1 janvier 2019

Un point sur l'activité du volcan Karangetang (Indonésie)

Et bien avant d'attaquer ce premier post de l'année 2019, je tiens à vous remercier toutes et tous pour avoir été des lectrices et lecteurs attentifs du blog depuis sa création en 2013, partageant anecdotes, corrections et des remarques qui peuvent permettre de mettre en perspective certaines infos.
Attentifs, mais aussi compréhensifs en ce qui concerne les (et je le sais) nombreuses erreurs d'orthographe, fautes de frappe et autres fruits de ma (quasi) non-relecture qui se glissent régulièrement dans les textes. 
J'espère malgré tout que ce blog vous apporte de la satisfaction, en plus des informations! En tout cas, 2018 fut une année tout à fait exceptionnelle côté volcanisme, à plusieurs titres et notamment:
- parce que des éruptions stables depuis des décennies (Kilauea, Ambrym) ont brusquement pris fin (en tout cas jusqu'à présent)
- parce qu'à plusieurs reprises, des éruptions de styles variés ont eu des conséquences très diverses sur les populations proches (Kilauea, Ambae, Krakatau, Fuego) donnant une idée de la diversité des impacts possible, directs ou indirects, du volcanisme.
- parce qu'on a eu droit à un démarrage 2018 en trombe avec la première éruption historique d'un volcan Papoue (Kadovar) et une activité hydrothermale spectaculaire en pleine station de ski au Japon (Kusatsu-Shirane).
- parce qu'après quelques semaines d'une petite activité éruptive, tout à coup une fracture longue de 2 km s'ouvre et purge les conduits de l'Etna dans une sorte de pétage de plomb tellurique! Ce qui est toujours complètement dingue et, en ce qui me concerne, me fait dresser les quelques cheveux qu'il me reste sur la tête.
- parce que l'hypothèse que la crise sismique intense au large de Mayotte soit d'origine volcanique s'est renforcée avec le temps.

- parce que l'une des catastrophes les plus importantes de cette année 2018 (Fuego) s'est produite lors d'une éruption pourtant pas hyper intense (VEI 2), illustrant bien le fait que l'importance d'une éruption n'est pas le seul facteur de risques.
- parce qu'enfin un effondrement de flanc provoque un tsunami (Krakatau) meurtrier. Situation qui avait déjà été observée, mais jamais avec l'ensemble des moyens modernes à la disposition des scientifiques.


Si je devais synthétiser l'intérêt qu'à mes yeux (de vulgarisateur) 2018 représente, je dirais qu'avant tout elle a permis de montrer combien un édifice volcanique est une structure fragile, instable, capable de se fracturer, de se fissurer, de s'effondrer parfois
Ce qui reste, souvent, contre-intuitif ou en tout cas largement sous-estimé en dehors du cercle des volcanologues et amateurs éclairés. Et c'est normal d'ailleurs: le volcanisme est culturellement, presque intuitivement, associé à une idée de force, de puissance....pas de fragilité.

Ce qui me semble intéressant, c'est qu'à travers cette flagrante fragilité, c'est en fait un aperçu des immenses et complexes jeux de contraintes mécaniques à l’œuvre dans ce phénomène géologique que l'on appel "volcanisme" qui nous est offert. Nul doute que cette année 2018 aura d'ailleurs été une source immense d'informations et de données pour les volcanologues du monde entier, et j'ai hâte de voir quels seront les fruits de leurs analyses.
Mais 2018 est maintenant terminé, et pour 2019 qui commence, je vous souhaite à toutes et à tous, une bonne, et même très bonne, année. Qu'elle soit riche de vos rêves réalisés, de vos attentes comblées, de vos projets aboutis. Qu'elle soit aussi riche d'éruptions magnifiques, surprenantes, captivantes, merveilleuses,  inattendues, riches d'enseignements. En souhaitant, par contre, que leur impact sur les populations soit bien moindre que celui de 2018.
Encore merci tout le monde.

Bon! On va donc attaquer 2019 en douceur avec un petit point concernant l'activité sur le volcan Indonésien Karangetang, aussi appelé "Api Siau".

Pour mémoire, l'activité éruptive sur ce massif a débuté autour du 20 novembre au niveau du cratère nord, qui était considéré comme inactif, les éruptions se déroulant en général au niveau du cratère sud.
Cette activité a débuté par l'émission tranquille d'une lave de viscosité modérée qui a remplit le cratère nord, jusqu'à déborder dès la fin novembre dans les ravines du versant ouest et nord-nord-ouest. Depuis lors l'activité n'a pas changé d'intensité ou de style. Elle n'est pas devenue plus ou moins explosive par exemple, même s'il est difficile de dire si le débit auquel le magma sort de Terre a varié de manière significative ou non.
Quoi qu'il en soit cette lave a continué de déborder, sur le versant nord-ouest principalement, tout au long du mois de décembre 2018. Et cela a quelque peu modifié, localement, le paysage sur ce versant.
Sur la comparaison d'images ci-dessous, prisent les 17 août 2018 (gauche) et 30 décembre 2018 (droite), on peut remarquer que la ravine nord-nord-ouest en particulier a été majoritairement impactée  par cette activité, ainsi qu'une petite ravine à l'ouest (en début d'éruption).



Les images montrent ainsi que la partie amont de la ravine, qui était progressivement comblée au départ par les blocs de lave qui se décrochaient de la galette en débordement au sommet, a aussi été en partie comblée par une coulée de lave. Celle-ci est la conséquence logique de l'émission de lave modérément visqueuse: elle a remplit le cratère, débordé, et coulé. Sur l'image (30 décembre) elle mesurait environ 1600 m de long et était toujours active si l'on en croit la quantité importante d'infrarouge qu'elle produisait.

La coulée de lave, vue par les infrarouges qu'elle émet. Image: SENTINEL2-ESA/Copernicus

Cette activité n'est toutefois peut-être pas qu'effusive, puisqu'un peu de cendres a été décrite, ce qui suggère qu'une activité explosive, visiblement pas très intense, se déroule.
Globalement l'éruption, telle qu'elle se déroule actuellement, ne semble pas générer de problèmes particuliers. En tout cas rien n'est décrit en ce sens mais les volcanologues, qui maintiennent le niveau d'alerte volcanique à 3, précisent qu'il ne faut pas entrer dans un rayon de moins de 2500m du cratère nord, et moins de 3000m du cratère sud.

Ce que l'on peut éventuellement redouter dans ce type de situation, c'est le fait que la coulée de lave s’installe dans une ravine pentue, et qu'elle recouvre le dépôts de blocs mis en place au départ de l'éruption. Il faut espérer que ce substrat tienne le coup, car si des morceaux de la coulée venaient à se glisser et se décrocher, des écoulements pyroclastiques pourraient être produits.

La situation à suivre de près car, en fait, les habitations les plus proches du cratère nord ne sont qu'à environ 2900 m dans la trajectoire de la ravine concernée....et comme la coulée de lave mesure déjà 1600m de long, son front (une zone susceptible de produire des écoulements pyroclastiques) n'est en fait qu'à 1300m des habitations les plus proches: une distance rapidement parcourue même par des écoulements de faible ampleur.

Sources: PVMBG; SENTINEL2-ESA/Copernicus

3 commentaires:

  1. Meilleurs vœux et encore merci pour toutes ces informations pertinentes. Ce qui m'a le plus frappé dans l'année c'est l'affaissement spectaculaire et... non violent de la caldeira du Kilauea. Même si les coulées fissurales ont été dramatiques du point de vue destruction d'infrastructures j'avais toujours imaginé les caldeiras comme le résultat d'un phénomène explosif violent. On a pu constater, pratiquement en direct, que ce n'est pas nécessairement le cas.

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  2. Une trés bonne année à toi ! Et un énorme merci pour ce blog qui constitue pour moi la référence des news volcaniques. Merci pour tout le temps que tu y consacre car ça prends du temps, j'espère qu'il durera encore un bon moment !!
    Vive Culture volcans.

    Laurent

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