17 septembre 2014

Le point sur la situation des volcans Bardarbunga (Bárðarbunga) et Stromboli

Bardarbunga, Islande, 2000m

L'activité effusive du Bardarbunga, qui se déroule dans la plaine d'Holuhraun, s'est poursuivie sans grand changement ces dernières 48 heures. La nouvelle coulée, au sud de la principale, a visiblement bien progressé depuis son apparition. Comme il n'y a pas d'informations spécifiques à cette coulée dans les bulletins, on ne connait pas ses dimensions exactes actuelles mais on peut tenter, pour le fun,
de donner l'ordre de grandeur, à partir des images webcam. Il faut pour cela comparer deux images et avoir l'échelle sur au moins une des deux.
On sait par exemple que la longueur de cette nouvelle coulée était de 2 km le 13 septembre et une image avait été faite ce soir-là par l'un des membres du Geoforum. Une seconde image a été fait hier soir par un autre de ses membres, ce qui permet de constater la progression et de donner une idée de la nouvelle longueur de cette coulée.

Attention: avec ce type d'approche on aboutit avant tout à une vague estimation, à savoir environ 6 km. Il ne faut pas oublier en effet que l'on a forcément une mauvaise perception de la situation induite par:
-les effets de perspectives: difficile de dire avec les photos ci-dessous si la coulée va pleine gauche (vers l'est)  ou se dirige plutôt en direction de la webcam (vers le nord-est).
- le fait qu'on est dans le noir, donc sans détails ni points de repères pour pouvoir éventuellement corriger les effets de perspective ci-dessus.


il est clair on ne peut pas être vraiment précis. De facto on peut dire que la coulée semble faire entre 5 et 7 km actuellement mais il faudra attendre une vraie cartographie pour avoir ses dimensions exactes (et voir si l'estimation tombe dans les clous ou pas).

Nouvelle coulée de lave du volcan Bardarbunga (Bárðarbunga) dans la plaine d'Holuhraun, 16 septembre 2014
Évolution de la nouvelle coulée de lave du Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun. Images: MILA, via le Géoforum

Les rapports fournis depuis quelques jours semblent moins denses, plus monotones, que ceux qui étaient rédigés au départ de l'éruption. Cela est probablement dû à au moins deux choses:
- les conditions sur le terrain (gaz mais aussi tempête) ont été difficiles et peu de données ont été récoltées par les équipes sur place, volcanologues comme média, mais aussi depuis le ciel (peu de survols) et même l'espace (couverture nuageuse dense).
- la situation est relativement stable donc il y a peu de détails nouveaux à donner, en tout cas pour les données enregistrés par les appareils de mesures (GPS, sismicité etc).

Il n'est pas expliqué, par exemple, ce que devient la coulée principale: continue-elle de progresser mais au ralenti? Sur la webcam "Bardarbunga" de MILA ont voit, par temps clair, de nombreux panaches de vapeur se lever au-dessus d'elle mais cela ne veut pas forcément dire qu'elle continue d'avancer.
La sismicité se poursuit aussi bien sous la plaine d'Holuhraun qu'au niveau de la caldera du Bardarbunga.

D'après les dernières infos transmises par l'IMO le nombre de séismes sur la seule journée d'hier est comparables sur les deux zones (un peu plus de 20 au niveau de la caldera, un peu plus de 30 sous la plaine). Cependant en terme d'énergie libérée il y a fort à parier que c'est la zone du Bardarbunga qui est maintenant devant car elle compte pas mal de secousses de magnitude supérieure à 4 et 5. Il faut aussi noter que c'est surtout la partie nord de la caldera qui est la plus sismogène (donne le plus de sismicité) avec des secousses qui se produisent entre la surface et 10 km de profondeur. L'affaissement se poursuit à une vitesse moyenne de 50 cm/jour.
Sous la plaine d'Holuhraun la sismicité reste relativement profonde, entre 5 et 10 km.

Sismicité dans la zone du volcan Bardarbunga (Bárðarbunga), 16 septembre 2014
Localisation (couleur = profondeur) et magnitude (diamètre des cercles) des secousses sismiques pour la journée du 16 septembre.

Peu d'images ont été faites ces derniers jours mais en voilà au moins une faite hier en avion, qui montre l'activité sur la fissure et la coulée qui s'en échappe.

Eruption du volcan Bardarbunga (Bárðarbunga) dans la plaine d'Holuhraun, 16 septembre 2014
L'activité éruptive vue hier d'avion. Image: Freysteinn Sigmundsson, via IMO

De belles images de l'éruption (non datées mais à priori par d'hier) ont aussi transmises via facebook, je vous laisse les découvrir (de la série, ma préférée est clairement la seconde).

Sources : IMO; Thor Photographie


Stromboli, Italie, 926 m

L'activité effusive poursuit son bonhomme de chemin. La fissure ouverte le 07 août dernier à 650 m sur le versant nord du Cône Nord continue de délivrer à plutôt bon débit de la lave. Elle descend sur la plate-forme au pied du cône Nord, la rempli puis se dévers dans la Sciara del Fuoco.
Depuis le matin du 06 septembre cette coulée s'échappe par un exutoire qui se trouve loin des webcams, plutôt sur la partie sud-ouest de l'ensemble des coulées émises depuis le 07 août.
Elle reste donc directement invisible, mais indirectement visible.
Je m'explique: on ne voit pas directement la coulée sur les webcams, mais on la perçoit indirectement, par les reflets de son incandescence dans les gaz qui s'en échappent. 
On ne la voit pas non plus sur la webcam thermique (pas celles en ligne en tout cas) car elle progresse derrière des coulées plus anciennes qui bloquent son signal thermique et l'empêchent d'arriver jusqu'au capteur de la caméra. 

Coulée de lave sur le volcan Stromboli, 17 septembre 2014
Activité éruptive dès potron-minet ce matin. Image: INGV

Dans les rapports mis en ligne par l'INGV, les volcanologues italiens, qui ont accès à plus de de webcams et surtout à des images en streaming (le serveur des volcanologues ne délivre qu'une image toutes les 3 minutes), expliquent que cette coulée a eu hier un regain d'alimentation: à deux reprises son front est quasiment arrivé jusqu'en mer le matin.

Coulée de lave sur le volcan Stromboli, 16 septembre 2014
Extrait du rapport de l'INGV en date du 16 septembre: sur une webcam thermique pointe vers le bas de la Sciara del Fuoco on voit arriver plusieurs fronts de coulées de lave qui descendent de la plate-forme. Image: INGV
A noter toutefois qu'un léger débordement a eu lieu hier matin dans le couloir ("couloir nord-est") qui s'ouvre juste en face des webcams mais n'a pas duré.

Petite coulée de lave sur le volcan Stromboli, 16 septembre 2014
Débordement de lave dans le couloir nord-est hier matin. Image: INGV

Au sommet l'activité explosive est toujours présente et ne semble se produire qu'au niveau du cratère sud.

Emission de cendres sur le volcan Stromboli, 16 septembre 2014
Emission de cendres par le cratère sud hier. Image: INGV

Source: INGV

9 commentaires:

  1. Je m'interroge au sujet de la localisation des séismes sous la caldera du Bardarbunga. Selon votre image du "piston" qui descend, je m'imaginais que les frictions devaient être relativement homogènes le long de la faille circulaire. L'absence de séismes ailleurs est elle-même surprenante. Un "piston" de cette masse même glissant le long d'une faille existante, ça ne doit tout de même pas être huilé comme une belle mécanique. Qu'est-ce qui peut expliquer cette concentration au nord? Serait-ce en rapport avec une tentative de remontée du magma de ce côté ou y a-t-il d'autres explications possibles?

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    1. Attention: le "piston" ,n'est qu'un modèle très très simpliste. Dans la réalité les caldera sont de plusieurs type ("plate", "peacemeal", "funnel", "trap-door" etc). Certaines sont caractérisées par une géomètrie complexe, asymétrique. La Trap-Door par exemple ne s'affaisse que d'un côté. Par ailleurs leur morphologie et la manière dont elles fonctionnent dépend aussi de l'état des contraintes dans le croûte, donc de la tectonique locale.
      Je n'ai rien vu passer concernant la source des secousses: friction et/ou fracturation?
      Une question importante, à laquelle je n'ai pas de réponse, est: est-ce que les failles qui limitent la caldera sommitale s’enfonçaient déjà aussi profondément dans la croûte avant le départ de l'éruption, ou sont-elles en train de se développer vers le bas au fur et à mesure que le "piston" s'enfonce?
      - Si elles existaient déjà avant, alors il y a de fortes chances pour que les séismes soit le résultat des frictions. Il faut imaginer alors que les roches au niveau de la faille, sur une épaisseur de quelques centimètres à dizaines de centimètres, sont broyées et déformée, "mylonitisées" dans le jargon.
      - si elles n'existaient pas, alors la source est probablement de la fracturation, qui sera suivi de friction de toutes manières.

      A priori cette sismicité est liée à l'affaissement de la caldera, sans remontée de magma pour le moment. Ce qui ne veut pas dire que du magma ne profitera pas de la situation pour remonter, mais pour le moment ça ne semble pas être le cas.

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    2. Merci pour vos efforts de vulgarisation "en direct" Mon intérêt pour le volcanisme date de mon enfance où je ne ratais pas un bouquin ou une conférence d'Haroun Tazieff (ça date!) mais mes connaissances n'en restent pas moins du niveau "science et vie", au mieux. Suivre ces évènements quasi en temps réel comme internet le permet aujourd'hui reste un vrai plaisir :-)

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  2. en lisant vos commentaires ! y a un question qui me viens a l'esprit = " peut-on avoir des données sismiques qui contredisent les données géochimiques, a fin de mettre au claire des risques d'une éruption ?!

    Merci !

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    1. Bonjour.
      Les données récoltées en géochimie et en géophysiques prises brute ne veulent rien dire. Tout l'enjeu pour les scientifique est de les expliquer en tentant de créer des modèles basés sur :
      - l’observation de terrain
      - des études en laboratoire

      LEs modèles retenu sont ceux qui permettent le mieux de comprendre l'ensemble des données récoltées.
      Il arrive parfois que les modèle donnés par la géophysique et la géochimie, pour un même volcan ou pour une même éruption, ne concordent pas alors qu'évidemment cela devrait concorder.
      Celà est donc surtout révélateur que, parfois, l'un des modèles (ou les deux) n'est pas juste et qu'il faut acquérir plus de données ou des données différentes. Revoir les modèles, les améliorer.
      Comparer les méthodes très différentes est un excellent moyen pour la science d'aller vers toujours plus de compréhension de ce qui se passe.


      Bonne journée à vous :-)

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  3. votre blog est très bien fait, merci pour les informations que je n'ai pas toujours le temps de chercher. Passionné depuis pas mal de temps de volcans et séismes, j'ai trouvé mon bonheur en regardant les éruptions sur les webcams, reste plus qu'un jour pouvoir voir un en direct

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    1. Merci de votre retour positif: c'est beaucoup de travail au quotidien, même les jours où je ne publie rien :-) Quand à voir une éruption en directe, je vous conseil de commencer avec de l'activité classique (montée au Stromboli quand la situation sera redevenue stable).
      Pour une raison simple: si vous commencez par un gros événement éruptif pour ne pourrez pas pleinement en profiter car vous serez submergée par les émotions, vous ne saurez pas où donner de la tête. C'est mieux d'y aller crescendo (quand c'est possible), mais ce n'est qu'un avis personnel :-) Je vous souhaite en tout cas de réaliser votre projet.
      Bonne journée

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  4. bonsoir, le 19 septembre 22:04
    Didier,
    D'après les webcams il me semble que la lave a bien avancé et qu'une autre fissure c'est faite en premier plan.
    Pouvez vous me le confirmer.
    Je vous suis avec beaucoup de passion
    merci

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  5. Bonjour et merci de me suivre :-)
    Je pense que faite allusion à des lueurs visibles hier soir à droit de l'image de la webcam de MILA? Si c'est bien ça, je pense qu'il s'agissait de phares de véhicules, sans être sûr toutefois. Rien dans les données des volcanologues n'indique l'ouverture d'une nouvelle fissure mais nous verrons en cours de journée.

    Bonne journée à vous

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