6 septembre 2014

Le point du jour sur l'activité du volcan Bardarbunga (Bárðarbunga) (mis à jour 07 septembre 21h01)

L'éruption se poursuit sur les deux systèmes de fissures, avec une activité toujours plus intense sur celui apparu le 31 août. La coulée qui s'en échappe, toujours très très bien alimentée, progresse vite et se rapproche rapidement de la jonction entre la rivière Jokulsá á Fjöllum et son
principale affluent, le champ de lave progressant entre les deux. Le front actif, qui avance d'environ 40 m par heure, ne se trouve plus actuellement qu'à quelques centaines de mètres de cette jonction et pourrait être dès demain en contact avec l'eau de la Jokulsá á Fjöllum.

Extension des coulées de lave du volcan Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun,le 06 septembre
Progression des coulées de lave depuis le 31 août. Image: Université d'Islande
 
Pour les spécialistes des contacts eau-lave, l'instant peut être vraiment intéressant et l'occasion de voir se former en direct un certain nombre de types de roches ou des morphologies particulières observées sur le terrain, sur des zones d'anciennes éruptions. On peut par exemple espérer voir se former des pseudo-craters, issus de la vaporisation de l'eau sous la coulée, et qui fait sauter la surface de cette dernière, voire même la formation de pillow lava qui pourraient apparaitre, selon le spécialiste Ben Edwards, si la lave progresse lentement dans une profondeur d'eau de seulement quelques mètres. Il pourrit même se former des "cônelets sans racines": la vapeur en s'échappant à travers la coulée, produit une petite activité explosive, sorte de fausse activité strombolienne, qui édifice un petit cône sur la coulée par l'accumulation des projections. Ce type d'objet géologique a, entre autres, été décrit en Auvergne, sur la coulée du Puy de Tartaret, au niveau du lac Chambon, près de Murol (géographiquement dans la Massif du Sancy mais géologiquement associée à la Chaîne des Puys). Pour celles et ceux d'entre vous qui seraient intéressés pour venir voir ces cônelets, voici déjà une rapide infographie pour les repérer sur Google Earth (pas très jolie comme infographie, mais c'est pas facile sans le matériel adéquat :-) ).

Le cône volcanique du Tartaret
Les "cônelets sans racines", sur la coulée de lave du Puy de Tartaret, ont été formés parce que la coulée est passée sur une zone marécageuse (Ph.Glangeaud, repris dans la notice du livret "Volcanologie de la Chaîne des Puys" de P.Boivin et al)


Pour en revenir sur la situation au Bardarbunga, l'information probablement la plus importante du jour est la détection d'une dépression profonde de 15 m au niveau sur le glacier qui recouvre la caldera sommitale du volcan, précisément là où, depuis quasiment le début de la crise, une sismicité relativement forte est détectée. Cet affaissement n'est, d'après les spécialistes sur place, pas en lien avec une quelconque fonte du glacier, mais simplement le résultat de l'affaissement du sol de la caldera. Pour mémoire ce dernier, à l'origine de la sismicité détectée à l'aplomb de la caldera, a pour origine l'évacuation du magma dans le dyke. Cette dépression, invisible à l'oeil nu, a été détectée par comparaison des données radar (LIDAR) prisent hier avec d'autres réalisées en 2011. Par cette méthode les volcanologues ont pu obtenir la carte ci-dessous (la zone la plus profonde est en rouge).

Le volume correspondant à cette dépression est estimé à 0.25 km3 (250 millions de m3, soit un peu moins que le volume du dyke, qui était estimé à 350 millions de m3).


Affaissement de la glace au sommet du volcan Bardarbunga, 06 septembre 2014
La dépression du glacier qui rempli la caldera est le signe en surface de l'affaissement du sol de la caldera, quelques 800m en dessous. Image: Université d'Islande.


Les volcanologues Islandais s'accordent à dire qu'un tel affaissement n'a pas eu d'équivalent depuis celui qui a suivit l'éruption plinienne de l'Askja en 1875 et qui, à terme, a été remplit par le lac Öskjuvatn (voir ce lien à ce sujet): clairement, c'est un événement volcano-tectonique vraiment important.

Concernant le glacier, la dépression située à 6 km du rebord du glacier Dyngjujokull, qui s'est élargie ces derniers jours et fait environ 35 m de profondeur, est accompagnée maintenant d'une collègue située quand à elle à 10 km du rebord. Une photo de la première fait à raison le tour de la toile de par son esthétique positivement surprenante.


L'autre image du jour qui m'a fasciné est une photo faite sur le rebord ouest du graben qui a fait son apparition le 3 septembre: un bel exemple de ce que les géologues appèlent une faille normale. Le décrochement, qui est la hauteur sur laquelle le mouvement s'est effectué est de plusieurs mètres.

Faille normale sur le bord du graben apparu dans la plaine d'Holuhraun, pendant l'éruption du volcan Bardarbunga
Le rebord ouest du graben est un parfait exemple de ce qu'est une faille normale. Image: Thor Thordarson/Université d'Islande pour la photo; NASA pour le dessin du graben; Infographie: Culture Volcan

La sismicité et la déformation (mesurée par GPS) dans la plaine d'Holuhraun sont de pus en plus faibles, signe que le dyke a fini de s'installer dans la croûte: la pression du magma qui y circule ne lui sert maintenant plus qu'à sortir pour faire éruption, mais plus à déformer la croûte. Cependant, la croûte étant fragilisée, la possibilité de voir d'autres fissures s'ouvrir reste d'actualité, y compris sous le Dyngjujokull. D'ailleurs la présence des deux chaudrons décrits ci-dessus plaide en faveur d'une petite activité éruptive, qui pourrait être à l'origine du pic de trémor jusqu'à présent inexpliqué, qui avait provoqué l'évacuation au pas de course de toutes les personnes présentes sur le site de l'éruption, le 03 septembre.

Affaire à suivre donc.

Mise à jour 07 septembre, 16h30

Comme prévu par les volcanologues, le front de la coulée de lave a atteint ce matin le lit de la  rivière Jokulsá á Fjöllum, produisant une vaporisation que l'on peut voir sur la webcam 1 de MILA (plan large) sous la forme de discrets panaches de vapeur.

Panache de vapeur lié à l'arrivée de la coulée de lave dans le lit de la rivière Jokulsá á Fjöllum. Image: MILA

Sur le terrain l'événement était attendu et les volcanologues de l'Université d'Islande étaient sur place pour y assister, notamment parce que les autorités ont accepté de lever l'interdiction d'accès à la zone.......uniquement pour les volcanologues et médias dûment accrédités bien sûr! Vu la configuration du terrain (une plaine ouverte) et le nombre d'hélicoptères et d'avions qui doivent survoler la zone, soit pour le transport des médias, soit pour des activités de tourisme, il n'y a probablement pas moyen de tenter sa chance.


La coulée de lave du volcan Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun, entre dans le lit de la rivière Jokulsá á Fjöllum; 07 septembre 2014
Le front de la coulée dans le lit de la rivière Jokulsá á Fjöllum, et un panache de vapeur surmonte le tout. A droite de l'image un véhicule donne l'échelle de la coulée qui est ici à environ 10 km de sa source. Image: Université d'Islande
La surface occupée par la coulée dépasse maintenant les 16 km2 (environ 2300 fois la surface d'un terrain de foot pro), et elle reste très bien alimentée par la fissure principale de l'éruption, ouverte le 31 août et progresse d'environ 1 km par jour, grâce à un déabit à la source de 200 à 300 m3/seconde.
A proximité de cette dernière les volcanologues de l'Université d'Islande ont pu observer de grandes quantité de Cheveux de Pélé, fragments de lave propulsés par les fontaines, puis emportés et étirés par le vents jusqu'à devenir de fins filaments de verre volcanique. On aurait pu aussi appeler ça "la Barbapapa de Pélé", vu que le principe de formation est un peu le même, mais là c'est le gourmand qui parle....et puis "Barbapapa" pour une déèsse, c'est pas top non plus!


Cheveux de Pélé produits par l'éruption du volcan Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun, 07 septembre 2014
La déesse Pélé a perdu une tresse de ses cheveux en Islande. Image: Thor Thordarson/Université d'ISlande

Mise à jour 07 septembre, 21h01

Les dernières informations envoyées depuis le terrain indiquent que le second jeu de fissures (ouvert le 05 septembre) n'est maintenant plus actif et semble avoir cessé de fonctionner dans la journée, ce que confirme une photo fait d'avion aujourd'hui.


Le système de fissures ouvert le 05 septembre s'est éteint le aujourd'hui. Image: Ómar Ragnarsson
Concernant la fissure nord, ouverte le 31 août, l'activité se poursuit mais sur seulement deux, le centrale et le sud (respectivement appelés Baugur ("l'anneau") et Suðri ("le plus au sud")) des trois évents sur lesquels s'était focalisée l'activité de fontaines. L'évent nord (Norðri = "le plus au nord") semble continuer d'alimenter les coulées.


Sources: IMO; Protection Civile Islandaise; Université d'Islande; Rùv.is; Carte volcanologique de la Chaine des Puys (P.Boivin et al, éditée par le Parc Naturel Régional des Volcans d'Auvergne).

6 commentaires:

  1. Merci ça va me servir pour la sortie la semaine prochaine dans les Mont Dore :D

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    1. Pas de quoi! C'est la sortie de cartographie du LMV? Plutôt un bon souvenir :-)

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    2. Oui celle de Master 1, je cherche de la documentation sur le Mont Dore, pour me renseigner, mais quasiment impossible à trouver ^^

      En tout cas j'adore votre blog, il est juste génial (je le consulte tous les jours)

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    3. Salut Jordan,

      Qui sont les accompagnants pour la sortie dans les Monts-Dores cette année ? Ben ?
      Tu verras la pension est très bien et le stage permet de former une bonne cohésion. Bonne année,

      Ludovic Leduc

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  2. Salut Ludovic, il s'agit de Jean Luc Froger, Patrick Bachèlery et Thierry Menand. La station est sympa en effet, pas le climat d'aujourd'hui x) avec un gros orage ^^

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