27 septembre 2015

Un point sur l'activité des volcans Cotopaxi et Telica

Cotopaxi, Equateur, 5911m

L'activité interne au volcan reste très supérieure à la normale, en contraste avec les manifestations externes qui, elles, sont revenues à un dégazage, certes important, mais bien moindre que ce que l'on a vu en août et début septembre. C'est toutefois l'activité interne qu'il faut regarder en premier lieu, avec la sismicité en tête de liste.
Celle-ci reste,d'après les bulletins de l'IGEPN, dominée par des secousses d'origine volcano-tectoniques qui ont même connu une phase d'augmentation la semaine dernière. Ces secousses sont dues à la rupture de roches sous l'effet de la pression de fluides et/ou d'une masse de magma. Ces secousses
se répartissent sur tout le système d'alimentation (la plomberie) de l'édifice depuis le sommet du volcan jusqu'à 12 km de profondeur. Il semble donc que l'activité magmatique (interne) ne soit pas calmée, et la manière dont le magma responsable de la crise en cours va poursuivre sa migration sera le paramètre clé de la suite des événements, avec ses caractéristiques propres (viscosité, teneur en gaz en premier lieu).
Les manifestations de surface ne sont toutefois pas en reste puisque le dégazage s'accompagne de lueurs incandescentes, photographiées hier matin, dans le cratère.

Incandescence dans le cratère du volcan Cotopaxi, 26 septembre 2015
Incandescence dans le cratère du volcan Cotopaxi, prise à 4h30 du matin (heure locale). Image: Cristobal Ocaña, via Foto Ecuador

Attention toutefois à l'interprétation de ces lueurs. La toute première question qu'il faut se poser est : depuis quand sont-elles présentes? J'ai le vague souvenir que des blocs incandescents expulsés pendant la phase d'émissions de cendres avaient été décrits et des résidents proches ont témoigné sur les réseaux sociaux avoir observé aux jumelles de lueurs dans le cratère, autours du 06 septembre. Cela reste toutefois à confirmer: aucun bulletin officiel n'en a parlé, à ma connaissance. Il n'est donc pas exclu qu'il s'agisse d'un phénomène nouveau mais cela n'est pas très clair pour le moment.
On sait par ailleurs que des gaz à haute température sont susceptibles de produire cette lueur : c'était le cas sur le volcan Copahue il y a quelques jours encore (c'est peut-être toujours le cas mais la webcam qui permet de la voir est HS pour l'heure), et il y a même eu quelques petites explosions, sans magma. Cette lueur due au dégazage est aussi présente en permanence sur le Poas, au Costa Rica.
Il n'est donc pas impossible que des gaz plus chauds que ceux émis au départ de la crise, en août, soient maintenant émis.
L'absence de lave dans le cratère sommital est toutefois démontrée par l'absence de rayonnement thermique important, même lorsque le volcan est dégagé de toute couverture nuageuse*.

Le volcan n'est donc toujours pas entré dans une phase éruptive "vraie" mais tous les signaux restent clairement associés à la mise en place d'un magma qui peut sortir. Et qui a peut-être déjà commencé d'une certaine manière d'ailleurs: dans le bulletin n°17, en date du 23 septembre, l'IGEPN faisait savoir que la proportion de magma juvénil dans les dépôt avaient un peu augmenté par rapport au cendres issues de laves anciennes et altérées. Il reste toutefois un doute quand à l'origine de ce magma trouvé dans les dépôts: s'agit-il réèllement du magma issu des profondeurs et responsable de la crise en cours? Ou se pourrait-il qu'il s'agisse de traces du magma soupçonné de s'être mis en place sous le flanc nord-est au début des années 2000?

Je disais plus haut que l'un des principaux éléments-clé de la manière dont les événements vont se poursuivre sera la manière dont le magma va migrer vers la surface. Les volcanologues, qui avaient 2 scénarios possibles au début de la crise, en ont maintenant 4. Ils dépendent bien sûr de ce paramètre-clé et les classent, du plus probable au moins probable:
1-: une remontée lente et tranquille, sans trop de contraintes conduit à la mise en place d'une activité éruptive modeste qui dure dans le temps. Les explosions sont faibles, les lahars sont de faibles volume. Il n'y a pas d'écoulement pyroclastique.
2- le magma en ascension, même tranquille, voit son parcours obstrué. Il y a mise sous pression et libération de cette dernière sous la forme d'explosions violentes susceptible de projeter des bombes et blocs jusqu'à plus de 5 km du cratère. Lors de cette phase de "débouchage" des écoulements pyroclastiques peu importants peuvent se former. Les chutes de cendres sont abondantes et les lahars sont plus imposants.
3- le magma remonte rapidement ce qui provoque une décompression rapide qui permet l'exsolution** importante des gaz du magma. Cela conduit à une forte pression qui se manifeste par une activité explosive violente, produisant d'importants écoulements pyroclastiques, la production de lahars  de grand volume (fonte des glaciers) et d'intenses chutes de cendres.

Mais quel est le 4ème scénario, le moins probable d'entre tous? Pour les volcanologues de l'IGEPN c'est le fait qu'avec tous ces signaux il n'y ait aucune activité éruptive.

* les nuages absorbent les rayonnements thermiques.
** les molécules de gaz se regroupent et forment des bulles

Sources : IGEPN; Merci à Alex Bogàr de m'avoir transmis la photo du Cotopaxi;

Telica, Nicaragua, 1061 m

Le volcan a connu hier un nouvel épisode d'émissions de cendres assez important, le troisième depuis que la crise en cours a débute, le 23 septembre. Elle a débuté à 08h47 et fut la conséquence d'au moins 5 explosions successives d'après l'INETER. Des chutes de blocs ont été repérées jusqu'à 500 m autour du cratère ce qui en fait une situation particulièrement risquée, sachant qu'il y a quelques semaines encore le site accueillait des touristes quotidiennement. Le panache de cendres s'est élevé jusqu’à 500m de hauteur.


Panache de cendres sur le volcan Telica vu de l'est, 26 septembre 2015
Le panache au moment le plus intense de la série d'explosions, vu depuis l'est. Image: INETER

Panache de cendres sur le volcan Telica vu du sud, 26 septembre 2015
Un petit GIF du moment de l’explosion. Les images sont faites depuis une webcam installée au sud. Images: INETER

Il serait interessant de savoir quel VUI serait attribué à cette crise, qui n'est pas magmatique: les bulletins de l'INETER précisent en effet que les blocs et cendres sont sont faits de laves anciennes et altérées. Normalement, dans l'hypothèse avancée par l'INETER qu'il s'agit de manifestations consécutives à l'obstruction du cratère par des éboulements, donc une origine tout à fait superficielle, ce VUI devrait être de 1, le plus faible de l'échelle.

Sources : INETER; Presse Nicaraguayenne

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