13 septembre 2014

Un point sur la situation du volcan Bardarbunga (Bárðarbunga) (mis à jour 14 septembre 08h11)

La situation étant stable pour le moment j'espace un peu les mises à jours:
- pour éviter de vous fatiguer à répéter toujours les mêmes choses
- pour me reposer un peu car le mois écoulé à été un peu prenant avec cette situation...surtout qu'elle n'est pas seule à être digne d'intérêt.

Ceci étant dit j'en profite pour vous remercier, chaleureusement, pour tous les commentaires positifs et encourageants que vous, lectrices et lecteurs curieux(ses), volcanophile(e)s, étudiant(e)s en géologie/volcanologie ou volcanologue(e)s avez posté sur ce blog.

Après cette brève effusion de remerciements, je vous propose de retourner en voir une autre plus chaleureuse encore: celle du Bardarbunga bien entendu.

Les dernières données émises par l'IMO, l'Université d'Islande et la Protection Civile font état d'une
situation stable aussi bien au niveau de la fissure éruptive que de la caldera sommitale.

La fissure

L'activité reste inchangée depuis plusieurs jours et le champ de lave est toujours très bien alimenté. Le volume émis depuis le départ de l'éruption est d'environ 200 millions de m3 (53 333 piscines olympiques environ) qui s'étire sur une surface de 24.5 km², soit une épaisseur moyenne de 8 mètres. Le front de la coulée, toujours coincé dans le lit de la rivière Jökulsá á Fjöllum, se trouve maintenant à environ 16 km de sa source et continue d'avancer à une vitesse d'environ 1000 m/jour: c'est assez incroyable il faut le dire, d'autant que la topographie n'est pas favorable (plaine) à sa progression.







Le spatter-cone* le plus important de la fissure mesure maintenant 70 m de haut, mais si les cônes et la coulée ne cessent de grandir, la sismicité sur le dyke, elle, ne cesse de s'atténuer. Seule la partie située sous le glacier délivre encore quelques secousses profondes, mais la partie la plus au nord (où se déroule l'éruption) est devenue "silencieuse".


La caldera

Elle continue de s'enfoncer à une vitesse de 50 cm/jour et s'est affaissée de plus de 21 mètres maintenant. Les volcanologues ont été poser des GPS directement sur le glacier qui rempli la caldera pour avoir des mesures beaucoup plus précises et donc une vision un peu plus claire de l'évolution de cette situation.
Bien entendu ce mouvement vertical s'accompagne d'une sismicité toujours assez intense, due aux frictions et ruptures qui se produisent le long de la paroi de la caldera, sur une épaisseur de 6-7 km.




Le soufre

De très hautes concentrations ont de nouveau été mesurées dans le village d'Reyðarfjörður, sur la côte est de l'île, avec des valeurs proches des 4000 microgrammes/m3 d'air hier soir!!! Valeurs dangereuses qui n'ont heureusement pas duré.


Pic de SO12 du à l'éruption du volcan Bardarbunga-Holuhraun, 12 septembre 2014
Évolution de la concentration en SO2 dans l'air à Reyðarfjörður entre le 12 et le 13 septembre 17h30. Image: Agence Islandaise de l'Environnement
Les recommandations données par les autorités sont claires lorsque ces pics se produisent:
- si des personnes ont des problèmes de santé, elles doivent rester enfermées dans leur maison, toutes portes et fenêtres bien fermées, climatisation éteinte.
- dès que le pic se termine, il faut absolument aérer la chambre.
- toute activité en extérieur est fortement déconseillée


Le débit massique du dégazage lié à l'éruption est estimé à 750kg/sec: 750 kg de gaz (tous gaz confondus) rejetés chaque seconde dans l'atmosphère! Le panache est toujours bien visible dans l'hémisphère nord de part ses hautes concentrations en SO2 justement. Il semble même qu'une fraction de ce soufre soit maintenant au-dessus de l'Alaska, à 7000km plein est.


Extension du  SO2 libéré par l'éruption du Bardarbunga.Image: SACS/ESA
Et pour bien montrer que ce panache-là ne pose pas de problèmes à l'aviation, même les pilotes d'avion de la compagnie Icelandair font un détour pour permettre à leurs passagers de profiter du spectacle...sympa!




Mise à jour 14 septembre, 08h11

D'après les dernières informations produites par l'IMO l'activité a diminué au cours de la journée d'hier. Le front de la coulée progresse moins vite et il n'y a plus qu'un seul évent actif, à savoir le central, nommé Baugur ("l'anneau", voir la mise à jour de 21h01 du 07 septembre pour les noms) sur la fissure éruptive.
Toute la question bien sûr sera: est-ce le début de la fin de l'éruption, ou n'est-ce qu'un passage, une transition vers un second round? Laissons le temps faire son oeuvre et voyons comment évoluent les signaux.


* terme anglo-saxon qui combine "spatter" (éclaboussure) et cone (cône...). Les "cônes d'éclaboussures" se forment lorsqu'une lave très chaude et fluide est projetée lors d'une éruption, sous forme de petite fontaine. Les fragments qui retombent au sol ont un trajet dans l'atmosphère trop court pour se refroidir et se solidifier: elles "spash" dont au sol, comme des éclaboussures, s'accumulent, s'agglutinent et se soudent en un cône aux pentes très raides.

Sources: IMO; Protection Civile Islandaise; SACS/ESA; Twitter

4 commentaires:

  1. Bonsoir,
    Très bon blog qui ne fait pas dans la surenchère, ni le catastrophisme ^^.

    J'ai une question, s'il vous plait.
    L'IMO estime à 750 kg/s (soit 64 800 tonnes par jour) les émissions de gaz par la fissure mais de quoi ils se composent: 50% de H2O, 24% de CO2, 24% de SO2 et les 2% restant un peu de tout ?
    L'IMO avait estimé à 20 000 tonnes par jour les émissions de SO2 mais si c'est ça, cela veut dire que 30% des gaz émis par jour sont du SO2. On aurait donc un énorme taux de SO2 comparé à ce que l'on voit habituellement et ce gaz prendrait principalement la place de quel gaz ? e l'H2O ou du CO2 ? Merci d'avance pour la réponse.

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    1. Bonjour Mr Martello et tout d'abord merci pour le compliment sur le blog.
      Votre question est intéressante mais je ne peux pas y répondre clairement: je n'ai pas plus accès que vous aux compositions (estimées) du panache et ne sais donc pas quelle est la proportion de chacun des gaz présents.
      Par ailleurs il ne faut pas oublier qu'une mesure instantanée ne pourvoit que peu d'informations: c'est le suivi et la comparaison des données qui permettent de voir l'évolution des compositions du panache puis de produire des modèles de mécanismes à même d'expliquer ces évolutions.

      Surtout, et c'est l'autre raison pour laquelle je ne peux vous répondre avec précision: il me semble qu'il faut porter attention à ne pas mélanger deux données prises à des moments différents car vous introduisez alors un biais dans votre estimation. Je m'explique.
      Si je ne me trompe pas (dites-moi si je me trompe), vous estimez un pourcentage en prenant le débit massique total mesuré hier (750 kg/s) avec un débit massique du SO2 mesuré à un autre moment de l'éruption (20 000 tonnes/jour, soit 231 kg/s). Or il est possible que:
      * la composition du panache ait changé entre temps, car tous les gaz n'ont pas la même solubilité dans le basalte
      * et que le débit massique totale ait lui-même changé: peut-être était-il de 1000 kg/s le jour où l'IMO a estimé que 20 000 tonnes de soufre étaient libérés?

      Mais je sais que certains lecteurs de ce blog, spécialistes des gaz (en particulier du SO2 justement) pourraient vous apporter, mieux que moi, quelques éclairages là-dessus. De mon côté je vais aller à la pêche aux infos, pour voir car la question est intéressante.
      Merci en tout cas.

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  2. Bonjour,

    Merci de vôtre réponse ^^

    Oui je me doute qu'il y ait des variations, par ce que si on prend les chiffres publiés sur les moyennes secondes, on s'aperçoit que la totalité de la lave évacuée serait 10 fois plus importante, on peut aussi pensé qu'il en est de même avec les gaz.

    Cependant, à défaut de mesures précises, je pense que les scientifiques sur place ont dû faire des estimations sur la composition du panache. Il est vrai que je n'ai rien vu non plus, ils ne communiquent que sur le SO2. Le H2O n'étant pas dangereux, le CO2 comparé à ce que l'Homme produit est également insignifiant mais quand même, une idée de ce qui sort réellement serait intéressant, les quantités de fluor émis également et les autres gaz qui normalement sont en quantités bien moindre que les 3 grands précités et habituel des volcans.
    Ils ont pu aussi éliminé le H2O de leurs calculs.
    Ce qui serait plus simple et pourrait rejoindre les estimations sur les 20 000 tonnes de SO2 émis quotidiennement (ces chiffres ont été fournit en début d'éruption).
    environ 64 800 tonnes/jour de gaz hors H2O, cela pourrait donner 40 000 tonnes de CO2 et 20 000 tonnes de SO2 et là on se rapprochait des proportions"standard" des volcans et les 4 800 tonnes le reste des gaz.

    Tant qu'on a pas le détail, cela n'est que spéculations mais cela m'intrique ^^.

    Merci encore de votre réponse et du suivi que vous faites de ce volcans et des autres volcans mondiaux bien entendu

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  3. Bonjour,

    La situation étant stable au Bardarbunga, j'ai fait un document résumant la situation depuis le départ de la crise sismique, à l'aide de vos articles. Si cela vous intéresse, je peut vous le donner. Pour cela, vous n'avez qu'à me contacter par mail : Leduc.ludovic@gmail.com.

    Bonne journée,

    Ludovic Leduc

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