21 juin 2016

Le cône intracratèrique du volcan Copahue est toujours là (màj)

Je n'ai plus parlé du Copahue depuis mars dernier, car la situation sur le volcan n'a pas montré depuis d’évolution particulière. L'activité telle qu'elle se présente depuis des mois s'y poursuit, avec des émissions de gaz et cendres à haute température, responsables de la lueur infrarouge qui, toutes les nuits, est visible dans le cratère d'El Agrio.


Toutefois quelques changements ont pu être constatés par les volcanologues depuis le début du mois de juin. Tout d'abord les mesures d’émissions de SO2 ont montré des valeurs nettement au-dessus de celles enregistrées tout au long des mois d'avril, avec une quantité moyenne émise d'environ 1900 tonnes/jour, avec un pic remarquable de plus de 5800 tonnes/jour le 08 juin. La sismicité, de son côté, connait aussi un net regain avec un total de 332 secousses (tous types confondus) dans les 15 premiers jours du mois de juin, contre une centaine de moins pour la première et la seconde quinzaine de mai.
Cette activité interne correspond, en externe, à des émissions plus vigoureuses de gaz et de cendres. Ces dernières ne sont toutefois pas continues: il y a une alternance entre des phases plus ou moins longues de dégazage seul (le panache est alors de teinte blanche) et d'émissions de cendres (panache gris). Ci-dessous, un time-lapse que j'ai fait pour illustrer cette dynamique, à partir des images prisent depuis la webcam installée à Caviahue (à l'est du volcan, côté Argentine), le 16 juin.

L'activité du volcan Copahue le 16 juin: une alternance d'émission de gaz seuls, et d'émissions de gaz + cendres. Images: SERNAGEOMIN

L'ensemble de ces données fait dire aux volcanologues Chiliens que depuis début juin, le massif est le siège d'une nouvelle intrusion magmatique, de faible volume car aucune déformation importante n'a été mesurée. Comme cela s'était déjà produit en mars dernier, l'interaction entre ce faible volume de magma et le système hydrothermal très developpé de cet édifice produit l'activité en surface. La chaleur de l'intrusion augmentation la température des fluides, et aide à la fracturation des roches, ce qui permet simultanément:
- d'augmenter la circulation des fluides (grâce aux fractures) et donc leur évacuation vers l'extérieur, ce qui explique la forte densité du panache de gaz, sa teinte blanche étant due à la très forte majorité d'eau dans les fluides évacués.
- d’augmenter leur température, ce qui explique la lueur infrarouge détectée par la webcam, la nuit

Cependant, il est essentiel de noter que, dans le rapport publié le 15 juin, les volcanologues Chiliens estiment possible qu'il y ait de temps en temps des explosions pouvant expulser une partie de ce magma. Cette possibilité est envisagée grâce à l'observation, sur certaines images nocturnes, d'augmentations importantes et brusques de la lueur infrarouge. A l'instar de ce qui s'est passé la nuit du 15 au 16 par exemple, illustré par le time-lapse ci-dessous. Ce sursauts infrarouges restent toutefois rares et, par ailleurs, la présence de spatters reste hypothétique pour la situation actuelle car je n'ai pas eu connaissance, pour l'heure, échantillonnage et d’analyse des projections.

En cours de nuit la lueur infrarouge émise dans le cratère El Agrio varie brusquement, peut-être le signe d'une explosion propulsant du magma neuf. Images: SERNAGEOMIN

Noter que juste après le flash on voit les cendres émises par cette explosion qui, en se dirigeant en direction de la webcam, masquent momentanément la lueur.

Ces émissions de cendres ont, à la longue, modifié la morphologie du cratère El Agrio. Traditionnellement, ce cratère était occupé par un lac acide, observé de longue date avant le début de la crise en cours, en 2013. L'activité depuis a provoqué sa disparition, et le fond du cratère El Agrio a été remplacé par un évent actif d'où s'échappe le panache de gaz et cendres. Pour mémoire, des projections incandescentes, très dynamiques, avaient été observées en décembre 2014 par le volcanologue Robin Campion et ses collègues Hugo Delagado et Denis Legrand. A l'époque ils constatent la présence d'un cône à la place du lac d'acide.

Des image prisent début juin montrent que ce cône est non seulement toujours présente reste de taille modeste. Il n'est pas évident d'estimer cette taille, justement, mais le fait que l'auteur du film ci-dessous grimpe le cône en l'espace de 3 minutes, pauses comprises, permet de déduire une très petite taille, vraisemblablement pas plus de 20 mètres de hauteur (ordre de grandeur*).




On peut, par ailleurs, constater la présence de ce cône sur Google Earth grâce à une image prise le 08 avril 2016. Cet outils de SIG (Système d'Information Géographique) extraordinaire permet en outre de comparer cette image récente à une image d'archive prise le 01 janvier 2014, alors que le cratère était encore occupé par le lac d'acide, ce qui permet de se faire une idée de la configuration du site.

Le cratère El Agrio vu par satellite le 05 janvier2014, sur Google Earth
Le cratère El Agrio vu par satellite le 08 avril 2016, sur Google Earth
Du fait de cette activité, les volcanologues Chiliens du SERNAGEOMIN maintiennent un niveau d'alerte au jaune, et déconseillent l'accès au cratère El Agrio. En effet, du fait d'un très vraisemblable intrusion magmatique, une activité explosive importante phréatique ou phréatomagmatique, même de très courte durée, peut projeter bombes et blocs alentours. La zone de très haut danger est définie pour le moment à 1500 m autour du cratère.

Mise à jour 07:30

Il y a quelques minutes seulement, une image prise par la webcam installée à Caviahue, côté Argentin de l'édifice montre que l'activité dans le cratère El Agrio peut être plus explosive que ne le laissent supposer la plupart des images que l'on voit concernant cette activité.
On sait déjà qu'il y a des explosions puisque, sur la vidéo youtube ci-dessus, la personne qui grimpe sur le cône ramasse une projection grosse comme le poings. Mais il n'est pas fréquent de voir les explosions se produire, du fait de leur rareté d'une part et des conditions météo plus difficiles en saison hivernale.
Sur l'image prise à environ 22h30 (heure locale), on voit nettement se détacher de la lueur des projections à haute température, visiblement d'une taille assez conséquente. La hauteur atteinte par les projections en question n'est pas évidente à estimer avec précision, mais l'ordre de grandeur semble être vers 150-200m.

Des projections sont nettement visibles sur cette image prise dans la nuit du 20 au 21 juin. Image: SERNAGEOMIN

Cette observation me permet de supposer que le terme "spatter" employé dans le bulletin du SERNAGEOMIN n'a peut-être pas la signification officielle, qui est (en gros) "projections de fragments de lave fluide qui retombent au sol encore liquide ou semi-liquide". Le terme "spatter" a peut-être été employé pour décrire, plus largement toutes les projections observées.

* en marche normale, on parcours environ 300m de dénivelé par heure

Sources: SERNAGEOMIN; Blog de Robin Campion; Nelson Ruiz; Google Earth

2 commentaires:

  1. Salut Fabrice
    Tres intéresant ton article, comme toujours.
    J'aurais tendance a dire que le cone doit avoir une quaruantaine de metres, le grand angle de la camera portable que le type (visiblement assez inconscient des risques encourus) utilise tend a faire paraître les distance plus petites. Un autre élément intéressant est que hormis le cone, le cratere s'est considérablement rempli (il est 20 à 50m metres moins profond) par rapport a ma visite de 2014.
    Hors les eruptions purement phréatiques ou hydrothermales n'accumulent pas de matiére, elles en déplacent tout au mieux. Donc l'accumulation de matériaux dans le cratère (entre 2 et 3 millions de metres cubes a la grosse louche) ne peut venir que d'une émission de cendres et "spatters" d'origine magmatique.
    Le Copahue est un bon exemple de la capacité d'une intrusion magmatique et de ses gaz à se créer un chemin sec et tres chaud qui l'isole en grande partie du système hydrothermal lors de son transfert vers la surface. C'est un truc que j'avais mis en évidence aussi au Turrialba il y a 6 ans.

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    1. Salut Robin.
      Très intéressant ton commentaire, comme toujours :-)
      En effet, j'ai eu du mal a estimer avec précision la hauteur du cône, du fait des déformations optique, que tu le fait remarquer, et du manque de repères clairs entre différentes images consultées. J'ai été obligé d'en arriver à compter le temps que le bonhomme prend pour grimper pour faire mon estimation, c'est dire :-)
      Très intéressant que tu donnes ton avis sur le remplissage d'El Agrio, car tu peux en effet comparer avec ce que tu as toi-même vu alors que, pour ma part, je n'ai que la comparaison d'images, qui permet déjà pas mal de choses, mais n'est évidemment pas un moyen absolument sur de suivre ce type d'évolution.
      Il y a une question qui me titille tout de même, et qui concerne le SERNAGEOMIN: je n'arrive pas à comprendre pourquoi il n'est jamais dit clairement qu'une activité strombolienne a lieu, même si elle n'est peut-être pas continue (j'ai vu des séquences d'images entières, sur plusieurs jours,sans la moindre lueur dans El Agrio sur les webcams). Les bulletins sont systématiquement axés sur l'interaction entre une masse de magma souterraine et le système hydrothermale. Or si ce dernier est court-circuité, l'activité est au minimum phréatomagmatique (j'aurais aimé que le gars sur la vidéo zoom sur la bombe qu'il prend en main...), sinon magmatique. La communication devrait être plus claire, non? De ton côté, tu avais constaté un changement suite aux observations et échantillons de décembre 2014? Ou sont-il restés sur la même ligne?

      CV

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