18 avril 2016

Crise paroxysmale sur le volcan Popocatepetl

Le géant mexicain a connu cette nuit ce que l'on peut qualifier sans trop se tromper de phase paroxysmale pour son éruption généralement si tranquille.

Pour mémoire celle-ci se déroule sous la forme d'une alternance entre phases extrusives, pendant lesquelles un dôme,  aplatit ("galette", ou dôme surbaissé), croit au fond du cratère puis est détruit par des phases explosives plus ou moins intenses.

Parfois, comme en juillet 2013, l'activité devient intense durant plusieurs jours, peut-être en relation avec l'arrivée d'un peu de magma neuf, plus riche en gaz. Et parfois, comme cette nuit, c'est une crise intense mais de courte durée qui se met en place.

Celle de cette nuit est d'autant plus surprenant que les données du CENAPRED (celles disponibles en ligne du moins) ne permettaient pas de se douter de quoi que ce soit. Depuis plus d'une semaine l'activité sur le volcan a une tendance à la baisse (de moins en moins d'émissions de cendres), la sismicité ne montre pas de variation particulière.

Quoi qu'il en soit c'est à partir de 02h30 (heure locale) cette nuit que les volcanologues ont commencé à repérer des modifications de l'activité, qu'ils ont décrite dans un bulletin publié à 03h40 (heure locale).
Une activité explosive intense s'est progressivement mise en place dans le cratère sommitale. Les explosions ont d'abords été intermittentes mais, en montant en puissance (très rapidement), leur intensité et leur fréquence ont augmenté aussi jusqu'à donner une activité explosive continue pendant plus de deux heures, avec un pic situé aux alentours de 02h55 (heure locale). Au cours de cette crise le versant nord-est du célèbre stratovolcan a été impacté par une pluie continue de bombes et de blocs qui sont parfois retombés jusqu'à 1600 m de distance de la lèvre du cratère. En conséquence un panache de cendres haut de 3000m (donc une altitude supérieure à 8000m) s'est maintenu pendant toute la durée de la crise, et a été emporté vers les sud-est par le vent.

La crise de cette nuit à son paroxysme. Image: webcamsdemexico.com

De cette configuration ont résulté d'abondantes chutes de cendres sur la ville de Puebla et ses environs, forçant même la fermeture temporaire de l'aéroport de Puebla (il devreait reprendre ses activités à 13h00 heure locale d'après la presse). Les habitants sont par ailleurs forcés de porter des masques à poussière et les autorités ont demandé à ce que les écoles ne proposent aucune activité à extérieure dans les écoles, les cendres pouvant causer de nombreux problèmes de santé après leur inhalation ou leur contact avec des muqueuses (nez par exemple).

Nettoyage de cendres au pied de la cathédrale de Puebla dès le matin. Image: Fer Abrajan

On peut se demander "pourquoi une telle crise?". Difficile de répondre, et les volcanologues Mexicains devrons analyser une grande quantité de données, de plusieurs types (sismicité et déformation en premier lieu) pour déterminer la cause de cette phase*. 
Si elle reste isolée dans le temps, on peut supposer qu'elle n'aura pas eu pour cause une arrivée de magma neuf (cause profonde), sinon elle aurait durée un peu plus longtemps à priori. On pourrait alors supposer une cause plus superficielle comme, par exemple, l'obstruction momentanée des conduits supérieurs de l'édifice. Ce qui pourrait par ailleurs expliquer la diminution constante du nombre d'émissions de cendres depuis le 09 avril.

En tout cas les volcanologues n'ont pas modifié le niveau d'alerte volcanique, qui est resté au jaune-2.
Pour en savoir plus il faudra attendre des publications qui détaillerons les mécanismes supposés.

Sources: CENAPRED; Presse Mexicaine, SEGOB

*  si tant est qu'elle soit seule par ailleurs, car rien ne dit qu'aucune autre ne suivra...mais là il faut atendre e voir.

8 commentaires:

  1. L'obstruction des conduits supérieurs de l'édifice semblerait être une bonne supposition. Par contre dans ces cas là, la mise en pression de ces conduits n'auraient-ils pas dû être détectés par le CENAPRED ? Une telle pression doit habituellement montrer des signes au niveau sismique, non ?
    J'en profite pour vous remercier encore pour ces articles de qualité :)
    Bonne journée !

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  2. Clairement une origine profonde et pas une obstruction des conduits. Le dégazage durant les jours précédant le paroxysme était très élevé. Les phases d'activité causée par une obstruction du conduit sont les explosions isolées ("vulcaniennes") comme celles qui ont eu lieu il y a 3 semaines. La finesse des cendres aussi plaide pour un magma riche en gaz. Les cendres produites par les explosions vulcaniennes sont plus grossières et plus sombres (aspect de sable noir)

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    1. Bonjour Robin.
      Merci pour ces précisions: il n'y a pas de données de ce type en ligne sur le site du CENAPRED: elles sont donc essentielles.
      Par contre les données en lignes ne montrent pas de déformation particulière: est-ce classique avant de telles phases paroxysmales, sur le Popocatepetl comme sur d'autres volcans du coup?

      Par contre juste un point qui n'a rien à voir avec le volcanisme: serait-il possible, dans les commentaires, d'au moins dire bonjour en intro? Car je fait souvent la remarque que la politesse est un élément important dans la communication, surtout dématérialisée, et je tiens à ce que les interventions sur ce blog soient marquées de politesse: je me l'impose et je me permet donc de l'imposer à tous, du coup...une sorte de charte de bonne conduite.
      Merci

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    2. oui à me relire je suis d'accord que c'était un peu sec comme commentaire. la faute à un rendez vous pressant entre une caméra à SO2 et un satellite au Masaya...
      Pour en revenir a la volcanologie, oui le Popo est un volcan qui se déforme peu, et qui, comme l'a bien dit Alcide, a peu de sismicité VT (mais par contre de splendides trémors harmoniques, dont l'origine est encore controversée...)

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    3. Salut Robin. Pas de souci: j'ai bien conscience que le ton de ton post n'était pas sec pour être sec et que ce n'était qu'un effet dû à la rédaction d'une traite du texte :-)
      Ajouter une formule de politesse en intro ne prend pas particulièrement de temps et l'effort participe au fait que ce blog est aussi un espace d'échange plus accueillant...et de fait plus propice à l'échange... une sorte de rétroaction positive que j'essaie de maintenir et à laquelle je dois veiller en tant que webmaster.
      En tout cas je te souhaite une bonne journée :-)

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  3. Bonjour à tous ;)

    Même si je n'ai aucune expertise en volcanologie, je me permets de suivre l'avis de Robin, comme quoi une surpression dans un système magmatique colmaté se traduit généralement par une grosse explosion vulcanienne de débourrage qui projette de la lave massive sous forme de blocs, et très peu de scories.

    Ce qui parait aller dans le sens de l'arrivée de nouveau magma frais riche en gaz, c'est le type de l'activité. Sur les webcams, on passe d'une incandescence (dégazage haute température), à une activité de plus en plus strombolienne et de plus en plus intense avec toute sortes de projections, jusqu'à la phase de 2h55, qui ressemble bien à une fontaine de lave pulsatile... Même instinctivement, ça ne fait pas "évacuation d'une surpression" (sinon ça aurait sauté tout de suite puis terminé, penser Sakurajima)... Ca fait bien arrivée en surface d'une masse de magma bien frais, plutôt fluide et gazeux, qui s'est dépressurisé en arrivant à l'air libre à débit continu... Ca fait très "etnéen" comme activité ;)

    Dans le genre, notre Popocatepetl, bien qu'andésitique, semble assez atypique quant à la fluidité des laves qu'il produit. Lorsque l'on regarde certaines photos aériennes du dôme de lave surbaissé qui emplit le cratère, en fait, le dôme est si surbaissé qu'on dirait plutôt un marigot de lave scoriacée, et qu'il en faudrait peu pour que celà déborde et dévale les pentes, non pas sous forme d'avalanches et de coulées pyroclastiques, mais bel et bien de coulées de lave..

    Cette photo est particulièrement criante à cet égard...
    http://www.veracruzenlanoticia.com/wp-content/uploads/2013/05/Sobrevuelan-Popocat-petl-para-1801117.jpg

    Ceci est une flaque...
    http://www.cenapred.gob.mx/es/Instrumentacion/InstVolcanica/MVolcan/Album/ImagenAlbumN/AlbumFDic97C.jpg

    Pour donner quelques idées de réponse à l'absence de précurseurs sismiques.... Ce volcan est en activité continue depuis bientôt 20 ans, les conduits magmatiques doivent être largement ouverts, et une petite impulsion magmatique venue des profondeurs ne doit pas avoir grand mal à se frayer un chemin dans l'édifice (pas de fractures de roches, donc pas de séismes VT, peut être des évènements longue période bien discrets lié à l'écoulement du magma dans les conduits, qu'on ne verra qu'après, comme souvent dans ce cas, et on dira... mais c'était évident ;)

    Ca me fait penser à un autre volcan sud-américain, un habitué de ce blog, le Tungurahua. Depuis 20 ans, il est actif, les conduits sont largement ouverts, et les départs d'activités commencent à la surprise générale.

    Le fait d'avoir un volcan en état de conduit ouvert est une bonne et une mauvaise chose. C'est une bonne, parce que la pression peut se libérer doucement sous forme d'exhalaisons, sans produire d'explosions vulcaniennes violentes comme au Colima plus en bas..

    Par contre, là ou ce n'est pas bon, c'est que le jour où une grosse impulsion magmatique, de magma fluide gazeux et chaud, se déclenchera, personne ne la verra arriver........


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    1. Bonjour à tous,

      Je suis assez d'accord avec ton hypothèse Alcide, car il est vrai que la phénoménologie fait plus penser à une accentuation de l'activité plutôt qu'à une mise en pression avec une grosse explosion. A la manière de l'Etna, c'est vrai.
      Les photos sont par ailleurs très bien choisies pour servir ton propos.

      Par contre, je n'imagine pas qu'une remontée de magma profond puisse être totalement imperceptible, même dans des conduits ouverts. Car ce genre de magma est forcément plus turbulent, la sismicité change donc forcément. Cela ne se traduit peut-être pas obligatoirement par des VT mais le trémor doit au moins réagir. Il y a aussi forcément les compositions en gaz qui changent, et quelques stations à la périphérie du volcan remarqueront forcément un changement du rapport SO2/CO2 notamment.
      Donc sur les réseaux internet à notre disposition, on ne voit peut-être pas de changements mais dans les observatoires, cela m’étonnerait qu’ils soient surpris. Surtout sur un volcan comme le Popo.

      Comment le Popo réagit après ce paroxysme ?

      Bonne journée à tous,

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  4. Certains ne se font pas peur......

    https://youtu.be/Q7YYTThIlpo?t=137

    Encore pire..... Et là on a presque une vision d'un lac de lave actif!
    https://youtu.be/-DapSUnPLLc?t=5

    Et voilà ce qui arrive lorqu'on est au mauvais endroit au mauvais moment!

    https://www.youtube.com/watch?v=vHBNH2aKVFA

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