Le Kawah Ijen comme vous ne l'avez jamais vu

Il y a de cela une petite quinzaine de jours est apparu sur Youtube le teaser d'un documentaire sur le Kawah Ijen nommé "Le mystère des flammes bleues", réalisé par le photographe de Nature Olivier Grunewald et Régis Etienne, président de la Société Volcanologie de Genève et vidéaste amateur. Tous deux sont de grands bourlingueurs de volcans.

Ayant eu l'opportunité de voir le documentaire en avant première j'ai demandé l'autorisation aux réalisateurs d'écrire un article à son propos. Pourquoi faire une telle promo? Je vais être franc: à mon avis, vous ne pouvez pas ne pas voir ce documentaire, tout simplement. Et je vais donc tenter de vous convaincre que vous n'avez pas le choix :-).


Petite intro

Des documentaires sur le Kawah Ijen et ses mineurs de soufre, il y en a pléthore et, pour être honnête, tous se ressemblent un peu avec un fil rouge plutôt axé sur les mineurs et la difficulté de leur travail. On y voit un peu l'ambiance dans le cratère (de jour), avec les immenses masses de soufre presque pur extraites à la barre-à-mine mais au fond l'idée est toujours plus ou moins la même: jouer sur l'image de l'Homme courageux face au méchant Volcan. Finalement, on a parfois l'impression que rien n'a changé depuis le mythe des 12 travaux d'Hercule.

O.Grunewald avait déjà, en 2010, publié au Boston Globe une série de photos, pour moi époustouflantes, des flammes bleues et des mineurs. J'ai retrouvé, dans ce documentaire, la même ambiance tout à la fois suffocante et fantasmagorique. Le teaser du film explique que les deux compères ont passé, au total, une trentaine de nuits au fond du Kawah Ijen: il n'est donc pas étonnant qu'avec une telle immersion ils aient pu voir, mais surtout filmer et photographier, tout ce que cette zone peut offrir, tant sur le plan esthétique qu'humain.

L'ésthétique

C'est un des axes forts de ce documentaire dans lequel la manière d'aborder l'image ressemble un peu a du "travail de photo mis en film". En même temps ce n'est pas étonnant: les ambiances fortes sont la marque de fabrique d'O Grunewald dont la muse s’appelle "Nature Sauvage", qu'il retranscrit en images à travers des compositions aux lumières irréèlles. C'est ce qui ressort dans tous ses livres et il est clair que le fond du Kawah Ijen a été pour lui une vraie source d'inspiration. Avec R.Etienne ils ont su donner aux images une force que je ne me rappelle pas avoir déjà vu dans d'autres documentaires sur cet endroit unique au monde.

Les flammes bleues en particulier, qui servent de colonne vertébrale à ce documentaire. C'est un phénomène rarissime qui nécessite des conditions très spécifiques pour se manifester. Il faut, en particulier, un dégazage à très haute température et très concentré en soufre.



O.Grunewald et R.Etienne ne sont pas les premiers à montrer ce phénomène, déjà décrit sur Vulcano dans l'Antiquité. Mais il sont les premiers à lui donner, grâce à leur maitrise de l'image, sa véritable dimension: esthétique, puissante, dangereuse. En deux mots: complexe et fascinante.


Et les mineurs dans tout ça?

Si les flammes bleues sont le fil d'Arianne (pour rester dans les mythes antiques) de ce documentaire, les mineurs en sont le coeur. Certes, au travers des très nombreuses photos, des documentaires et articles qui leur ont été consacrés depuis15-20 ans, on sait qu'ils sont courageux et forts: il le faut pour porter presque 90 kg 1 à 2 fois par jour pendant plusieurs heures.

Mais j'ai toujours eu l'impression qu'on nous renvoyait l'image d'hommes "esclavagisés", n'ayant pas vraiment le choix, sous payés et, finalement, résignés et pas très  heureux.
Quelle surprise de voir qu'au contraire il s'agit d'hommes fiers de faire ce travail, deux fois mieux payé que celui qu'il font dans les champs!  Quelle surprise de comprendre au fil des images 
qu’ils gardent une grande philosophie par rapport au volcan et à la dureté de leur travail. On aurait tendance à oublier qu'ils sont surnommés "les Hommes Forts de Java" par leurs compatriotes: ce documentaire leur rend un bel hommage en les montrant tels qu'ils sont.


C'est aussi la première fois que je vois comment, étape par étape, est extrait, acheminé puis traité ce Soufre qui, in fine, sert essentiellement au blanchiment du sucre.

En conclusion

Je vous propose de faire un test avant de voir le documentaire: tapez "Kawah Ijen" sur le moteur de recherche le plus célèbre du monde. Vous aurez l'impression de voir des photos par milliers toutes copiées-collées les unes des autres. Toujours le même jaune, les mêmes paniers en osier chargés de blocs de soufre, les mêmes ambiances qui ressortent car, en une quinzaine d'année, le soufre du Kawah Ijen et ses mineurs sont devenus une carte postale, en même temps qu'une destination fortement touristique.

Et c'est justement parce que ce documentaire fait voler en éclat cette carte postale, qu'il montre probablement tout ce que personne ne voit jamais qu'il faut, à mon avis, le voir.
En attendant n'hésitez pas à aller voir le teaser.
 
Je remercie O.Grunewald et R.Etienne de m'avoir autorisé à rédiger ce post. Je ne leur aurais pas proposé si je n'avais pas estimé que ça en vaille vraiment la peine. Un grand merci aussi pour le prêt des images qui m'ont permis de l'illustrer.


Diffusion : Ushuaïa TV le 7 janvier 2014 à 20 h 40
France Ô en février ou mars 2014, date et horaire à préciser