27 novembre 2014

Un point sur l'activité des volcans Bardarbunga et Fogo (mis à jour 29 novembre 2014, 08h27)

Bardarbunga, Islande, 2000 m

L'activité effusive au Bardarbunga se poursuit mais depuis environ une semaine elle semble moins stable. En effet les volcanologues sur le terrain ont constaté que la lave, bien que sortant de manière continue par l'exutoire qui éventre la pointe nord des spatter-remparts, ne le fait plus de manière aussi stable, mais parfois par à coups. Les volcanologues décrivaient le 20 novembre que toutes les 10 à 15 minutes une explosion (arrivée d'une bulle ou d'un train de bulles) dans le lac était suivi par un
débordement du lac qui augmentait temporairement le débit de la coulée. Ce type d'instabilité est de nouveau décrit pour la journée d'avant-hier (25 novembre).

Par ailleurs l'image satellite LANDSAT 8 prise le 25 novembre et publiée par l'Institut des Sciences de la Terre Islandaise montre que les fronts actifs se déplacent sur les coulées émises en septembre et octobre. Un environnement chaotique qui contraste fortement avec la douce et lisse plaine cendreuse d'Holuhraun et ne facilite probablement pas l'avancée de la lave. Plus lente, elle a eu tendance à s'étaler un peu dans toutes les directions. Mais certains de ces fronts sont dores et déjà parvenus au bord du champs de lave et s'écoulent à nouveau sur la plaine.

En dehors du chenal principal, la lave continue donc d'avancer mais sa surface est déjà solidifiée (noire sur les images satellites ou webcam), et seule sa partie interne est encore assez liquide (et incandescente) pour se déplacer. La surface du champ de coulée est maintenant estimée à environ 75km² et le débit de lave reste important, estimé entre 60 et 100 m3 par seconde!

Eruption du volcan Bardarbunga dans la plaine d'Holuhraun, 25 novembre 2014
L'activité vue par LANDSAT 8 le 25 novembre. Image: Institut des Sciences de la Terre
Eruption du volcan Bardarbunga dans la plaine d'Holuhraun, 27 novembre 2014
L'activité vue ce matin par la webcam. Image: MILA

Côté caldera, le GPS qui donnait l'évolution de l’affaissement est HS, peut-être parce que l'antenne  est recouverte de neige/glace d'après les volcanologues. Mais de ce côté-là du volcan ce qui est important ce que certains volcanologues commencent à penser que du magma n'est pas très loin sous la surface, à environ 3000m, soupçon donné par la sismicité. L'analyse de leurs données leur suggère par ailleurs que l'épaisseur de glace dans la caldera serait peut-être moins importante que prévue initialement. Rappelons que cette épaisseur avait été déterminée à partir des moyens géophysiques, mais pas par forage (trop complexe à mettre en oeuvre là-haut).
En tout cas si on regarde la sismicité globale liée à cette éruption et son évolution depuis le début on peut voir qu'après le pic d'août, marquée par une forte sismicité sur le dyke, elle s'est installée dans une forme de stabilité. Elle connait des variations plus ou moins cycliques (l'histogramme fait des vagues) mais ne semble pas avoir tendance à diminuer. Attention à la lecture de cet histogramme: il ne faut pas oublier qu'à partir de septembre grosso modo c'est au niveau de la caldera que l'activité sismique s'est concentrée. Les "vagues" montrent donc comment évolue la sismicité au sommet principalement, même si la sismicité sur le dyke est prise en compte. Les petits ronds vert en bas montrent les jours où il y a eu des secousses de magnitude 5 ou plus: on voit bien que depuis le mois d'octobre elles sont moins nombreuses.

Evolution de la sismicité liée à l'éruption du volcan Bardarbunga dans la plaine d'Holuhraun
Nombre de secousses par jour, toutes magnitudes confondues, depuis le début de la crise. Image: Culture Volcan à partir des données de l'IMO

Sources: IMO; Université d'Islande, Iceland Review

Mise à jour 29 novembre, 08h27

Le dernier bulletin des volcanologues indique que le glacier qui occupe la caldera s'est affaissé d'un cinquantaine de mètre, pour un volume totale estimé à 1.4 km3. Pour eux l'absence de signal en provenance du GPS vient du fait que le terrain est tellement affaissé que la transmission avec les antennes relais est coupé.


Fogo, Cap Vert, 2829m

L'activité éruptive se poursuit aujourd'hui. Plus d'une quinzaine de maisons ont d'ores et déjà disparu sous la coulée à Portela et la lave continue de progresser, plus lentement, mais inexorablement tant que la fissure continue de délivrer de la lave. L'activité sur la fissure était encore dominée, hier soir, par une fontaine de lave localisée à peu-près au milieu de la fissure (c'est l'évent le plus actif depuis le début de l'éruption j'ai l'impression).

Fontaine de lave pendant l'éruption du volcan Fogo, 26 novembre 2014
Fontaine de lave et départ de al coulée sur la fissure éruptive au pieds du Pico de Fogo. Image: Green Studio

L'activité semble bien avoir diminué d'après les journaux locaux mais la topographie au niveau du village semble favorable à la progression de la coulée. Par ailleurs ce n'est pas parce que l'intensité de l'éruption a diminué qu'elle va s'arrêter tout de suite: elle peut rester stable plissures jours ou semaines. Toutes les infrastructures du village sont menacées à court terme: école, coopérative viticoles (où sont entreposées 200 000 bouteilles, et non plus 100 000 comme c'était indiqué hier), hébergements touristiques... c'est la vie économique dans la caldera qui risque de disparaitre dans les dizaines d'heures qui viennent

La coulée de lave du volcan Fogo et le village de Portela, 26 novembre 2014
La coulée de lave en approche du village de Portela hier. Notez les personnes et leurs biens,en bas à droite de l'image, en attente d'être évacuées. Image: Green Studio, via Fogonews
Il semble par ailleurs, d'après les scientifiques sur place, que si la coulée parvient à passer l'école, la pente lui sera alors encore plus favorable ce qui pourrait lui permettre atteindre ensuite le village de Bangaeira, situé dans le prolongement de Portela. La situation demeure donc critique et ce d'autant plus qu'une route de secours ré-ouverte hier, difficile à localiser mais vraisemblablement entre le rempart de la caldera et la coulée active, a visiblement été rebouchée par la coulée.

La coulée de lave du volcan Fogo et le village de Portela, 26 novembre 2014
Vue générale de la coulée de lave, devant Portela. Image Green Studio

Mise à jour 18h07

D'après un nouvel article de Fogonews, une équipe de volcanologues venus de l'archipel des Canaries constate une recrudescence de l'activité depuis quelques heures. Sur une vidéo tournée ce matin par l'équipe de MuzikaTV, on peut voir que l'activité est devenue plus discontinue avec des successions de grosses bulles de gaz qui éclatent dans la fissure, un véritable brassage, tout à fait somptueux. On peut aussi y voir de petites coulées, peu alimentées, qui débordent depuis la partie centrale de la fissure, où se trouve l'activité explosive. Sur les 6 évents qui étaient actifs au  premier jour de l'éruption, il n'en reste actuellement plus que deux sur lequel s'est concentrée l'activité, évolution classiques des éruptions fissurales. Le plus actif est le plus bas (évent aval sur l'image ci-dessous): c'est lui qui est le siège du "brassage". Le second, juste au-dessus ("évent amont"), propulse des jets de gaz très vifs, assez puissants, accompagnés de projections. C'est donc toujours une activité strombolienne très soutenue qui anime la fissure actuellement.


Activité explosive pendant l'éruption du volcan Fogo, 27 novembre 2014
Activité sur la fissure ce matin. Image: MusikaTV
Un autre  article indique qu'une troisième voie de secours est maintenant ouverte et va permettre à nouveau aux camions mobilisés pour l'évacuation des personnes et de leurs biens de se déplacer plus facilement. Une partie du contenu des caves de la coopérative viticole (créée en 1993) a déjà été évacué mais il reste des cuves de plusieurs milliers de litre qui, de part leur volume et poids, pourraient ne pas être transportables.

Concernant l'activité éruptive d'où j'ai extrait l'image ci-dessus je ne peux que vous conseiller vivement de regarder cette vidéo.




Mise à jour 28 novembre 2014, 17h42

L'activité est toujours en cours sur la fissure et reste intense. Elle est tout à fait similaire et dans le style et dans l'intensité à ce qu'elle était hier: un brassage de lave parfois dispersé en lambeaux de toutes tailles par l'éclatement d'une bulle de gaz: un spectacle vraiment superbe. Les morceaux en question retombent autour de l'évent et commencent à édifier un semblant de cône volcanique sur le flanc sud des cônes de 1995. Un second évent (évent amont), juste au-dessus, libère un jet de gaz et des projections, mais en bien moindre quantité. C'est l'évent amont qui libère le plus de cendres, l'évent aval produisant essentiellement des bombes.

L'activité sur la fissure ouverte pendant l'éruption du volcan Fogo, 28 novembre 2014
Une bulle de gaz éclate dans la fissure et projette des lambeaux de lave: ainsi se forment les bombes volcaniques. Image: MusikaTV

La surface recouverte par la lave est d'environ 400 hectares, dont plusieurs dizaines de terres agricoles, chose essentielle à la vie dans la caldera, dont l'environnement est assez aride. Des universitaires de La Palma (Canaries) sont venu expertiser les dégâts fait par la coulée dans la zone du parc naturel.

Côté Portela le village semble un peu moins menacé après que la coulée nord ait ralenti. La lave a en effet commencé de former une nouvelle coulée dès hier qui semble se diriger plein ouest sud-ouest en direction de la zone dite Cova Tina. Le problème: c'est par là que sont ouvertes les routes qui permettent l'évacuation des habitants de Portela et de tous leurs biens et il restait ce matin une centaine de personnes à faire sortir, sans compter tout le matériel des bâtiments du parc naturel qui n'ont pas été volés ou saccagés, et qui sont stockés à Bangeira. La course contre la montre a donc accéléré car il faut que tout soit évacué avant que ce front ne coupe les voies d'accès que les tractopelles et autre machines s'évertuent à ouvrir.

Il semble pourtant que le plus gros risque ne provienne pas que de l'activité volcanique: une touriste âgée de 72 ans s'est faite agresser à l'arme blanche hier dans la caldera par deux personnes. Elle faisait partie d'un groupe d'une vingtaine de personnes. Elle ne semble pas grièvement blessée mais a été hospitalisée: amis touristes, si vous comptez vous rendre sur place, soyez prudents.

Pour information je serais particulièrement occupé ce week-end et ne sais pas si je pourrais ou non faire un point sur les diverses situations en cours. Surveillez mon compte twitter au cas où: s'il se passe de petites choses à droite à gauche je privilégierais probablement ce média. De toutes manières je ferais un point lundi sur le blog
Bon week-end à toutes et à tous, je vous laisse avec une vidéo tournée aujourd'hui.



Source: Fogonews; MusikaTV

16 commentaires:

  1. super video du fogo merci pour ceux qui sont bloqués devant l'ecran

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    1. Avec plaisir. Quand je l'ai vue je me suis dit que ce n'était pas possible de ne pas la partager :-)

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  2. Bonjour,

    Une petite question plus à propos du volcan Fogo lui même que de l'éruption en cours. Vu la caldeira de 9km de diamètre qu'il possède, il a du faire une sacrée explosion par le passé, non?

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    1. Bonjour,

      Non, il semblerait que ce soit une caldéra d'effondrement, tout est parti dans la mer lors d'un gigantesque glissement de terrain !
      Voir : https://www.rsmas.miami.edu/users/famelung/Publications_files/AmelungDay_GRL_2002.pdf

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    2. En fait c'est un poil plus compliqué: d'après une étude géomorphologique et pétrologique faite en 2006, la cicatrice est le résultat de la formation de deux calderas d'effondrement et d'une caldera d'avalanche vers l'est. Les deux calderas d'effondrement ont produit la paroi rocheuse ("Bordeira") à l'ouest: elles se recoupent exactement à l'endroit où se trouve Portela, ce qui forme cet espèce d'imposant talus au pied de la paroi, où s'est réfugié une partie des habitants ces derniers jours.Quand à la cicatrice d'avalanche: l'activité éruptive qui a donné naissance au Pico l'a complètement comblée. Sa bordure ouest, maintenant totalement ensevelie, se trouverait à peu près au niveau de la route qui passe au pied du Pico, donc à quelques centaines de mètres à l'ouest de la fissure éruptive actuelle.

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    3. Bonjour,

      Et pour aller plus loin, je me permet un commentaire qui va dans votre sens. La caldeira ressemble étrangement à celle de l'Enclos à La Réunion (un mur caldérique, un fond plutôt plat, un cône central et des grandes pentes) mais la formation de celui-ci reste encore (très) débattu. Il semblerait cependant qu'il soit lié à au moins deux processus :
      - la formation d'une caldeira d'effondrement pour la composante verticale
      - un gigantesque glissement de flanc pour la composante latérale avec la possibilité d'explosion du système hydrothermal.
      Pour certains auteurs, l'Enclos serait même une structure polyphasée...alors là !

      En tout cas, je serai curieux de lire des documents sur le sujet pour le Fogo alors si vous avez...merci d'avance :)

      Ludovic

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    4. L'histoire des volcans est toujours un poil plus compliquée !! :-)
      J'ai été un peu trop rapide dans la réponse...

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    5. La Valle del Bove de l'Etna a une histoire similaire et très complexe en raison du mode d'éruption évolutif du volcan depuis sa formation.

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    6. Merci pour vos réponses :-)

      Si je comprends bien, la caldeira du Fogo comme probablement celle de su Piton de la Fournaise, s'est formée grâce à l'effondrement d'une partie du volcan et/ou par glissement de terrain dans la mer, sans forcément qu'il y est eu lieu un processus explosif. Mais les phénomènes d’effondrement et de glissement de terrain ont du présenter une certaine violence , non?

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    7. Non pas et/ou: il y a eu, d'après les dépôts retrouvés, l'effondrement vertical de deux calderas (à 2 moments différents), un peu comme au Bardarbunga mais en extrêmement rapide (quelques heures, dizaines d'heures peut-être jours). Là il y a eu de l'activité explosive, puisque des dépôts ont été retrouvés. Il a eu ensuite un effondrement latéral, en mer. Il est possible qu'il n'ait pas été accompagné d'une violente activité explosive car il ne semble pas y avoir de système hydrothermal très développé dans l'édifice (peu de stockage magmatique dans la croûte à priori). Mais c'est un point sur lequel je ne peux pas être précis donc je ne sais pas.
      Dans tous les cas ce sont des phénomènes de grande ampleur et d'une grande violence oui. L'effondrement latéral a dû produire un tsunami gigantesque par exemple.

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    8. Donc pas forcément d'éruption ultra plinienne, mais une phénomène qui devrait tout de même être spectaculaire à voir.

      Merci pour cet éclairage sur l'histoire de ce volcan :)

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    9. Et bien pour être très concert: je n'ai vu nul part, pour le moment, la caractérisation (pliniennes, ultraplinienne etc) des éruptions explosives qui ont accompagné la formation des calderas d'effondrement. Pour cela il faudrait une cartographie et une caractérisation précise du dépôt qui permettrait peut-être d'estimer un certain nombre de paramètres tels que hauteur du panache, extension maximale, épaisseur du dépôts au niveau de l'évent etc etc. C'est à partir de ce type de données que l'on peut ensuite estimer le VEI d'une activité explosive passée, puis la qualifier de "plinienne", "ultraplinienne" etc, etc. Donc peut-être qu'elle fut ultraplinienne, peut-être pas...impossible de savoir sans ce type d'études de terrain.
      C'était juste pour préciser :-)

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  3. En effet sacré film...quelle ambiance !..., ambiance qui contraste malheureusement avec celle 4 km plus loin.

    A quand une vidéo de nuit ?

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  4. En vous souhaitant bien du courage :
    http://elib.suub.uni-bremen.de/edocs/00102336-1.pdf

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