3 septembre 2014

Evolution de la situation au Bardarbunga (Bárðarbunga) (mis à jour 04 septembre 20h00

Les dernières informations concernant la situation en cours indiquent que plusieurs changements ont fait leur apparition ces dernières 24 heures.

Tout d'abord l'activité éruptive reste stable avec un débit toujours estimé à 150m3/seconde et des coulées qui continuent de progresser vers le nord-est, en direction de la rivière Jökulsá á Fjöllum dont
elle a déjà atteint les affluents (à l'origine des possibles panaches d'hier?). La surface du champ de coulées est estimée maintenant à 7,2 km².


Extension du champ de lave dans la plaine d'Holuhraun, au nord-est du volcan Bardarbunga, 02 septembre 2014
Extension du champ de lave le 02 septembre. Image: Université d'Islande

Par contre l'Université d'Islande a fait savoir en milieu de journée que le dyke a continué d'augmenter de volume depuis le départ de l'éruption et qu'il y a donc toujours plus de magma en provenance du Bardarbunga que ce qui est libéré par l'éruption. Par ailleurs, et c'est peut-être ce qui sera le plus suivi par les volcanologues dans les jours qui viennent, un graben est en cours de formation à l'aplomb du dyke et il se développe en partie sous le glacier Dyngjujokull. Il a été repéré grâce aux images radar utilisées ces derniers jours pour, entre autres, suivre la progression du champ de lave.

Un graben est une figure tectonique qui apparait lors de phase d'étirement de la croûte terrestre. Il s'agit en fait d'une zone de la surface qui s'affaisse le long de faille dites normales.

Représentation schématique d'un graben
Représentation schématique d'un graben. Les forces tectoniques d'étirement, ou extension, sont figurées en rouge. Les failles normales ("normal faults") sont en noirs et les flèches noires indiquent leur mouvement. Image: NASA

Celui qui est en cours de formation fait déjà entre 500m 1000 m de large et s'étend jusqu'à environ 2 kms sous le Dyngjujokull. En fait il peut s'étendre encore plus loin car plus on s'enfonce sous le glacier plus l'épaisseur de glace est importante et moins le graben est visible: il se peut que seule une partie soit observable directement.
De facto si, en même temps, le magma continue d'affluer depuis le Bardarbunga et qu'une graben se forme, la possibilité qu'une éruption se développe au niveau même du graben n'est pas à exclure. C'est évidemment toute la problématique de la situation: si une activité démarre à cet endroit elle pourrait être sous-glaciaire, une partie du graben s'étant développé sous une épaisseur de glace de l'ordre de 150 m. Voilà qui augmente sensiblement la probabilité qu'un tel scénario se produise mais les divers organismes qui interviennent sur cette situation (Protection Civile, Universitaires, IMO) rappellent que 4 scénarios au moins sont en fait probables:
- soit tout s'arrête
- soit l'activité se poursuit sur une autre fissure mais tout se déroule dans la plaine
- soit l'activité se poursuit et ouvre une autre fissure qui, cette fois, est partiellement sous la glace, ce qui peut entrainer la formation de panaches de cendres et des Jokulhaups dans la plaine d'Holuhraun. C'est le scénario qui peut être redouté depuis que le graben a fait son apparition.
- soit une activité éruptive débute directement au sommet du Bardarbunga et peut s'accompagner, outre de panaches de cendres, de Jokulhaups dans plusieurs rivières qui drainent ce volcan (Jökulsá á Fjöllum, Skjálfandafljót, Kaldakvísl, Skaftá, Grímsvötn).

Affaire à suivre.

Mise à jour 17h15

L'image radar sur laquelle a été repéré le graben a été publiée par l'Université d'Islande.

Le graben du volcan Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun 03 septembre 2014
Le graben vu en imagerie radar. Images: Université d'Islande
Par ailleurs les sismomètres enregistrent une hausse du trémor qui, dans la situation du jour, a incité les autorités a demander aux volcanologues et aux journalistes de quitter la zone.




Mise à jour 04 septembre, 20h00

La nuit et la journée en cours se sont pour le moment déroulée dans la continuité des jours précédents. L'origine du trémor qui a incité les équipes média et volcanologiques sur place hier n'a pas pu être identifiée mais ne résulte pas d'une activité sous-glaciaire. Cette sismicité anormale s'est atténuée en cours de nuit mais ce matin les fontaines de lave étaient, d'après les informations en provenance de l'Université d'Islande, plus vigoureuses que les jours précédents avec au moins une fontaine haute d'environ 100m (plus de 130 m selon une estimation donnée par un volcanologue au journal Ruv.is).



La hausse du trémor aurait-elle pour origine un afflux supplémentaire de magma dans le dyke? Difficile à dire mais en tout cas la sismicité, quoi qu'elle s'affaiblisse progressivement, est toujours bien présente sur les 10 derniers kilomètres de longueur du dyke, signe qu'une pression (la contrainte produite par l'afflux de magma sur les parois du dyke) s'exerce toujours. Les mesures de déformations sont cohérentes avec cette idée: il semble qu'une extension, assez faible, soit toujours en cours dans la zone "sismogène" du dyke. C'est cette extension qui est à l'origine du Graben décrit plus haut.
Sous la caldera sommitale du Bardarbunga ça bouge aussi: une sismicité persiste avec un nombre peu élevé de secousses mais dont la magnitude moyenne est supérieure à celle qui se produit sur le dyke (il y a encore eu 4 secousses de magnitude supérieure à 4 rien que ce matin).

Localisation des seismes liés à l'éruption du volcan Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun, 04 septembre 2014
Les trois zones sismiques toujours en fonctionnement. La taille des cercles est proportionnelle à la magnitude des seïsmes, leur couleur caractérise leur profondeur. Image: Culture Volcan

La surface occupée par le champ de coulées a beaucoup progressé hier et il s'étale maintenant sur environ 10.8 km². La lave coule toujours essentiellement en direction du nord-est et a formé une "langue" de lave longue de 4 km environ.

Extension des coulée de lave de l'éruption du volcan Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun, 03 septembre 2014
Extension du champ de lave entre les 01 et 03 septembre. Image: Université d'Islande
Pour finir, 04 septembre a aussi connu son lot de nouvelles photos de l'éruption (qui n'ont pas toutes été prises aujourd'hui je pense), dont voici quelques une des mes préférées.



La suivante je l'aime bien pour l'échelle qu'elle donne aux fontaines




La lave rugueuse progresse sur les doux sédiments de la plaine d'Holuhraun...

Ahhh: quelle ambiance!


Échantillonnage des coulées obligatoire

Et pour finir, une vidéo des coulées.



Sources: Université d'Islande; Protection Civile Islandaise; Gisli Olafsson; Twitter; Ruv.is

4 commentaires:

  1. Merci pour toutes ces infos... un vrai thriller volcanologique !! ;)

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    1. Pas de quoi, c'est un plaisir :-)
      C'est vrai que ça fait un peu thriller! C'est assez prenant de suivre cette situation: ne pas savoir comment ça va se terminer...voir arriver des éléments nouveaux qui relancent un peu les craintes au moment où la situation semble se stabiliser: le suspens est relancé régulièrement et c'est plutôt sympa à suivre.
      D'autant plus que, grâce au travail fantastique des volcanologues et de la protection civile islandais, c'est la première fois qu'un tel événement géologique est autant suivi: ça permet d'illustrer concrètement a complexité que peut revêtir un système volcanique qui, pour le coup, est loin de ce que l'on apprend à l'école.
      Bonne journée à vous :-)

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  2. Comme dit sur mon précédent comm, je suis tes articles au fur et à mesure de leur parution. Ca m'évite de faire les traduc sur vedur.is.
    Peut être serais tu intéressé par les photos d'avant crise, datées de 2010.
    http://bigfoot.over-blog.org/article-30-07-oda-ahraun-part-1-askja-trolladyngja-56234781.html
    Je voulais te les envoyer en message privé pour pas faire style "il utilise mon site pour améliorer sa visibilité" mais je sais pas comment on fait.
    Je ne sais pas non plus comment tu fais pour être aussi réactif aux informations qui sortent quotidiennement sur tous les volcans du monde.
    David

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    1. oups, en visionnant la carte après avoir écrit mon comm (c'est malin), c'était pas le bon endroit exactement c'est plutôt là que ça se passe (en 2008) mais on n'y verra pas grand chose sous une météo apocalyptique (mais moins apocalytique qu'en ce moment bien que beaucoup plus beau)
      http://bigfoot.over-blog.org/article-02-07-kistufell-on-s-cass-quelque-part-je-sais-pas-ou-dans-le-desert-45134925.html

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