12 août 2017

Un point sur l'activité des volcans Shiveluch et Semeru

Sheveluch, Russie, 3283 m

L'activité reste globalement assez soutenue sur le Sheveluch, même si elle est d'une intensité très inégale d'un jour sur l'autre.  Malheureusement la plupart du temps soit la lumière est mauvaise (contre-jours par exemple), soit les nuages masquent les détails, ce qui ne permet pas d'avoir tous les détails. Toutefois, depuis le début du mois voilà ce qu'il semble se dégager.
Si les 4 premiers jours d'août ont été très tranquilles, marqués seulement par quelques faibles et extrêmement brèves émissions de gaz et cendres (en plus du dégazage permanent, j'entends),  les 5 et 6èmes jours ont vu se mettre en place les épisodes d'Ash Venting décrits dans le post précédent. Ces épisodes étaient vraiment intenses et ont pu s'accompagner d'écoulements pyroclastiques d'extension faible à modérée. Des vidéos ont été faites au cours de cette période, qui permettent mieux que les images des webcams de se rendre compte de l'ampleur de ces épisodes. Celle ci-dessous date du 04 août.


Ils ont été suivis par une journée plus calme, qui a laissé croire que la surpression avait été évacuée...ce qui n'était pas le cas.

Au matin du 09 août une puissante explosion, qui n'a pas pu échapper aux webcams qui scrutent le volcan 24/24, s'est produite. Assez impressionnante, elle a généré une colonne de cendres dont l'altitude a atteint, peut-être dépassé, les 10 000 m. A contre-jour malheureusement, avec la base de l'édifice dans une couche de nuages, il ne m'a pas été possible de savoir si de nouveaux écoulements pyroclastiques s'étaient formés. Cela signifie en tout cas que le magma, au moins dans la partie supérieure du conduit, reste globalement sous pression, même lors des périodes de "pause".

Imposante colonne de cendres au matin du 09 août. Image: IVS-KVERT

Tout cela peut toujours résulter de la dépressurisation due à la disparition d'une grosse partie du dôme en juillet dernier. Cumulée avec la viscosité élevée du magma, qui pourrait générer:

- des phénomènes de friction-fusion (hypothèse, car je ne sais pas si les données sismiques enregistrent des signaux compatibles avec ce phénomène).

- des phénomènes de surpression lors des mouvements de la colonne de magma, par décompression et/ou lors des frictions du magma contre les parois du conduit.

tout est actuellement en place pour que d'autres épisodes d'activité modérée, voire plus, se mettent en place dans une futur proche. Le KVERT et le VAAC de Tokyo restent en alerte de toutes manières, et l'alerte aviation est maintenu à l'orange.

Sources: IVS-KVERT; VAAC de Tokyo; Merci à Shérine France pour le partage des vidéos :)

Semeru, Indonésie, 3676 m

L'activité éruptive, débutée dans les années 60, se poursuit au Semeru. Il s'agit essentiellement d'une activité explosive faible à modérée, capable toutefois de temps à autres de projeter blocs et bombes jusqu'à la lèvre du cratère Jonggring Seloko, voire un peu au-delà. Et même si cela ne semble pas très fréquent, il ne faut jamais l'oublier lorsqu'on tente l'ascension là-haut (magnifique, au demeurant).
La coulée de lave repérée sur les images satellites en juin dernier est toujours présente actuellement et n'a pas pris particulièrement d'ampleur: elle reste longue d'environ 600m ce qui signifie que le débit de lave qui la forme au niveau de la lente extrusion au sommet est pile compensé par le volume qui s'effrite à son front, sous la forme de petites avalanches de blocs.

La situation globale vue par satellite: extrusion lente et coulée de lave visqueuse. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Une vidéo mise en ligne avant-hier et tournée au sommet, depuis la lèvre du Jonggring Seloko justement, permet de voir comment concrètement se déroule l'activité explosive en ce moment. Et il se trouve qu'elle se déroule d'une manière tout à fait particulière actuellement. Pour mémoire, en 2015, les images tournées au bord du Jonggring Seloko montraient une activité explosive "classique", faiblement vulcanienne: une surpression se mettait en place et était libérée brusquement par une explosion, voire vidéo ci-dessous.


Mais actuellement il semble que la libération du gaz soit un peu plus difficile. Une éruption volcanique, donc l'émission à la surface du globe d'une roche fondue plus ou moins visqueuse, n'a rien d'un sinécure: une colonne de magma qui fait éruption subit, et engendre, des contraintes mécaniques extrêmement fortes et les gaz qui s'échappent sont ainsi toujours sous pression. Toutefois il ne peuvent pas circuler comme bon leur semble dans une colonne de magma, qui n'a pas vraiment de points communs avec les liquides fluides et gazeux que l'on connait au quotidien. Une lutte existe donc entre, notamment, la viscosité du magma, qui tend à piéger, retenir les gaz, et les gaz dont la faible densité et la concentration exercent une pression intense sur ce magma. Et selon les modalités de cette lutte, le gaz parvient à s'échapper plus ou moins facilement:

- grande quantité de gaz et viscosité très faible du magma? On voit de belles fontaines de lave

- grande quantité de gaz et magma très visqueux? Ce sont de violentes explosions qui se forment.

- faible quantité de gaz et magma fluide? De jolies petites projections, comme lors des explosions stromboliennes faibles.

- faible quantité de gaz et magma très visqueux? On voit des dômes de lave se former et, parfois, quelques explosions faibles à modérées.

Et il existe toutes les situations intermédiaires, dont celle filmée ces derniers jours au Semeru. Lorsque la quantité de gaz, sa pression, est modérée et que la viscosité du magma l'est aussi, le dégazage n'est pas simple certes mais il ne se fait pas avec beaucoup de violence non plus. Dans ces situations, ce sont souvent les zones de frictions (contact paroi de cheminée - colonne de magma par exemple) qui jouent un rôle central dans la formation des bulles de gaz et la hausse de pression, donc la formation des explosions. Et l'émission du gaz à travers la galette de lave, froide et partiellement solide, n'est évidemment pas simple: elle se fait généralement non pas d'une traite (la pression ouvre une fissure et s'échappe tant que la pression reste assez élevée, comme avec un clapet  anti-retour si vous voulez) mais par à coup: ce sont des bouffées de gaz, plus ou moins rapprochées dans le temps, qui s'échappent et forment ce que l'on appèle "une explosion".

C'est de très très loin le cas le plus fréquent, mais au Semeru actuellement le rythme des ces bouffées est suffisamment lent pour qu'on puisse non seulement les voir, mais aussi les entendre individuellement.

Fermez les volets, mettez l'image en grand, chaussez un bon casque, placez le curseur à 1'28: je vous invite à vous immerger dans ces quelques instants d'activité volcanique étonnante.





Merci à Shérine France d'avoir fait passer le lien de cette vidéo!

Sources : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Javaecotravel.com; Shérine France

2 commentaires:

  1. Bonjour

    On est gâté cette année en terme de vidéos.

    Des nouvelles du Turrialba ?

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  2. Bonjour CV

    Ce n'est pas un clapet anti-retour ,mais une soupape de sécurité...

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