Car oui! L'Australie, avec son exceptionnelle géodiversité, issue de sa longue et complexe histoire géologique (certaines roches contiennent les plus anciens minéraux terrestres connus, des zircons datés à 4.374 milliards d'années), fait partie des pays qui ont, sur leur territoire, des volcans actifs. Si le plus actif d'entre eux, et point culminant du pays par ailleurs, est en fait une île isolée dans l'Océan Indien à 6000 km de la capitale, à savoir le volcan Heard Island (en éruption fréquemment ces deux dernières années), une autre zone volcanique dite "active" ne s'en trouve séparée que de 600 km: le Newer Volcanic Field (NVF pour la suite, histoire de me simplifier un peu la tâche), situé aux portes de Melbourne, au sud du continent.
Le NVF est carrément inconnu du grand public, et pour cause: la plus récente éruption remonte à environ 5000 ans et, franchement, le paysage n'est pas immédiatement caractéristique des zones volcaniques puisqu'il s'agit d'une immense plaine, largement cultivée. Une bonne partie des indices qui signent habituellement la présence de volcans actifs dans le paysage (coulées récentes, cônes maars etc) sont ici dissimulés soit par l'activité humaine soit par des zones humides. Il n'est pas donc
pas étonnant que même les géologues ne la connaissent qu'en partie. Et d'ailleurs ce n'est pas exactement l'observation directe qui a permis de découvrir la présence d'autres édifices, en plus des quelques 400 déjà identifiés dans cette vaste zone.
pas étonnant que même les géologues ne la connaissent qu'en partie. Et d'ailleurs ce n'est pas exactement l'observation directe qui a permis de découvrir la présence d'autres édifices, en plus des quelques 400 déjà identifiés dans cette vaste zone.
Assez rares en effet sont les volcans immédiatement identifiables, comme le cône et sa coulées boisées du Mont Napier, ou les superbes maars ouverts dans les faubourgs de la Ville du Mont Gambier.
Le cône du Mont Napier en haut et les maars de la Ville du Mont Gambier en bas. |
Mais une petite présentation s'impose d'abord.
Avec la Chaîne des Puys dont on a parlé cette semaine avec le report de son classement au patrimoine mondial de l'UNESCO, le NVF partage un point commun: ils sont tous deux classés comme "champ volcanique" à savoir un regroupement, sur une surface plus ou moins grande, de petits édifices chacun construit par une activité éruptive unique*.
Avec la Chaîne des Puys dont on a parlé cette semaine avec le report de son classement au patrimoine mondial de l'UNESCO, le NVF partage un point commun: ils sont tous deux classés comme "champ volcanique" à savoir un regroupement, sur une surface plus ou moins grande, de petits édifices chacun construit par une activité éruptive unique*.
Pour faire simple: la lave n'est presque jamais sortie deux fois au même endroit et n'a donc pas construit un seul grand volcan, dit "stratovolcan", mais de très nombreux petits.
L'une des principale différence? Le NVF est "volcaniquement monotone" avec surtout des cônes et leurs coulées, et des maars, alors que la Chaîne des Puys regroupe à peu près tous les types d'édifices monogéniques connus, exceptés les édifices surtseyens, sous-marins.
En ce qui concerne le NVF, l'activité débute, pour ce que l'on en sait actuellement, il y a environ 4.6 millions d'années, peut-être plus (le chiffre de 8 Millions d'années a été avancé). La source du magmatisme qui a alimenté les éruptions du NVF reste encore à préciser mais l'hypothèse la plus couramment admise est qu'il pourrait s'agir d'un "résidu" de l'époque à laquelle le sud de l'Australie s'est séparé du nord de l'Antarctique, il y a environ 95 millions d'années (début du Crétacé Supérieur pour celles et ceux qui aiment bien la géologie). La présence d'un point chaud (remontée de manteau plus ou moins profond à haute température) est aussi avancée, sur la base d'une migration vers le sud des zones volcaniques depuis 60 millions d'années. Cet éventuel point chaud se trouverait actuellement sous le détroit de Bass, qui sépare l'Australie de la Tasmanie.
La séparation Antarctique-Australie, qui signe la fin du supercontient Gondwana, a pu créer dans le manteau une anomalie thermique persistante, qui expliquerait par ailleurs que du volcanisme existe dans le sud-est Australien depuis le Crétacé Supérieur. La trace de cette séparation est perceptible dans la forme du champs volcanique dans son ensemble. Couvrant une immense surface de 15 à 19 000 km², ses centres éruptifs s’égrainent d'Est en Ouest, le long des failles créées lors de cette déchirure continentale qui remonte, faut-il le préciser, d'avant la disparition des dinosaures**. Les failles d'antan ont simplement servi de guides aux magmas produits dans le manteau depuis 4.6 millions d'années. La dernière éruption connue, celle du Mont Gambier, s'est produite il y a 5000 ans générant, d'après des reconstitutions basées sur les données de terrain, un panache de cendres haut d'une dizaine de kilomètres (VEI4).
Le Mont Gambier, trace de la dernière éruption connue dns le Newer Volcanic Field. |
Les laves émises depuis le début de ce volcanisme sont assez homogènes: ce sont des basaltes particulièrement fluides qui ont produit:
- soit des éruptions stromboliennes classiques avec émissions de lave sous forme de projections (fabrication des cônes) et de coulées. Lors de ces éruptions, l'activité explosive s'est parfois manifestée sous forme de fontaine de lave, à la manière des éruptions qui peuvent se produire sur Hawaï. Les coulées sont d'ailleurs souvent de type Pahoehoe (très fluides et lisses) dans le NVFet peuvent s'empiler sur plus d'une centaine de mètres d'épaisseur dans certaines zones.
- soit des éruptions phréatomagmatiques avec ouverture de maars lorsque le magma ascendant est entrée en contact avec de l'eau. Ils sont particulièrement nombreux dans le NVF car les nappes phréatiques ne sont jamais loin sous la surface: il suffit, pour s'en convaincre, de regarder sur Google Earth le nombre de lacs qui occupent la zone.
- soit des éruptions stromboliennes classiques avec émissions de lave sous forme de projections (fabrication des cônes) et de coulées. Lors de ces éruptions, l'activité explosive s'est parfois manifestée sous forme de fontaine de lave, à la manière des éruptions qui peuvent se produire sur Hawaï. Les coulées sont d'ailleurs souvent de type Pahoehoe (très fluides et lisses) dans le NVFet peuvent s'empiler sur plus d'une centaine de mètres d'épaisseur dans certaines zones.
- soit des éruptions phréatomagmatiques avec ouverture de maars lorsque le magma ascendant est entrée en contact avec de l'eau. Ils sont particulièrement nombreux dans le NVF car les nappes phréatiques ne sont jamais loin sous la surface: il suffit, pour s'en convaincre, de regarder sur Google Earth le nombre de lacs qui occupent la zone.
Après avoir étudié le NVF les volcanologues l'ont séparé en trois unités, appelées "Subprovinces" (prononcer à l'anglaise) : la Central Highlands Subprovince, la Western Plains Subprovince et la Mont Gambier Subprovince. Si je précise la chose c'est parce que les nouveaux édifices découverts se trouvent tous dans la Western Plains Subprovince, la plus grande des 3
Les volcanologues ont estimé, dès le milieu des années 70, que le volume de lave éjecté sous forme de fragments (cendre, lappilis,bombes/blocs), donc par de l'activité explosive, est d'environ 1%. De facto, 99% de l'activité éruptive a été effusive, l'étalement des coulées fluides expliquant ainsi en partie la création du relief particulièrement plat de la Western Plains Subprovince.
Localisation des 3 sous-zones du Newer Volcanic Field, aux portes de Melbourne. |
C'est en cherchant sur Google Earth des données sur la zone de la petite ville de Penshurst (240 km à l'ouest de Melbourne) que Julie Boyce, de l'Université de Monash, a remarqué des structures pouvant être liées à la présence de volcans encore non identifiés à ce jour. La zone possède quelques cônes et coulées visibles et dans la ville même de Penshurst l'un d'entre eux est exploité pour ses scories (sa "pouzzolane" comme on dit en Auvergne). Cependant le reste du paysage est "Waterlooesque": une vaste plaine, humide qui plus est, et largement anthropisée (agriculture, élevage essentiellement). Et c'est là toute la prouesse de J.Boyce et de ses collègues: parvenir à trouver, réèllement cachées, plus d'une vingtaine de structures dont trois sont des volcans confirmés et 20 autres en cours d'étude.
Le cône exploité de Pensursh et ses coulées, entourée d'une vaste plaine..où se cachent de nombreux autres volcans. |
Comme je vous le disais au début, ce n'est pas vraiment de manière directe que J.Boyce&co ont repéré ces volcans. Une fois les indices trouvés sur Google Earth, et la motivation au top, les scientifiques ont commencé à étudier la zone à l'aide de multiples outils, rarement tous utilisés en même temps:
- ils ont exploité les données topographiques haute résolution de la NASA afin de relever la présence de morphologies suspectes.
- ils ont effectué des relevé de magnétisme afin de déterminer la présence de structures volcaniques enfouies, les roches volcaniques ayant une signature magnétique différente de celle des roches environnantes.
- ils ont, enfin, étudié une multitude d'images satellites produites à partir de différentes longueurs d'ondes, cette technique permettant de mettre en évidence des détails qui ne seraient pas repérables avec les longueurs d'onde de la lumière visible.
En quoi cela est-il important, me direz-vous?
Tout d'abord il faut se souvenir que la zone est, d'un point de vue volcanique, potentiellement active: de nouvelles éruptions peuvent se produire.
Ensuite, il faut savoir, pour comprendre l'importance de la découverte, que les estimations sur la fréquence des éruptions est donnée actuellement à une tous les 10000 ans ou moins. Or cette fréquence calculée dépend de la connaissance que les volcanologues ont de leur zone d'étude: ce chiffre peut donc varier.
Pour un scientifique, quel qu'il soit, collecter une quantité suffisante de données est un travail essentiel pour comprendre le fonctionnement de son objet d'étude. Les volcanologues Australiens viennent donc d'augmenter la quantité de données disponibles sur le NVF, ce qui permettra d'affiner la compréhension de cette zone volcanique.
Une autres étude, publiée en 2013, sur le Mont Gambier avait permis de préciser l'intensité de l'éruption qui lui a donné naissance. Si une éruption équivalent se reproduisait maintenant l'impact économique serait considérable.
Et bien que le risque volcanique ne soit pas le risque naturel majeur actuellement pour le sud de l'Australie, cela ne veut pas dire qu'il n'y pas de risque du tout et toute information susceptible d'améliorer la compréhension sur le fonctionnement du NVF se traduira par une meilleure gestion d'une éventuelle crise future.
** du moins, presque tous les dinosaures puisqu'un groupe existe toujours. Mais pour en savoir plus sur ce sujet, il vous faudra aller visiter l'exposition temporaire 2014 du parc Paléopolis, Gannat, Allier.
Sources:
- Université de Monash
- Thèse d'Alison Hare, Septembre 2002 : "The Stratigraphy and Evolution of the Late Cenozoic intra-plate Werribee Plains, Basaltic Lava Flow Field, Newer Volcanic Province, Victoria, Autralia".
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