11 septembre 2015

L'activité des volcans Cotopaxi et Copahue évolue

Cotopaxi, Equateur, 5911 m

Dans le point fait le 08 septembre, basé sur des informations produite quelques jours auparavant par l'IGEPN, il était précisé que les cendres analysées étaient constituées de laves ancienne: l'activité était donc phréatique stricto sensu. Or, dans un nouveau rapport publié hier, les données sont légèrement
différentes: les volcanologues Equatoriens décrivent une proportion de plus en plus importante de magma neuf ("juvénil" dans le jargon). L'activité n'est donc plus strictement phréatique, mais pourrait  plutôt être décrite comme phréatomagmatique avec une composante phréatique toujours dominante à l'heure actuelle. Par contre les rapports ne précisent pas à partir de quand ce magma neuf a fait son apparition dans les dépôts: est-ce récent, ou cela s'est-il produit assez tôt dans la crise actuelle? Ce point n'est pas malheureusement pas très clair mais il semble que cela soit plutôt récent.


Quoi qu'il en soit la cartographie régulière des chutes de cendres a permis d'estimer le volume total émis depuis le début de la crise à environ 680 00 m3, ce qui doit correspondre à une masse d'environ de 1.5 à 2 millions de tonnes de cendres, qui ont saupoudré le paysage depuis maintenant presque un mois.

L'activité globale, tant en superficie qu'en profondeur (sismicité), connait aussi depuis presque une semaine une accalmie, ce qui peut contraster avec le fait que des cendres juvéniles ont été trouvées. En effet on pourrait penser que parce que du magma est arrivé assez proche de la surface, il doit s'exprimer plus fort. Or c'est oublier que le cheminement que doit faire ce magma est plus complexe qu'une simple masse liquide remontant dans un tube tout droit. Non: un conduit volcanique est avant tout constitué de réseaux de fractures colmatées que le magma, qui n'est pas du tout un liquide fluide mais au contraire visqueux voire extrêmement visqueux, doit pouvoir réouvrir afin de se frayer un passage. 

Sismicité du volcan Cotopaxi
Evolution de la sismicité du volcan Cotopaxi depuis janvier.  Image extraite du rapport de l'IGEPN


Le Cotopaxi est actuellement dans cette phase où le magma en cours d'ascension ouvre sa propre voie à travers l'ensemble de tout ce qui peut gêner sa progression comme, par exemple, les dépôts anciens. Sa propre viscosité est aussi un frein à sa remontée, sans compter les frottements que chacun de ses mouvements produits contre les parois. Bref: tout ça n'est pas très simple et il est normal que la crise puisse connaitre des périodes de calme, lorsque le magma est bloqué par exemple.

La compréhension de ce qui se passe peut aussi être perturbée par le fait que des déformations et une sismicité enregistrées au début des années 2000 (2001-2002) ont été associées à la mise en place d'une masse de magma sous le flanc nord-est de l'édifice. Cette masse joue-t-elle ou non un rôle dans la crise actuelle? Et si "oui" lequel?

Malgré le calme sismique, le sommet du volcan continue d'émettre des cendres, en quantité bien moindre et à une température très inférieure à celle relevés le 03 septembre. Lors d'un survol effectué le 09 septembre, les volcanologues ont en effet mesuré une température dans le panache de 27°, contre plus de 200°C la semaine précédente.

Emission de cendres sur le volcan Cotopaxi, 10 septembre 2015
Le volcan a continué de produire des cendres toute la journée d'hier, en faible quantité. Image: IGEPN

Image thermique du panache du volcan Cotopaxi, 09 septembre 2015
Mesure de température par caméra thermique lors du survol du 09 septembre. Image extraite du rapport de l'IGEPN

Deux scénarios principaux ont donc été élaborés par les volcanologues Equatoriens face à cette situation complexe et aux données récoltées.
Le premier met en scène des remontées successives de petites quantités de magma depuis le réservoir profond, qui s'étalent sur des semaines voire des mois. Ils ont appelé cette idée le "modèle Tungurahua" car c'est un peu ce qui se passe sur cet autre volcan Equatorien depuis 1999. Dans cette idée d'une "éruption par à coups", certains "à coups" sont faibles à modérés, d'autres sont plus violents et le VEI maximal atteint est de 3, ce qui est déjà plutôt important.

Le second met en scène des remontées plus importantes et rapides de magma ce qui conduit à sa dépressurisation brutale et donc une activité explosive plus violente. Dans ce scénario des panaches de cendres accompagnés d'écoulements pyroclastiques et de lahars importants se forment, le tout suivi d'abondantes chutes de cendres dans les zones situées sous le vent. Ils ont appelé ce scénario "type juin 1877", une éruption qui sert de référence dans l'histoire récente du Cotopaxi puisqu'elle a atteint un VEI de 4 (voire éruption du Kelut en février 2014 pour avoir un exemple d'un tel VEI).


En attendant les autorités continue de mettre en place des exercices d'évacuation et continuent de faire de la prévention par l'explication, via des conférences par exemple.

Sources : IGEPN; Ministerio Coordinador des Seguridad


Copahue, Chili, 2965 m


Voilà un édifice dont on avait plus entendu parler depuis plusieurs mois déjà et, pour être plus précis, depuis décembre 2014. Après les dernières manifestations de surface à l'époque le volcan est retourné à dans un état moins agité. On pourrait dire plus calme, mais ce fut un calme relatif car la sismicité n'est jamais revenue à la normale, indiquant que le système hydrothermal du volcan était toujours instable.

Les phénomènes (aléas)

Mi-août en particulier deux essaims sismiques, les 17 et 19 du mois, ont eu lieu à environ 4 km de profondeur, mais à presque 12 km au nord-est du sommet de l'édifice. La sismicité reste largement dominée par des secousses liées à de la fracturation des roches. Aucune variation significative ni dans la composition du panache, ni dans la déformation, ne vient suggérer que quelque chose d'important se passe au sein de l'édifice. Et pourtant, depuis au moins le 05 septembre une incandescence est de nouveau visible dans le cratère actif, appelé "El Agrio".
Faible au départ elle s'est largement accentuée depuis au regard des images prisent par la webcam située côté Argentin de la frontière, à Caviahue. Images qu'il faut lire avec des pincettes: prisent par le mode "nocturne" de la caméra, elles ne montrent pas strictement l'incandescence, cette lueur rougeâtre si caractéristique, mais les hautes températures du cratère car le capteur est sensible aux infrarouges dans ce mode.
Pour faire simple: depuis le 05 septembre il fait de plus en plus chaud dans le cratère El Agrio.

Faible lueur dans le cratère du volcan Copahue, 05 septembre 2015
Une faible lueur dans le cratère d'El Agrio le 05 septembre. Image : SERNAGEOMIN

Forte lueur dans le cratère du volcan Copahue, 10 septembre 2015
Une lueur plus intense dans le cratère d'El Agrio le 10 septembre. Image : SERNAGEOMIN

Alors que se passe-t-il? Et bien si il n'y a aucune déformation et aucune sismicité anormale associées à l'apparition de cette lueur, il est peu probable qu'elle soit liée à la mise en place de lave dans le cratère. De part les données du SERNAGEOMIN, on sait que le système hydrothermal du Copahue, très développé, est instable. Or un tel système est constitué de fluides à très haute température: l'émission de gaz très chauds est susceptible de produire la lueur visible sur la webcam. J'avais déjà donné l'exemple d'un tel phénomène en octobre dernier grâce au volcan Poàs.
La question est: y a-t-il un lien entre les crises sismiques, limitées, de la mi-août et cette modification de surface presque un mois plus tard?

Les conséquences

Pas de conséquences particulières : le niveau d'alerte reste au jaune et l'accès à la zone de très haut danger, large de 2500m autour du cratère El Agrio, est toujours restreint.

Source : SERNAGEOMIN

2 commentaires:

  1. Je sais que la science n'a que faire des frontières politiques mais savoir dès le titre où se situe le volcan serait un plus appréciable pour les curieux comme moi.
    Même sans cette précision, qui arrive parfois dans le texte, votre blog est formidable de réactivité et de clarté pour le béotien, bravo.

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    1. Bonjour Navigateur Moetai. J'entend tout à fait votre remarque, qui est importante.
      Le titre et une contrainte majeure, surtout quand on doit faire une actualité assez fréquente.
      La longueur est un élément clé et il faut éviter qu'il soit trop long (pour s'en rendre compte il suffit de lire les compte-rendu scientifique des 18 et 19ème siècles par exemple). Aussi c'est un choix tout à fait assumé de ne pas mettre par défaut la localisation du volcan, et de la préciser dans le texte. Je peux le faire si la possibilité m'est offerte, c'est a dire si je considère que cela ne produit pas un titre trop long.
      Je tâcherais toutefois de ne pas oublier cette remarque et vous remercie de l'avoir partagée :-)

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