Les bulletins du Global Volcanism Program (GVP) sont un peu comme des Kinder Surprise: quand on ouvre le lien on ne sais jamais trop ce qu l'on va y trouver. Et c'est c'est une belle surprise que nous réserve le dernier: le volcan Zavodovski, le plus septentrional de l'archipel des îles Sandwich du Sud, (où le volcan Bristol fait des siennes depuis le mois d'avril) a aussi connu a une activité éruptive. Et là, on peut dire que cette éruption est passée inaperçue!
Le dernier bulletin du GVP se fait le relai d'un article publié par le British Antarctic Survey (BAS) qui a croisé au large de l'île cette année. Toutefois quelques incohérences subsistent entre le bulletin du GVP et le compte-rendu du BAS, notamment sur la chronologie des événements.
Le bulletin du GVP indique en effet que l'activité éruptive a été observée la première fois le 30 mars de cette année par des pêcheurs. Le compte-rendu du BAS quand à lui indique que les observations des pêcheurs ont été faites suite à un puissant séisme de magnitude 7.2 qui a frappé l'archipel le 28 mai, faisant craindre la formation d'un tsunami. Il semble bien, en fait, que ce soit le GVP qui ait raison: les métadonnées de l'image transmise par le BAS, et reproduite ci-dessous, indiquent que la prise de vue a bien été faite le 30 mars et est donc antérieure, et donc indépendante, du séisme.
Le panache de cendres du Zavodovski, le 30 mars 2016. Image: David Virgo, via BAS |
Arrêtons nous-un instant sur l'image ci-dessus, car elle donne quelques indications importantes.
1- Tout d'abord le site de l'éruption est le cône Curry, aussi appelé Mont Asphyxie en raison de l'important dégazage permanent qui s'en dégage, situé sur la côte ouest de la petite île. On discerne sur le bord gauche une plate-forme: il s'agit d'un zone couverte de coulées issues du Mont Curry, et sur laquelle s'est installée l'une des plus importante colonie de manchots à Jugulaire (Pygoscelis antarctic) du monde, qui viennent s'y reproduire par millions. S'y trouvent aussi représentés les gorfous macaroni (Eudyptes chrysolophus) avec une colonie de plus de 180 000 membres.
2- Cette image nous indique aussi que l'activité photographiée le 30 mars était soit totalement phréatique, soit phréatomagmatique, c'est à dire qu'elle se déroule en présence d'eau liquide, sois sans contact entre le magma et l'eau (phréatique) soit avec le contact entre le magma et l'eau (phréatomagmatique). En effet depuis l'évent éruptif c'est un panache qui a toutes les caractéristiques de ce type d'activité qui est émis: un mélange entre des particules cendreuses très sombres et des volutes blanches riches en "vapeur" d'eau, qui forme un panache dit "cypressoïde" (en forme de cyprès). Impossible par contre de faire un choix entre les deux styles éruptifs pré-cités, car la distinction se fait d'abord via l'analyse des particules de cendres:
* soit elles sont anciennes et altérées, l'activité est alors dite phréatique,
* soit il y a un mélange entre des particules anciennes et de particules de lave neuve (juvénile), voire 100% de particules de lave juvénile, et alors on parle de phréatomagmatisme.
3- L'activité en cours sur l'île, qui culmine à 551 m, était modérée au moment de la prise de vue. Le jet de cendres ne s'élève pas très haut, la charge en cendres est relativement peu importante, et le panache de gaz peu étendu.
Toutefois, l'île est petite et l'article du BAS indique que le vent rabattait les cendres vers l'est, donc sur les colonies de manchots, ce que confirme l'image MODIS prise le 30 mars par ailleurs.
Un discret panache de gaz s'échappait le 30 mars 2016. Image: MODIS/NASA |
Ces manchots, au moment où la photo a été faite, étaient en train de changer de plumage, les empêchant de fait de quitter l'île en plongeant dans les eaux froides de l'Atlantique: ces derniers ont donc dû subir les chutes de cendres. Les scientifiques vont tenter de quantifier l'impact de cette éruption sur les colonies pour voir si les émissions de cendres ont perturbé ou non le comportement des manchots.
Combien de temps a duré cette éruption? Difficile à dire.
Au cours du mois d'avril, une image prise par le MODIS permet de constater qu'un petit paanche, similaire en dimensiuons à celui du 30 mars, était encore émis. Le 13 avril, une image prise par le satellite LANDSAT 8, semble montrer une zone de turbulence due à un fort mouvement ascendant, pile au-dessus de l'évent éruptif, et ce qui ressemble à un panache, ce qui pourrait être le signe d'une activité encore en cours ce jour-là. Mais toute la difficulté dans ces zones circumpolaires, c'est la possibilité de différencier manifestations volcaniques telles que panaches de gaz et de "simples" nuages orographiques. Car l'une des caractéristiques de cette activité, c'est que ne semble pas avoir émis de rayonnement thermique fort, qui permettrait de savoir à coup sûr que l'on a affaire à une éruption. Cette absence de fort rayonnement thermique est aussi une caractéristique des activités phréatiques et phréatomagmatiques.
Ce qui ressemble à une turbulence du à un fort mouvement ascendant et un panache de gaz, observés le 13 avril .Image: LANDSAT 8/ USGS |
Le bulletin du GVP indique enfin que cette activité aurait pu se poursuivre courant mai, car il semble qu'une image satellite, non transmise (et que je n'ai pas trouvée), aurait permis de voir un panache dépassant de la couverture nuageuse au cours du mois de mai.
En résumé, le volcan Zavodovski a connu un éruption discrète, très vraisemblablement de nature phréatique ou phréatomagmatique, débutée fin mars mais dont la date de fin n'est pas connu avec certitude, mais peut-être courant mai.
Un dernier point, hors sujet mais pas complètement. Si vous vous souvenez bien, j'avais fait passer dans mon post du 30 mai une image concernant le Mont Michael prise le 28 mai. Cette image montrait la présence d'une tâche suspect, ressemblant à de la neige salie. Or il se trouve que le séisme de magnitude 7.2 à justement eu lieu le 28 mai, fournissant une explication très probable à l'origine de cette tâche. Je suggère qu'il s'agit simplement d'un petit effondrement, conséquence du passage des ondes sismiques
Sources: Merci à Shérine France d'avoir fait passer le lien vers le compte-rendu du BAS, lien que vous retrouverez dans le dernier bulletin du GVP; LANDSAT 8/USGS; MODIS/NASA
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