Le point sur l'activité des volcans Nyamulagira, Piton de la Fournaise et Nevados de Chillàn

Nyamulagira, République Démocratique du Congo, 3058 m

L'éruption qui a débuté courant avril se poursuit: une image prise le 24 mai par SENTINEL 2 et les données du MIROVA le confirment. Toutefois, il n'y a aucune info récente qu permette de savoir comment elle évolue précisément. Les seules images qui, à ma connaissance, permettent d'en avoir une petite idée sont celles prisent par SENTINEL2 mais début mai (j'avais d'ailleurs tweeté à ce sujet à l'époque).

L'image prise le 03 mais semble assez parlante pour se lancer dans une interprétation. A ce moment-là de l'activité, il était clair que tout se déroulait encore dans le Pit Crater qui est ouvert dans la caldéra sommitale*. Le signal thermique le plus intense était émis par un évent en particulier, qui pouvait être soit un petit cône en construction (activité strombolienne), soit par un petit lac de lave.

Mais on pouvait noter aussi tout autour de cette source d'intense infrarouges, des sources d'émissions plus faibles et plus étendues, située partout dans le fond du Pit Crater. Il s'agissait probablement de coulées de lave actives pour certaines, en refroidissement pour d'autres, produites par l'évent principal. La situation au 03 mai était donc probablement similaire à ce qui avait été observé pendant l'éruption de janvier-avril 2017.

L’éruption détectée le 03 mai depuis l’espace, mais vue en infrarouges. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

* si vous ne lisez que celte seule phrase, que vous la sortez de son contexte, vous pouvez avoir l’impression que je parle du Kilauea. Et c'est normal, il y a quelques points communs entre les deux édifices, le plus fondamental étant qu'il s'agit tous deux de volcans-boucliers.

Sources: MIROVA; SENTINEL2-ESA/Copernicus

Piton de la Fournaise, France, 2632 m

Autre volcan-bouclier sur lequel une activité éruptive est toujours en cours actuellement, même si elle est maintenant plutôt discrète. Depuis plusieurs jours déjà les bulletins de l'Observatoire indiquent que la lave coule en tunnels et l'activité au niveau de la source est très faible. Les cônes actifs se sont visiblement refermés, il n'y a plus de projections visibles et l'éruption n'est maintenant plus qu'effusive.
Le problème étant que les coulées de lave se déplacent dès leur point d'émission en tunnels. La météo joue en défaveur d'un bon suivi visuel de l'éruption mais les dernières images satellites potables, réalisées par SENTINEL 2 et LANDSAT 8, montraient alors que les coulées continuaient de longer lentement le rempart sud de l'Enclos Fouqué, passant sous le Piton de Bert. Mais le débit de l'effusion étant faible, le champ de lave progressait peu et avait plutôt tendance à s'étaler lentement.




Bref: l'éruption se poursuit mais au ralentiet le trémor continue de diminuer lentement, progressivement.

Nevados de Chillàn, Chili, 3212 m

Voilà quasiment deux mois que l'alerte orange a été déclenchée mais pour autant l'activité n'a pas changé sur le massif. L'éruption se déroule toujours exclusivement dans le nouveau cratère, nommé Nicanor, et forme un petit dôme de lave dont la croissance est très très faible en raison du très faible débit avec lequel la colonne de magma est émise, estimé à 0.1 m3 par seconde en moyenne. Un magma qui donne, du fait de son dégazage à la surface de la Terre et de son refroidissement, une lave dont la composition fait qu'elle est classé dans les Dacites, laves de viscosité élevée (d'où son émission sous la forme d'un dôme, CQFD).

Bon la petite nouveauté c'est que depuis plus d'une semaine maintenant le dôme de lave (nommé  Gil-Cruz) se voit bien sur les images de la webcam installée par le SERNAGEOMIN face au côté nord de la zone active. J'ai regardé avec beaucoup de doute au départ car il ne se voit que très très peu et se confond facilement avec la paroi du cratère Nicanor qui se trouve derrière lui. Mais j'ai pu avoir un échange rapide le 22 mai dernier avec Nicolàs Luengo, étudiant-volcanologue Chilien à l'UDEC (Universidad de Concepcion) qui suis de près cette éruption et l'étudie, et il m'a confirmé que je n'avais pas rêvé: on voit bien le dôme. J'ai essayé de vous trouver une image de la webcam où la luminosité et les ombres portées permettent de le voir plutôt bien, car il ne dépasse que de très peu le bord du cratère Nicanor.

Le sommet du dôme de lave est maintenant visible sur la webcam. Image: SERNAGEOMIN

Pour mémoire: ce dôme a commencé à se former le 20 décembre donc il y a environ 5 mois! Il n'atteint pourtant qu'une hauteur qui avoisine une dizaine de mètres seulement, pour une largeur d'une centaine de mètres et une largeur d'environ 80m. Vu le débit et la morphologie du dôme il est peu probable qu'il déborde du cratère rapidement. Pour autant si sa croissance s poursuit, il finira par déborder ce qui devrait, à ce débit faible, produire surtout des avalanches de blocs, et des écoulements pyroclastiques modestes. Si par contre son taux de croissance augmente, avalanches et écoulements pyroclastiques deviendront aussi plus importants.

Pour le moment seule une activité explosive faible, due au fait que le dégazage du magma (visiblement assez pauvre en gaz) qui forme le dôme est difficile, anime l'éruption. Quelques cendres et des blocs sont toujours régulièrement projetés hors du cratère Nicanor, mais à une distance faible.

Sources: SERNAGEOMIN; Nicolàs Luengo/UDEC