16 avril 2016

Petite émission de cendres sur le volcan Aso

Voilà une excellente, quoi que malheureuse étant donné le contexte, illustration permettant d'appuyer une réponse que j'ai récemment donnée à dom67, dans les commentaires du post du 14 avril. La question était la suivante: y a-t-il un lien entre les récentes secousses importantes (sud-est asiatique (Birmanie le 13 avril, Japon jeudi et cette nuit avec une secousse de magnitude supérieure à 7) et/ou au Guatemala (magnitude 6.2 vendredi), et les émissions de cendres en cours sur l'Etna.
L'idée sous-jacente à cette question était donc: des secousses fortes peuvent-elle perturber l'activité de volcans lointains?
Et la réponse est définitivement non (voir développement dans le commentaire du 14 avril).

Par contre, à proximité de l'épicentre de secousses fortes, dans un rayon de quelques dizaines, voire quelques centaines de kilomètres pour les très grandes secousses, un système volcanique peut réagir (ce n'est pas systématique du tout), mais uniquement si sa dynamique interne est déjà suffisamment importante pour le faire.

Un édifice qui n'a pas de système hydrothermal actif, pas de poche magmatique déjà prête à s'ouvrir pour faire éruption (pour donner une image simple) ne montrera aucune modification particulière de son activité suite au passage d'un séisme, même proche.
Et la meilleure preuve qui soit est encore de faire le bilan des activités volcaniques qui ont démarré après le passage d'importantes secousses sismiques. Vous verrez alors qu'après leur passage, rien ne change: pas plus d'éruptions, pas de reprise d'activité sur des édifices totalement calmes et même en général pas d'augmentation notable de l'activité volcanique sur des édifices déjà en éruption.
Grosso modo: je ne rédige pas plus de posts après de gros séismes qu'avant :-)

Le volcan Aso a un système hydrothermal actif bien développé, qui communique déjà sur l'extérieur puisqu'un panache de gaz permanent s'en échappe. Cela fait déjà plusieurs mois que le volcan est le siège d'une activité interne revenue à sa normale, suite à plusieurs mois d'activité éruptive (novembre 2014-mai 2015*).
Les premières secousses sismiques importantes (magnitude supérieure à 6) qui ont touché la ville de Kumamoto, située à seulement 30 km du volcan Aso,  jeudi n'ont été suivie d'aucune modification particulière de son activité. Il semble par contre que la secousse de cette nuit, d'une magnitude supérieure à 7 (une vingtaine de victimes à déplorer et plus de 1000 blessés au moins), ait été suivie d'une faible émission de cendres sur le volcan, à 08h30 (heure locale).


Et encore, même si le lien parait évident, il pourrait ne s'agir effectivement que d'une apparence car le Japan Meteorological Agency semble avoir déclaré qu'il n'y a pas de lien entre les deux événements et, qu'en tout cas, l'activité globale de l'édifice (sismicité, déformation) ne montre aucune évolution particulière après le passage des ondes sismiques.
La concordance des deux semble toutefois au minimum suspect mais cela n'enlève rien à l'essentiel: le volcan Aso est l'un des plus actifs du Japon et même après au moins 3 secousses d'une magnitude supérieure à 6, dont l'épicentre ne se trouve qu'à une trentaine de kilomètres (autant dire très proche), son système magmatique et hydrothermal n'a pas réagit de manière importante ni immédiate.

Il faudra par contre évidemment surveiller sur le moyen/long terme les réactions de ce système magmatique, et éventuellement d'autres proches** car il peut y avoir eu des des modifications structurelles profondes (ouverture/fermeture de fractures, modifications éventuelles des contraintes exercées sur le système magmatique) qui pourraient aboutir plus tard à des changements de l'activité en surface (vers la hausse ou vers la baisse, en l'occurence).

Sources: JMA; ANNnews, Japan §News; Kyodo NEws

* l'explosion de sepetmbre 2015 n'était vraisemblablement que phréatique ou hydrothermale, comme celle de décembre 2015, donc pas "éruptive" au sens propre du terme, c'est-à-dire "avec émission de magma juvénile"
** Unzen n'est pas loin, Kuju non plus avec un système hydrothermal actif, voire même Kirishima un peu plus loin au sud-est, qui montrait ces derniers temps une évolution de son activité hydrothermale

2 commentaires:

  1. Plutôt que d'engendrer une activité volcanique, le séisme ne pourrait-il pas plutôt la perturber voire la stopper (au moins temporairement) en interrompant l'alimentation (cisaillements/effondrements des conduits) en magma/source de chaleur ?

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    1. Bonjour Pascal.
      interrompre l'alimentation en magma de manière définitive me parait peu vraisemblable:une masse de magma qui se trouve dans les bonnes conditions pour remonter (pression interne suffisante) fracturera les roches environnantes quoi qu'il arrive. Si un arrêt d'éruption devait se produire suite à un passage d'ondes sismiques il ne serait définitif que si l'éruption était déjà sur sa fin (pression interne au magma devenue insuffisante). Pour un magma en pleine capacité de faire éruption, un arrêt ne pourrait être que temporaire d'après moi.
      Mais le contenu de cet échange estin fine purement théorique: en réalité je ne sais pas si des études statistiques ont été faites sur ces liens seismes-activité volcanique pour voir comment, statistiquement, les systèmes volcaniques réagissent aux passages d'ondes.
      Mais je trouve intéressant de montrer que ce n'est pas parce qu'un séisme important se déroule à proximité de volcans que leur système magmatique réagit (ou alors c'est plus souvent le système hydrothermal qui le fait, pas l'alimentation magmatique)

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