3 février 2017

Le point sur l'activité des volcans Etna, Erta Ale, Fuego, Piton de la Fournaise et Bogoslof

Bogoslof, Etats-Unis, 150 m (à priori)

Certes je n'ai plus écris d'actus concernant ce volcan depuis une quinzaine de jours mais cela ne signifie pas qu'il ne s'y passe plus rien. L'activité explosive se poursuit et depuis mon post précédent 6 phases distincts d'activité explosive se sont produites (20-22-24-26-27-31 janvier), essentiellement détectées via les données sismiques et les éclairs intrapanaches générés.
La dernière explosion recensée, assez forte a généré des chutes de cendres modérées sur la ville d'Unalaska, à 98 km de distance au sud-est.


Le panache de cendres du 31 janvier, détecté par le Suomi NPP. Image: SNPP/VIIRS-NOAA/CIMSS
Chutes de cendres sur Unalaska, dans la nuit du 31 janvier au 01 février. Image: Andy Dietrick, via AVO/USGS

Ces explosions répétées, même si elles ne se produisent que tous les 2 à 3 jours seulement (pour les plus fortes en tout cas), continuent de produire des dépôts suffisamment volumineux pour transformer rapidement la forme de cette île-volcan.
Ainsi la vaste baie photographiée le 10 janvier d'avion est maintenant refermée et un lac occupe le centre de ce qui semble être le cratère actif. Ou peut-être faut-il l'appeler "cratère principal": un second lac, plus petit, est visiblement situé dans un autre cratère, juste à l'est du premier (visible sur l'image ci-dessous).

La forme actuelle de l'île, peu de temps après l'explosion du 31 janvier. En pointillés: la forme de l'île avant l'éruption. Image: Dave Schneider AVO/USGS
Un petit montage pour voir les différentes étapes de cette transformation (les échelles sont toutes différentes).

Une île qui change progressivement de forme. Images: Google Earth; AVO/USGS

Pour le moment rien n'indique que l'activité ait changé de style (rôle de l'eau toujours important à priori) mais vue la configuration que montre l'image la plus récente, il ne serait pas étonnant de voir un rôle de l'eau de moins en moins important.

Source: AVO/USGS

Etna, Italie, 3330 m

L'activité strombolienne qui illumine le col qui sépare Ancien et Nouveau Cônes Sud-Est (col appelé "la selle" de manière informelle) se poursuit actuellement, sans pour autant que le trémor ne montre de variation significative. Les explosions sont toujours plutôt faibles à modérées et, surtout, peu fréquentes. Au cours de la nuit du 01 au 02 février, les images prisent par la webcam installée à Nunziata ont permis de constater que la Voragine pouvait elle aussi être le siège d'une activité plus soutenue. Une image montre en effet la présence d'un panache de cendres plutôt important, accompagné d'une forte lueur, qui a persisté une bonne demie-heure suite à sa formation. L'événement qui a produit ce panache n'est pas clairement définit: explosion ou effondrement?

L'activité strombolienne du col entre Ancien et Nouveau Cône Sud-Est accompagne une activité non définie dans la Voragine. Images: OMNM

Cette activité reste inchangée, malgré l'essaim de secousses profondes qui s'est déroulé sous le flanc sud-ouest du volcan le 30 janvier dernier.

Sources: OMNM; INGV

Erta Ale, Ethiopie, 613 m

Avant tout je tiens à remercier ici à nouveau Olivier Grunewald, Photo_Fab, Francis Balland et Philippe L pour les images qu'ils m'ont fait parvenir ces derniers jours, concernant l'activité qu'ils ont pu observer en janvier dernier, et que je n'ai pas vraiment eu l'occasion de regarder à fond.
Plusieurs permettent de constater qu'une faible activité explosive, de type spattering, était en cours sur plusieurs points de sortie de la lave. Les fragments projetés  (spatters) construisaient de nouveau cônes. Les images confirment par ailleurs l'absence d'activité de type fontaine de lave, qui se caractérise par un jet continu de gaz et de fragments (comme au Piton de la Fournaise actuellement, voir plus bas). Cette activité est bien visible sur cette vidéo que Philippe L, présent sur place, a bien voulu me faire passer.


L'activité sur la nouvelle fissure éruptive, ou réseau de fissures, semble se poursuivre. A coup sûr c'était le cas le 29 janvier dernier puisqu'une nouvelle image satellite SENTINEL a été publiée, et montre clairement que les deux Pits Craters sommitaux sont toujours émetteurs d'infrarouges thermiques (surtout le sud, ce qui laisse supposer que le lac est toujours présent au fond), tout comme les évents 1 et 2 de la fracture. Les données récoltées plus récemment encore par le MODIS montrent que ces derniers restent actuellement la principale source d’émission infrarouge du volcan: l'activité reste donc essentiellement localisée à leur niveau, très peu au sommet.

Les nouveaux évents éruptifs étaient toujours actif le 29 janvier. Image: Données SENTINEL-ESA/Copernicus; Composition et annotations: Culture Volcan
La présence de nuages, et de leur ombre portée, ne permet pas une lecture assez claire pour observer l'évolution du champ de lave. Mais le Suomi NPP et son instrument de détection infrarouge VIIRS ont pu repérer des signaux thermiques à presque 5 kilomètres à l'est des évents 1 et 2, ce qui suggère que les coulées de lave les plus avancées ont parcouru cette distance.
Toutefois, attention:j'attribue par défaut ces signaux thermiques aux coulées de lave qui sont en cours de mise en place sur ce versant de l'Erta Ale. Mais je ne perd pas de vue que d'autres sources, y compris anthropiques, peuvent les générer.
Donc: "signaux thermique distant = coulée de lave" n'est qu'une hypothèse qu'il faudrait pouvoir vérifier.
Cette image MODIS, prise le 01 févier, montre aussi la présence d'un panache important, suffisamment dense pour qu'on puisse soupçonner la présence de cendres. Si tel est le cas, alors il est possible que les effondrements se poursuivent au niveau des Pit Craters.

Au sommet un panache bien marqué est produit, sur la rift-zone sud, les évents 1 et 2 sont toujours actifs. Des signaux thermiques distants pourraient marquer la position des fronts de coulées les plus avancés. Image: MODIS/NASA

Pour plus d'images, je vous invite à consulter:
- le compte facebook d'Olivier Grunewald. Il a mis en ligne des photos vraiment belles de l'activité de la fracture et une autre, magnifique, de Dallol au clair de lune (je me permet un petit hors sujet :) )
- cette vidéo faite par Photo_Fab, qui a déjà posté des informations et précisions dans les commentaires des post précédents.

Sources: SENTINEL 2-ESA/Copernicus; Philippe Loriot; Olivier Grunewald;Photo_Fab

Piton de la Fournaise, France, 2632 m

L'activité éruptive se poursuit, sans changements notables à la webcam: le site de l'éruption reste le même avec la production d'une activité explosive type "fontaines de lave" et une effusion (coulée). Le champ de lave progresse plutôt lentement et s'étale un peu, répondant à la topographie locale. Le front le plus éloigné du point d'émission se trouve, d'après la dernière cartographie produite par l'OVPF, à environ 2 km, en aval du Gros Bénard. Le débit n'est pas très important, entre 3 et 7 m3/seconde d'après l'OVPF, autre raison pour laquelle le champ de lave ne progresse pas rapidement.
Le trémor, variable au début d'éruption, a tendance à se stabiliser depuis hier, peut-être en raison de modifications de la forme des conduits (érosion due à la montée du magma).
Le spectacle est beau et visiblement les visiteurs en redemandent!




 Sources: OVPF/IPGP; Thomas Hoarau

Fuego, Guatemala, 3763 m

Suite au dernier (et très court) paroxysme, l'activité éruptive du Fuego, se manifeste de manière moins habituelle. Au lieu de l'activité strombolienne classique, les images des webcams montrent des explosions peu fréquentes mais puissantes, à l'origine de panaches de cendres assez imposants, si on les comparent aux panaches généralement produits par l'activité sur cet édifice. A tel point que le terme vulcanien pourrait peut-être s'appliquer pour les décrire. Plus inhabituel encore: alors que, classiquement, les explosions sont brèves, instantanée (strombolienne), on peut noter que certaines phases d'émission de cendres sont maintenant longues et soutenues. L'une d'entre elle, dans la matinée du 02 février a ainsi duré 40 minutes environ. Et pour ma part je n'ai pas souvenir de ce type de dynamisme éruptif dans l'histoire récente de l'activité sur ce volcan.
Les chutes de cendres qu'elle a produite, et qui ont affecté la zone de la finca Sangre de Cristo et San Pedro Yepocapa (flanc ouest du volcan) ont fait l"objet d'un bulletin d'information spécial de l'INSIVUMEH, bulletin sur lequel on peut noter que la phase en question a été accompagnée d'un pic de trémor. Le time-lapse ci-dessous vous permettra de voir cette phase si inhabituelle: elle se déroule au levé du jour, en fin de vidéo (à partir de 2'29, peu après une très impressionnante explosion).



Ce changement de régime éruptif mérite d'être surveillé car il serait intéressant d'en comprendre les causes.
S'agit-il de la conséquence de l'arrivée d'un magma de composition différente? Ou s'agit-il plutôt d'une réponse à des changements dans la forme des conduits éruptif, suite aux très nombreux, et parfois violents, paroxysmes de ces deux dernières années?

Sources: INSIVUMEH; Greg Wait

4 commentaires:

  1. Marrant comme l'île Bogoslof ressemble maintenant à un embryon, qui a même un oeil (le lac)!

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  2. Bonjour,

    Il est vrai que le terme de fontaine est souvent employé un peu à tord et à travers dans le cas des éruptions fissurales. Toutefois, il n'y a pas vraiment de terme adapté à ce dynamisme éruptif car le spattering peut aussi définir le produit d'une fontaine de lave. D'ailleurs, il arrive que les éruptions de la Fournaise, entre autre probablement, soient caractérisées par des explosions discrètes plutôt que par un jet continu après quelques jours d'éruption...

    A définir.

    Bonne soirée,



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    1. Bonsoir: remarque tout à fait vraie! Un terme convenable, je pense, pourrait être "fizzing" ou "fizzling", qui se traduit par "pétillement" (to fizz ou fizzle: petiller). Et finalement c'est ça qu'on voit: une sorte de gros pétillement un peu "gras", en raison de la viscosité de la matière silicatée en fusion, et assez lent.
      Bref: à réfléchir.
      Bonne soirée
      CV

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  3. Bonjour CV,

    je reviens d'Ethiopie où j'ai observé de près l'éruption fissurale de l'Erta Ale. Extraordinaire. 2 fissures, l'une avec 2 énormes spatter cônes en activité explosive permanente avec projections et coulées de lave ; l'autre avec une petite activité de bouillonnement sur toute sa longueur. les 2 systèmes ont émis tant de lave qu'ils ont crée 2 lacs de lave sans racine animés d'un dynamisme caractéristique avec des "plaques" qui se déchirent, s'écartent, se rapprochent, se chevauchent comme le lac du puits sud à de nombreuses époques. Si tu veux des photos pour ton site tu me le dis.

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