d'autres travaux, publiés la même année par Londoño et Sudo ("Velocity structure and a seismic model for Nevado del Ruiz Volcano (Colombia)", dans JVGR), qui ont tiré de l'analyse d'ondes sismiques le schéma suivant:





schéma de la structure interne du volcan Nevado del Ruiz



On note sur ce dessin la présence de trois zones de stockage magmatique:
* la plus profonde, à plus de 10 km sous la surface.
* une intermédiaire, vers 6 km de profondeur, où se localise aussi la sismicité actuelle.
* une superficielle, à moins de 2 km de profondeur.

La crise actuelle pourrait donc être associée au "travail" d'une petite chambre intermédiaire. Il se trouve par ailleurs que cette sismicité accrue s’accompagne, en surface, d'un dégazage important, associé à des émissions de cendres sporadiques qui ont déjà donné lieu à des chutes de cendres: on comprend alors pourquoi l'inquiétude règne. Ce genre de situation est d'autant plus sensible que ce volcan est à l'origine de la catastrophe d'Armero, en 1985, qui reste un souvenir douloureux pour tous les voisins du Nevado del Ruiz et pour tous les acteurs de la gestion des risques naturels.

En résumé:
1°- cette sismicité se localise entre 5 et 9 km de profondeur soit au niveau d'une possible chambre superficielle de volume modeste.
2°- le fait que l'activité superficielle (dégazage + émission de cendres) ait augmenté presque en même temps que le début de la crise sismique semble indiquer que la communication est, au moins partiellement, ouverte entre la chambre et la surface. Cette communication se fait peut-être par l'intermédiaire d'une petite chambre superficielle.
3°- la connaissance des risques volcaniques (voir la carte de risques) et les moyens de surveillance mis en œuvre par la Colombie sont bien plus importants qu'en 1985 et la communication avec les populations bien plus dense. On peut donc supposer que la réactivité en cas de crise volcanique majeure sera à la hauteur des enjeux, contrairement à 1985.
4°- la crise a débuté il y a une petite quinzaine de jours mais elle ne semble pas s'accentuer pour le moment.

Bien que la vigilance soit de mise pour les volcanologues et les acteurs civiles de la gestion des risques, la situation, bien qu'inquiétante puisqu’anormale pour ce volcan, n'est pas critique.
Sur place, la directrice technique du service géologique colombien a d'ailleurs déclaré hier à la presse qu'aucun volcanologue n'a encore annoncé qu'une activité éruptive allait se manifester dans un délai court, probablement dans le but de couper l'herbe sous le pied d'une éventuelle surmédiatisation de la situation.
Cependant la crise justifie que le niveau d'alerte jaune soit maintenu et que les mécanismes de gestion des risques qui lui sont associés soient mis en place (voir figure ci-dessous).

Les actions de gestion de risques associées au niveau d'alerte jaune, en Colombie.
Liste des éléments qui définissent les niveau d'alerte

Finalement le maintient du niveau d'alerte au jaune atteste assez bien du fait que les volcanologues n'ont pas encore relevé de signaux trop inquiétants (par exemple : une sismicité qui montre la migration du magma vers la surface ou une recrudescence de l'activité superficielle). Aucun d'entre eux n'exclue qu'une éruption aura lieu, mais personne ne peut se risquer d'affirmer que ça sera le cas, et encore moins de répondre à la question "quand?".

Une chose est sûre quand même: à voir comment le site web de l'observatoire de Manizales (OVSM) met ses informations à jour (tous les jours, parfois plusieurs fois par jour), on peut être sûr que les volcanologues colombiens sont sur le qui-vive et prennent à cœur leur travail d'information auprès du public.


Je vous tiendrais bien sûr informé de l'évolution de la situation.

Sources : Observatoire de Manizales; journal El Universal.

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